Feindre la retraite est un stratagème qui consiste à donner confiance à l'ennemi, le poussant ainsi à poursuivre une armée en fuite. C'est en fait une façon de se faire sous-estimer par l'armée adverse pour, au final, la surprendre en réengageant l'offensive. Ce réengagement s'opérait de front, ou sur le flanc, contre les soldats de l'armée adverse, qui trop confiants s'avançaient à leur poursuite et s'éloignaient du reste de leur troupe.
Les Atrébates utilisèrent ce stratagème en 57 av. J.-C. lors de la Bataille de la Sambre. Ils engagèrent d'abord une bataille de front au niveau de la rivière, se retirèrent, puis suivis par les Romains réattaquèrent depuis une position avantageuse alors que ceux-ci traversaient la rivière. Ils profitèrent donc du fait que l'avant-garde ennemie était isolée de leur côté de la Sambre, la rivière (obstacle) dans leurs dos.
Jules César, La guerre des gaules, II, 23 : Les soldats de la neuvième et de la dixième légion, placés à l'aile gauche de l'armée, après avoir lancé leurs traits, tombèrent sur les Atrébates, fatigués de leur course, hors d'haleine, percés de coups, et qui leur faisaient face. Ils les repoussèrent promptement de la hauteur jusqu'à la rivière, qu'ils essayèrent de passer ; mais on les poursuivit l'épée à la main, et on en tua un grand nombre au milieu des difficultés de ce passage. Les nôtres n'hésitèrent pas de leur côté à traverser la rivière ; mais, s'étant engagés dans une position désavantageuse, l'ennemi revint sur ses pas, se défendit, et recommença le combat
Les Morins et les Ménapes utilisèrent ce même stratagème immédiatement après cette première confrontation. Ils engagèrent d'abord une bataille de front à l'orée d'une forêt, se retirèrent, puis suivis par les Romains réattaquèrent ceux qui s'étaient aventurés trop loin. Ils profitèrent ce coup ci de la faible mobilité des romains à couvert dans les bois.
Jules César, La guerre des gaules, III, 28 : César, arrivé à l'entrée de ces forêts, commençait à y retrancher son camp, sans qu'un seul ennemi se fût montré, lorsque tout à coup, et pendant que nos soldats étaient çà et là occupés aux travaux, ils accourent de tous les côtés de la forêt, et fondent sur nous. Les Romains saisissent promptement leurs armes, les repoussent dans le bois et en tuent un grand nombre, mais, les ayant poursuivis trop loin dans des lieux couverts, ils essuyèrent eux-mêmes quelques pertes". /
En 54 av. J.-C. Ambiorix obtint un grand succès contre les Romains en employant une technique apparentée. Ses archers harcelaient les romains, poussant certaines cohortes à charger. Devant les charges, les Eburons reculaient. Les cohortes qui s'avançaient, cédant ainsi à la tentation d'affronter les Eburons, faisaient alors l'objet d'une attaque par le flanc laissé à découvert et finissaient par être enveloppées. Une fois encore, cette fausse retraite entraîne l'isolement d'une partie des troupes ennemies et leur enveloppement.
Jules César, La guerre des gaules, V, 35 : Ambiorix s'en aperçut et fit donner à tous les siens l'ordre de lancer leurs traits de loin, de ne point trop s'approcher et de céder sur les points où les Romains se porteraient vivement : la légèreté de leur armure et l'habitude de ce genre de combat les préserveraient de tout péril : ils ne devaient attaquer l'ennemi que lorsqu'il reviendrait aux drapeaux.
Jules César, La guerre des gaules, V, 36 : lorsqu'une cohorte sortait du cercle pour charger l'ennemi, il s'enfuyait avec une extrême vitesse. Cette charge laissait nécessairement notre flanc à découvert, et c'était là que se dirigeaient aussitôt les traits. Puis, quand la cohorte revenait vers le point d'où elle était partie, elle était enveloppée à la fois par ceux qui avaient cédé et par ceux qui s'étaient postés près de nos flancs. Voulait-elle tenir ferme, sa valeur devenait inutile, et ne pouvait la garantir, serrée comme elle l'était, des traits lancés par une si grande multitude.
Cette tactique pouvait également être utilisée par la cavalerie. Les Bretons utilisaient ce stratagème à l'aide de leurs chars de guerre contre la cavalerie romaine. Le principe est le même que dans les cas précédents. Feignant de se retirer, les Bretons attiraient une partie de la cavalerie romaine, puis sautant de leurs chars, ils réengagèrent un combat de front contre les cavaliers romains qui s'étaient trop éloignés de leur troupe.
Jules César, La guerre des gaules, V, 16 : "Ce combat, d'un genre si nouveau, livré sous les yeux de toute l'armée et devant le camp, fit comprendre que la pesanteur des armes de nos soldats, en les empêchant de suivre l'ennemi dans sa retraite et en leur faisant craindre de s'éloigner de leurs drapeaux, les rendait moins propres à une guerre de cette nature. La cavalerie combattait aussi avec désavantage, en ce que les Barbares, feignant souvent de se retirer, l'attiraient loin des légions, et, sautant alors de leurs chars, lui livraient à pied un combat inégal ; or, cette sorte d'engagement était pour nos cavaliers aussi dangereuse dans la retraite que dans l'attaque".