Face à l'éminence du lancement de l'offensive carthaginoise contre Rome, les autorités romaines et Massalia se trouvent dans l'obligation de courtiser les Gaulois. L'objectif avoué des Romains est de voir les Gaulois se soulever contre les armées carthaginoises lors de leur future arrivée en Gaule. Lors d'une entrevue entre des émissaires romains et les autorités gauloises consultées, les Gaulois font connaître leur opinion face au conflit naissant (Tite-Live, Histoire Romaine, XXI, 20 ; Dion Cassius, Histoire Romaine, I, 175-176). Très rapidement, les Romains durent se résigner à l'échec de leur tentative... Un passage de Dion Cassius invite à croire que cette entrevue s'est déroulée sur le territoire des Bebryces.
1. - Les Gaulois ne veulent pas faire de leur territoire un champ de bataille
Les Gaulois savaient parfaitement que les Carthaginois n'avaient aucune intention d'envahir ou de piller leur territoire, ni même de les contraindre à participer à ce conflit. Certainement conscients de l'importance de l'armée carthaginoise en marche, ils préféraient voir cette armée - dont l'objectif était Rome - traverser leur territoire pacifiquement, plutôt qu'avoir à l'affronter.
Tite-Live, Histoire Romaine, XXI, 20 : "Là un spectacle nouveau, effrayant, frappa leurs regards. Les Gaulois, suivant leur usage, étaient venus tout armés à l'assemblée. Dans un discours où ils vantaient la gloire, la valeur du peuple romain et la grandeur de l'empire, les envoyés demandèrent aux Gaulois de ne point donner passage sur leurs terres et par leurs villes aux Carthaginois qui allaient porter la guerre en Italie. On entendit alors des éclats de rire si violents et de tels murmures, que les magistrats et les vieillards purent à peine calmer les jeunes guerriers. Quelle impudence ! quelle sottise ! s'écriait-on. Demander que nous attirions sur nous la guerre, pour l'empêcher de passer en Italie ! que nos campagnes soient dévastées, pour préserver du pillage celles de l'étranger ! Le tumulte enfin apaisé, on répondit aux ambassadeurs qu'on n'avait ni à se louer des Romains, ni à se plaindre des Carthaginois, pour servir la querelle de Rome contre ses ennemis."
2. - Les Gaulois transalpins se disent solidaires du sort des Gaulois cisalpins
Des décennies, sinon des siècles de guerres intestines entre les Gaulois cisalpins et les Romains et notamment la défaite récente des Boiens, des Gésates et des Insubres contre Rome (226-222 av. J.-C.) furent évoqués lors des négociations. En effet, selon Tite-Live (Histoire Romaine, XXI, 20), les Gaulois transalpins étaient parfaitement conscients du sort que les Romains réservaient aux Gaulois de Gaule cisalpine. Cette solidarité entre Gaulois explique certainement le fait qu'aucune "parole d'amitié, de paix, ne fut adressée à la députation" envoyée par Rome.
Tite-Live, Histoire Romaine, XXI, 20 : "Et de là, on savait que le peuple romain chassait les Gaulois du territoire et des frontières de l'Italie, leur faisait payer tribut et subir mille outrages. Cette réponse fut à peu près celle des autres peuplades de la Gaule. Pas une parole d'amitié, de paix, ne fut adressée à la députation avant son arrivée à Massalia."
Dion Cassius, Histoire Romaine, I, 175 : "Les Romains invitaient les habitants de la Gaule Narbonnaise à combattre avec eux : ceux-ci répondirent qu'ils n'avaient pas été traités assez mal par les Carthaginois pour leur faire la guerre, ni assez bien par les Romains pour les défendre. Ils se montrèrent même fort irrités contre ces derniers et leur reprochèrent d'avoir souvent fait beaucoup de mal aux autres peuples de la Gaule."
Dion Cassius, Histoire Romaine, I, 176 : "Dion Coccéïanus donne le nom de Bébryces aux habitants de la Gaule Narbonnaise. Voici ses paroles: "Aux anciens Bébryces, appelés aujourd'hui Narbonnais, appartiennent les monts Pyrénées, qui séparent l'Espagne et la Gaule." "
3. - Les Massaliotes fournissent des explications supplémentaires aux Romains
Les Massaliotes mentionnèrent le fait que les Gaulois soutenaient la cause des Carthaginois. Ce soutien est certainement le fait que les Gaulois ne voulaient pas s'impliquer dans ce conflit, ni soutenir un peuple qui martyrisait les Gaulois cisalpins. Il est fort probable aussi, que les émissaires carthaginois aient devancé la députation romaine. Le caractère des Gaulois, réputés pour leur inconstance était, selon les Massaliotes, la garantie qu'ils n'entreraient pas massivement, ni efficacement dans une alliance avec Hannibal contre Rome.
Tite-Live, Histoire Romaine, XXI, 20 : "Pas une parole d'amitié, de paix, ne fut adressée à la députation avant son arrivée à Massalia. Là, nos fidèles alliés, qui n'avaient épargné ni soins, ni peines pour avoir des renseignements précis, lui dévoilèrent tous les projets d'Hannibal. "D'avance il avait gagné les Gaulois ; mais il ne pouvait même pas trop compter sur leurs bonnes dispositions, à cause de leur caractère farouche et indomptable, à moins de répandre l'or, dont cette nation est si avide, pour se concilier l'affection des chefs." Après avoir parcouru ainsi l'Espagne et la Gaule, les députés revinrent à Rome, peu de temps après le départ des consuls pour leurs départements. Ils trouvèrent toute la ville en suspens dans l'attente de la guerre; un bruit assez certain annonçait que déjà les Carthaginois avaient franchi l'Iberus. "