Je suis en train de terminer la lecture desCeltes, Histoire d'un mythe, de Jean-Louis Brunaux. J'ai lu la plupart de ses livres, mais celui-là , vraiment, ne passe pas. Au nom d'une démystification de l'identité celte, Brunaux se livre à un examen critique de la recherche historiographique, archéologique et linguistique du domaine, tout en évoquant quelques grandes impostures comme le néo-druidisme ou les poèmes d'Ossian. Malheureusement, tout son essai est à charge ; pis encore, son argumentation est biaisée, voire profondément malhonnête.
Démonstration parlante.
A trois reprises (!), Brunaux reproduit la même citation de Tolkien : "Les Celtes (…) sont un sac magique, dans lequel on peut mettre ce que l'on veut et d'où peut sortir à peu près n'importe quoi." Quand j'ai été lire la note donnant la source de la citation, j'ai eu la surprise de lire : "Cité par Barry Raftery, L'Irlande celtique avant l'ère chrétienne, Paris, Errance, 2006, p.221." Pour une citation répétée à trois reprises dans le cours de l'essai, j'ai trouvé assez léger de ne pas donner la source originale !
Du coup, je me suis livré à un petit dépouillement de l'œuvre de Tolkien et j'ai fini par retrouver l'origine de cette citation dans la conférence L'anglais et le gallois, publiée dans Les monstres et les critiques et autres essais, J.R.R. Tolkien, Christian Bourgois éditeur, 2006, p. 230 (Traduction de Christine Laferrière). Voilà ce que Tolkien notait : "Pour beaucoup, peut-être pour la plupart des gens en-dehors du petit cercle des grands spécialistes d'hier et aujourd'hui, le "celtique" quel qu'il soit est néanmoins un fourre-tout magique dans lequel on peut mettre n'importe quoi et dont peut sortir pratiquement n'importe quoi."
Il est clair que la citation donnée par Brunaux est non seulement tronquée, mais aussi déformée, puisque Tolkien parlait de la langue celtique (qui était le sujet de sa conférence, puisqu'il traitait du gallois) et non des "Celtes". De deux choses l'une : soit Brunaux n'a pas vérifié ses sources, ce qui est une erreur de méthode grossière, et d'autant plus grotesque que c'est le reproche qu'il fait à bon nombre de ses prédécesseurs. Soit il a délibérément biaisé son propos.
Beaucoup de choses dans le livre semblent être aussi sujettes à caution…
Pas bien grave, me direz-vous. Cela m'ennuie quand même : le bouquin de Brunaux a reçu un accueil assez favorable et vient brouiller un peu plus une discipline qui a déjà connu assez d'approximations et de sottises pour ne pas voir un spécialiste y ajouter, au nom d'un balancement dialectique assez suspect, sa propre couche de confusion.