L'utilisation de l'ellébore par les Gaulois est attestée par trois sources différentes: un texte de Pline, un texte d'Aulu-Gelle, et les annotations du Pseudo-Dioscoride.
Les deux textes vont dans le même sens. Pour Pline: "Les Gaulois, à la chasse, enduisent leurs flèches d'ellébore, taillent autour de la blessure et affirment que la chair est plus tendre" (Pline, Histoire Naturelle, XXV, 61). (Sans que nous puissions vraiment faire le lien, il est intéressant de rapprocher cet extrait d'un autre extrait de Pline, concernant le limaeum).
Le texte d'Aulu-Gelle, peut-être inspiré par Pline, provient très probablement de la même source: "Les Gaulois dans les chasses, trempent leurs flèches dans l'ellébore, persuadés que le gibier atteint de ces flèches est plus tendre. Mais ils ont la précaution de couper autour de la blessure les chairs où l'ellébore a pu se répandre" (Aulu Gelle, Nuits attiques,XVII, 15). Si les Gaulois prenaient ce qu'ils pensaient être une précaution, c'est que l'ellébore pouvait avoir des effets somatiques indésirables chez un individu sain; on peut donc déjà pressentir la connaissance et l'utilisation de cette plante en thérapeutique.
Ces textes sont à mettre en relation avec un passage d'Aristote: " On dit que chez les Celtes se trouve un poison qu'ils appellent toxique: ce poison, à ce qu'on dit, tue si promptement que les chasseurs celtiques, quand ils ont percé d'une flèche un cerf ou un autre animal, accourent pour enlever avec soin la partie de la chair où se trouve la blessure avant que le poison y ait pénétré, tout ensemble pour y prendre de quoi manger et pour prévenir la putréfaction de l'animal. On a trouvé, disent-ils, un contre-poison, c'est l'écorce du chêne, ou selon d'autres, une feuille qu'ils appellent coracium ayant remarqué que le corbeau (corax) quand il est malade pour avoir goûté de ce poison, a recours à cette feuille et se trouve, après en avoir mangé, délivré de ce mal" (Aristote, Singularités merveilleuses 86, Cougny VI, 11)
Les anciens distinguaient deux types d'ellébore, le noir et le blanc. L'identification n'est pas simple, elle portait déjà à confusion dans l'antiquité. Une phrase de Théophraste est à ce propos assez révélatrice: "L'ellébore blanc et le noir portent pour ainsi dire le même nom, mais les auteurs diffèrent quant à leur aspect [...]" (Théophraste, Histoire des plantes, IX, 10). Ni Pline, ni Aulu-Gelle ne nous précisent si les Gaulois utilisaient l'ellébore noir ou l'ellébore blanc, ou les deux.
Ce que nous pouvons dire actuellement, c'est que l'identification de l'ellébore noir des anciens est encore incertaine, certains y ont vu l'Helleborus niger L.. Par contre, l'ellébore blanc des anciens est le Veratrum album L. et le Pseudo-Dioscoride nous en donne un nom gaulois (anepsa).
Les effets thérapeutiques mentionnés par Dioscoride sont les suivants: "L'ellébore blanc [...] qui a une moelle tendre, qui n'est pas trop fort de goût, et qui ne fait pas saliver, mais fait étouffer... Il purge par le vomissement diverses humeurs, on le met dans les collyres pour clarifier la vue. Appliqué par-dessous, il tue le fruit dans la matrice. Il provoque le flux menstruel et fait éternuer [...] En faisant des suppositoires avec de l'ellébore et du vinaigre, il fait vomir" (Dioscoride, Sur la matière médicale, V, 133).
Pour Pline, qui rappelle la déclaration d'Hérophile qui comparait l'ellébore à un vaillant capitaine, l'effet principal est l'effet émétique (Pline, Histoire Naturelle, XXV, 5), mais il lui retrouve aussi des propriétés bénéfiques pour "l'épilepsie, les vertiges, la folie, la mélancolie, le délire, le tétanos, le tremblement, l'ascite, la tympanite à son début, le spasme cynique (sic), la coxalgie, les gonflements et les coliques récurrentes [...] En application sur le corps, il guérit les vieilles suppurations" mais vu la force de la plante, il conseille cependant de ne pas la donner à une personne dont "le corps ou l'esprit est mou, faible ou efféminé" (Pline, Histoire Naturelle, XXV, 60-61).
Dans le même ordre d'idée, Celse utilisait l'ellébore blanc dans les maladies chroniques et violentes sans fièvre (comme l'épilepsie et la folie), et précise que "toute personne se proposant d'administrer de l'ellébore devra préalablement veiller à ce que l'organisme du patient soit assez humide. Il faut savoir que tout médicament de ce genre, administré en potion, n'est pas constamment bénéfique aux malades, mais constamment nuisibles aux gens bien portants". (Celse, De medecina, II, 2-3).
Marcellus l'utilisait comme purgatif, mais aussi en application locale, contre les poux (Marcellus de Bordeaux, De medicamentis liber, IV, 66).
La toxicité de la plante est connue. L'intoxication, qui rappelle celle par l'aconitine, se traduit rapidement par un engourdissement des extrémités, un refroidissement, des signes digestifs (nausée, vomissements, douleurs abdominales), et cardiologiques avec bradycardie, troubles du rythme et hypotension sévère; le pronostic est réservé (Bruneton, Pharmacognosie - Phytochimie - Plantes médicinales, p.875).
Sources
• J. Bruneton, Pharmacognosie-Phytochimie-Plantes médicinales, 2e ed, Lavoisier, TEC DOC, Paris 1997
• Pierre Louarn pour l'Arbre Celtique