•
Sulpice Sévère : Vie de saint Martin, 12, 1-5, Traduction de : Jacques Fontaine, 1996, Paris, Cerf
Texte:
Il arriva par la suite qu'en cheminant, il rencontra sur sa route le corps d'un païen que l'on menait à sa sépulture en un cortège plein de superstition. Apercevant de loin une foule qui venait vers lui, et ignorant ce que cela pouvait bien être, il fit une courte halte: la distance étant d'environ cinq cents pas, il lui fut difficile de discerner ce qu'il voyait. Pourtant, comme il distinguait une troupe de paysans et que le vent faisait voltiger les toiles du linceul jeté sur le corps, il crut qu'il s'agissait de cérémonies sacrées de caractère païen. Car les paysans gaulois avaient coutume, dans leur misérable égarement, de porter en procession à travers leur champs des idoles démoniaques couvertes d'un voile immaculé. Levant donc le signe de la croix contre ceux qui venaient à sa rencontre, il commande à la foule de ne plus bouger et de déposer son fardeau. Mais alors, on eût pu voir cette chose extraordinaire : les misérables d'abord figés comme des rocs. Puis comme ils essayaient, dans un effort suprême, de faire un pas en avant, incapables d'avancer plus loin ils tournaient sur eux-mêmes en un tourbillon ridicule, jusqu'au moment où, vaincus, ils déposent le fardeau du corps. Abasourdis, ils se regardaient les uns les autres, et se demandaient sans mot dire ce qui avait bien pu leur arriver. Mais le bienheureux, s'étant rendu compte que ce rassemblement avait pour objet des obsèques et non pas une cérémonie religieuse, lève à nouveau la main et leur rend le pouvoir de partir et d'enlever le corps. Ainsi les obligea-t-il à s'arrêter quand il le voulut, et leur permit-il de s'en aller quand ce fut son bon plaisir.