|
altrom / fosterageModérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
15 messages • Page 1 sur 1
altrom / fosterageA - Etudes celtiques
volume XII, fascicules 1 et 2 ; 1968-69 et 1971-71 Éditions du CNRS François Kerlouégan : Essai sur la mise en nourriture et l'éducation dans les pays celtiques d'après le témoignage des textes hagiographiques. pp.102-144 Plan de l'article Note préliminaire I - L'INSTITUTION DE LA MISE EN NOURRITURE D'APRÈS LES LOIS 1 - Classes sociales intéressées 2- Aspect légal 3 - parties prenantes 4 - rapports de parenté entre les parties prenantes 5 - Âge de l'enfant 6 - Prise de l'éducation 7 - Contenu de l'éducation 8 - Obligations entre parents et enfants adoptifs 9 - Frères de lait 10 - Terminologie 11 - Pères nourrissiers et tuteurs 12 - Orphelins 13 - Enfants élevés chez le roi 14 - Illustration par les textes littéraires 15 - L'institution au Pays de Galles 1 - Existence de la mise en nourriture : Pryderi 2 - Aide due par le fils adoptif 3 - Personnages désignés comme frères de lait d'un prince 4 - Dévouement des frères de lait 5 Querelles entre frères naturels II - LA MISE EN NOURRITURE TRADITIONNELLE DANS LES VIES III - L'ÉDUCATION AUPRÈS D'UN CLERC 1 - Elèves laïcs 2 élèves - novices.
B - Résumé des textes
Court glossaire préalable : * hagiographique : dérive du grec 'hagios', sacré ; un hagiographe est un auteur qui traite de le vie et des actions des saints. * nourrissage : c'est l'institution celtique dénommée communément 'fosterage'. En gaélique moderne (d'après le Focloir Poca : petit dictionnaire) on a : altram, daltachas ; foster-child : dalta ; foster-father : athair altrama, oide. Dans l'article, on a : altar, altram, comalt (gaélique ancien), etc. * alumnus : mot latin dérivé de 'alo' nourrir désigne à l'origine le nourrisson, nourri au sein. * agnat : dans le droit romain ancien, parenté en descendant d'une même souche masculine ; parenté par les mâles * cognat : parenté naturelle reposant sur la consanguinité ; parenté par les femmes. NB : ne pas oublier "Les apprentis" http://www.forum.arbre-celtique.com/vie ... php?t=2034 Prière de se référer également aux textes de Fergus Boduogenos sur le droit celtique, bien que le fosterage n'y soit pas cité : forum Histoire / archéologie, http://www.forum.arbre-celtique.com/vie ... php?t=1958 Dans les sociétés celtiques, un enfant pouvait être placé « très jeune » (en fait, vers 7 ans) en nourrissage, ou fosterage, dans une autre famille. Cette coutume est très différente de l'adoption, car l'enfant placé en nourriture retourne dans sa famille naturelle à « l'âge du choix » (aimser logu), 14 ans pour les filles, 17 ans pour les garçons. Dans l'adoption (à la romaine) il y a rupture complète du lien entre la famille naturelle et création d'un nouveau lien légal dans la famille d'accueil. Les liens naturels ne sont jamais rompus ; par contre il se crée des liens affectifs et légaux supplémentaires avec les frères et soeurs de lait, et les parents nourrissiers. La loi gaélique reconnaît ces droits, et les obligations d'aide mutuelle. L'auteur a fait le choix d'utiliser les textes hagiographiques médiévaux, rédigés en latin ; il existerait une assez abondante littérature moderne sur ce sujet, mais en anglais. Il ne semble pas exister de texte antérieur à 550, le De Excidio Britanniae de Gildas. Ma connaissance un peu trop basique de l'anglais m'empêche d'accéder à ces textes, qu'il faut commencer par obtenir. Sur Internet, très peu de textes en français ; pour la plupart ce sont des études d'ethnographie moderne au sujet des Noirs d'Afrique, des Arabes, des Océaniens ; il s'agit surtout de « circulation d'enfants » classique en Afrique (environ 30 %), ou de mesures d'urgence dues au sida en Afrique, après décès de la mère... Elles sont essentiellement descriptives, ne s'aventurant pas dans le ressenti, le vécu, pour l'enfant et les parents nourrissiers. J'ai rappelé le plan ci-dessus, pour ne pas en tenir compte de façon étroite. Cette institution est unique en Europe, typique des pays celtiques antiques et médiévaux ; elle a persisté jusqu'aux Temps Modernes en Irlande, presque les années 1800. Elle concerne toutes les classes d'hommes libres, mais probablement surtout les nobles. Il existe deux variétés : sans rétribution, il n'y a pas de contrat vis à vis des parents naturels, en dehors du cas où une responsabilité civile serait engagée. La seconde variété de fosterage se fait avec paiement de l'entretien et de l'éducation de l'enfant ; il y a engagement mutuel, contrat, et il existe une réglementation précise et minutieuse. La section Cain Iarraith du Senchus Mor regroupe les mesures à prendre en cas de non respect du contrat. Le paiement s'effectue en têtes de bétail. L'enfant est confié à la famille dite gelfine (http://www.bzh.com/keltia/galleg/histoi ... rg-soc.htm) ; il semble que l'enfant soit souvent mis en nourrissage dans la famille de la mère, chez l'oncle maternel. Le contenu de cette éducation dépend du rang de la famille naturelle : * jusqu'au rang d'og-aire - garçons : surveillance du troupeau, séchage au four, peignage, coupe du bois ; - filles : moulin à bras, pétrin, tamis ; * à partir du rang d'aire-dresa - garçons : équitation, jeu d'échecs (celtiques !), chasse, natation ; - filles : coupe, couture, broderie. Cette liste paraît bien succincte ! Mais voir plus loin. Les parents adoptifs remplacent en tous points les parents naturels ; leur relation légale vis à vis des enfants adoptifs est presque la même que celle des parents naturels. Les parents nourriciers peuvent élever des enfants issus de famille différentes ; entre frères et soeurs de lait se tissent des relations impliquant l'aide mutuelle ; ces liens sont reconnus par la loi. A noter la terminologie riche en rapport avec la notion de nourrir, élever, éduquer en gaélique par la racine *al, connue également en germanique et dans les langues italiques, comme on l'a vu dans le glossaire. Il existe également des aite, tuteurs ou maîtres, ayant des écoles dans lesquelles sont enseignées des sciences bien déterminées, et non les techniques de base d'une société agraire. Maître et élève portent un nom différent : fithilthir et felmac, ce qui monter qu'il s'agit d'autre chose que le fosterage. Toutefois, le statut réel de l'élève n'est peut-être pas très différent du fils adoptif. L'énoncé des obligations réciproques du maître et de l'élève s'apparentent à celles du père et du fils adoptif. Il en était d'ailleurs à peu près ainsi à Athènes : le philosophe Isocrate, concurrent de Platon, avait en permanence une demi-douzaine d'élèves chez lui, qui restaient deux ans. Cas particulier des enfants élevés chez le roi : dans la Tain bo Cualnge, on voit Cuchulainn s'en prendre aux enfants de la cour, maccoim, pages, écuyers, otages ? L'auteur cherche ensuite des indices dans les Vies de saints. Ces textes enjolivent l'enfance par des prodiges ou des parrainages prestigieux d'autre saints, et citent longuement les prouesses du saint, mais ces Vies ont le mérite de faire des allusions à l'institution de la mise en nourriture. Ces Vies concernent l'Irlande, la (Grande)Bretagne, l'Armorique. Les parents adoptifs sont appelés nutritores, et l'enfant adopté alumnus. L'auteur donne quelques exemples, qu'il serait long de rapporter ; il cite souvent le texte latin lui-même sans traduction. Page 123, l'auteur note que l'enfant semble confié fréquemment à la famille maternelle : « Nous pensons ici aux traces de filiation utérine que la tradition celtique aurait conservées » Dans le cas des princes, Kerlouégant signale l'influence importante des parents adoptifs au sujet de la lutte de prise du pouvoir entre frères, pour succéder au roi, ou obtenir des apanages : les parents adoptifs se comportent comme n'importe quels parents ! Les liens affectifs créés sont indiscutables et profonds. P.131 : « Les Vies de saints apportent donc de précieuses confirmations aux textes de lois et aux récits légendaires ou historiques en langue vernaculaire [gaélique]. Sans doute tous les cas relevés ne sont pas d'une parfaite clarté mais cela ne doit pas nous surprendre. Un usage qui était courant ne devait présenter d'intérêt particulier ni pour le rédacteur ni pour les lecteurs. Celui-ci se contente de le mentionner quand les nécessités du récit le demandent ou quand il lui paraît bon de rattacher tel jeune saint à tel nutritor prestigieux. Mais il ne décrit pas l'institution et nous devons nous contenter des indices que l'auteur, au fil du récit, a laissés ici ou là . » « Reste que les renseignements obtenus ne sont pas négligeables. [..] un faisceau de convergences et le support de la tradition en langue indigène -- pour les querelles d'héritage et l'affection entre les frères de lait, par exemple -- [..] D'autre part ces indices, dans leur variété, confirment ou enrichissent notre connaissance des modalités de la mise en nourriture au cours du Haut Moyen Âge [..] Nous avons ici des traits qui ne figurent pas dans les Lois, sans doute parce que celles-ci s'intéressent surtout au contrat et aux obligations réciproques. » Dernière édition par mikhail le Lun 05 Juil, 2004 13:43, édité 1 fois.
C - Interrogation
Ce texte, et les rares autres consultés sur Internet ou ailleurs, répond-il à mon interrogation sur cette coutume ? Pas vraiment... Car c'est le vécu psychologique de cette institution originale aux Celtes qui m'intéressait, les conséquences affectives mais aussi sociales et politiques. Là , je reste sur ma faim. Cette institution est bien connue d'auteurs (de romans) anglophones contemporains, d'origine irlandaise ou non, mais culturellement « gaélisés ». Dans l'un de ces livres romanesques, le héros est choqué qu'on lui propose une femme à épouser : « Mais c'est ma soeur ! » En fait, c'est une foster-sister, ce qui crée chez lui un refus d'une situation ressentie comme incestueuse, tout au moins chez l'auteur du roman ! Ce point serait également à examiner, car elle concerne justement une partie du vécu du fosterage : quelles sont les interdictions matrimoniales (et sexuelles) dans le cadre du fosterage ? Dans un texte concernant les Arabes, c'est à dire dans une civilisation beaucoup plus patriarcale que les Celtes, il y a effectivement interdiction absolue de mariage entre frères et soeurs de lait. mikhail
J'espères ne pas répondre trop à côté du sujet, mais je sais que dans les récits arthuriens gallois, Arthur est élevé avec ses soeurs Morgwen et Anna par Kynyr, le père de Kei et de Gwyar, au début par fosterage, mais les parents d'Arthur sont tués par les Saxons et Kynyr les considère dès lors comme ses propres enfants.
Par ailleurs, une passion secrète nait entre Anna et Gwyar, ils s'efforcent de la cacher mais Anna tombe enceinte et l'enfant est confié à un guerrier de passage en cachète : c'est Gwalchmai, ou Gauvain, qui sera révelé comme neveu d'Arthur après l'histoire avec le géant vert et le jeu de décapitation : Gwalchmai serait donc doublement le neveu d'Arthur, puisque fils de sa soeur de sang et de son frère de lait. Il semblerait que l'union entre frère et soeur de lait soit honteuse ici, mais pour autant le fruit de cette union n'en a pas honte. http://letavia.canalblog.com
Letavia - Troupe de reconstitution des Bretons armoricains aux alentours de l'an 500. Benjamin Franckaert (Agraes/Morcant)
Institution spécifique aux celtes ?
Pas évident du tout, je ne crois pas que ce soit conjoncturel en Afrique ou la délégation est extrêmement courante ou en Amérique où dans certaines tribus, l'éducation de l'enfant est confiée de droit, à l'oncle ou a la tante maternelle... Cette pratique est toujours connue et pratiquée dans notre droit positif moderne mais de façon exceptionnelle ( v. la notion de délégation d'autorité parentale des article 377 et suivants du Code Civil )
Elle est étrangère à la "romanité" antique ; dans les autre peuples, elle a un rôle différent comme en Afrique (actuelle) ou la "circulation" des enfants est une pratique qui serait courante, etc. Faute d'un autre terme existant en ethnologie, l'utilisation actuelle du mot fosterage doit bien vérifier ce qu'on met derrière, car il n'y en a pas d'autre ; il n'existe pas d'équivalent français. Les ethnologues peinent à distinguer les notions d'adoption et de 'mise en nourriture', ou 'fosterage'. C'était courant, normal, avec des lois précises et détaillées, etc., chez les Irlandais et autres Celtes. Ce que j'attends, ce sont les effets ou conséquences dans la société civile, politique et dans les familles... Je connais par ailleurs quelqeus exemples, tel Cúchulainn "obligé" de tuer son frère de lait Ferdiad... dans la Razzia des Vaches de Cooley. mikhail
Après vérification sur http://www.legifrance.gouv.fr pour les articles 377 à 379, il s'agit de la protection de l'enfance au sujet de parents 'défaillants'. L'altrom est tout autre : c'est un placement volontaire, organisé, courant, rétribué, (etc.) dans une autre famille, volontiers chez l'oncle maternel. Pourquoi cette coutume ??? Origine ? Utilité ? But ??? C'est cela que je cherche à comprendre, si possible ! mikhail
Nononononon,
c'est juste à côté mais ce n'est pas la même chose, tu confonds "assistance éducative" -donc effectivement, la protection de l'enfance en cas de difficultés ou de défaillance des parents, (articles 375 et s du Code Civil et la délégation d'autorité parentale (art. 377) qui est la possibilité parfaitement admise dans notre droit de voir confier l'exercice de l'autorité parentale à un tiers.....même en dehors de situations défaillantes ou difficiles Si la situation de désintérêt par les parents est également visée par ces textes, il ne s'agit qu'un des cas de délégation qui peut être parfaitement volontaire et organisée. C'est vrai qu'il s'agit de situations exceptionnelles, mais je me dis que si cette notion est parfaitement connue, pratiquée et admise dans le Code Civil, c'est que ce n'est pas une mesure de pure circonstance et qu'elle est, comme presque tout notre droit civil, issue de longues pratiques coutumières..... Ce qui me semble peut être particulier aux Celtes est le caractère, semble t'il quasi incontournable de la pratique - était ce un mode éducatif obligatoire ? Sinon la notion en elle-même me semble quasi-universellement connue à défaut d'être partout une pratique courante...
altramThierry,
Tu soulignes le fait qu'en droit français actuel, la mesure est "exceptionnelle". Or elle semble bien avoir été "très fréquente" chez les Celtes de l'Antiquité (et bien longtemps encore après, en Irlande) surtout dans les classes les plus élevées ? Il n'y avait pas d'INSEE à l'époque, donc nous n'avons pas de chiffres... Ce qui complète son importance, c'est sa présence dans les épopées et son rôle dramatique : Cúchulainn doit lutter à mort contre son frère de lait Ferdiad, et doit le tuer. Il y a d'autes exemples, que je n'ai pas sous la main. mikhail
Salut à tous deux,
N'étant pas compétent, je suis donc là seulement en tant qu'observateur. Si l'on tient compte des indications de Jules CESAR, relatives à l'"appartenance" possible des femmes à l'ensemble des hommes du clan, et que l'enfant qui en est issu est attribué au premier des frères, ou au père, qui l'a "visitée", Si l'on tient compte de la copulation en public des Irlandais, relatée par St Patrick, il me semble difficile, a priori, de distinguer entre les frères et les cousins. Pire même, si l'on dit que tel garçon a été marié à sa cousine, c'est peut être finalement avec sa soeur ! A part la mise en place et l'utilisation réelle communautaire nationale et habituelle d'un Droit sur plusieurs générations, comment peut-on alors désigner un oncle et une tante ? Noeud gordien ? JC Even Prudentius Glissaturium "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
altrom"Fosterage", suite
Serge Lewuillon Vercingétorix ou le mirage d'Alésia Ed. Complexe pp.100-103 NB : 1) Les deux sous-titres ci-dessous sont de moi, ils distinguent plus clairement les deux parties du texte : l'avunculat, le fosterage. 2) Les phrases de l'auteur étant longues, complexes et remplies d'incises, j'ai abrégé par le symbole [..] ; il représente également des coupures plus importantes dans le texte, long à dactylographier. 3) Les italiques sont de l'auteur. 4) Ce texte est précisément daté, traitant de Vercingétorix ! * L'oncle maternel * Les relations de parenté à raison du mariage [..] induisent également des relations nouvelles qui concernent d'abord les enfants issus du mariage et leurs rapports avec la génération des parents. A cet égard, le phénomène le plus frappant [..] touche à la relation établie entre l'enfant et ses oncles, et plus spécialement son oncle maternel. Elle peut se résumer à cette idée très simplifiée : la relation avunculaire met en jeu de préférence la côté de la mère [..] Ce système de parenté [..] s'organise dans deux directions : d'une part les relations particulières qu'entretiennent l'oncle maternel et son neveu et, d'autre part, le privilège matrimonial qui donne à l'oncle un droit nuptial sur sa nièce. Il en découle des attitudes et des comportements que nous jugeons souvent inattendus et spectaculaires, parfois même choquants. Par ailleurs, pour des motifs qui tiennent à la forte présence des femmes dans cette forme d'échange, la relation avunculaire donne lieu à des développements originaux du droit matrimonial et successoral. [..] un auteur latin y va d'une formule particulièrement éclairante : « le fils d'une soeur ne trouve pas moins d'égards auprès de son ancle que chez son père. Certains pensent que cette parenté du sang est plus sainte et plus étroite et, pour prendre des otages, l'exigent de préférence. » Tout comme dans les sociétés dites primitives, où la relation entre le fils et les parents du côté de son père se présente en général sous un jour assez inamical, les Gaulois connaissent ce trait qu'on appelle l'évitement : le fait que Vercingétorix et son oncle paternel (qui porte le nom sans équivoque de patruus) soient en très mauvais termes est souligné par César comme un élément majeur de sa politique arverne. « [..] une coutume particulière qui consiste à ne pas permettre à leurs enfants de les aborder en public avant l'âge où ils sont capables de service militaire ; et c'est une honte pour eux qu'un fils en bas âge prenne place dans un lieu public sous les yeux de son père. » A l'inverse, les rapports entre l'oncle maternel et le neveu sont bien meilleurs et surtout plus importants du point se vue social. Il est remarquable qu'une attitude aussi caractéristique perdure dans une société qui, en principe, voit sa culture oblitérée par les moeurs romaines. [..] un auteur bordelais tardif, Ausone [IVe siècle], avoue que la perspective d'évoquer son oncle dans un poème intime lui cause un cas de conscience : faut-il lui donner la place voulue par son degré de parenté ou celle beaucoup plus considérable que commande un amour quasi filial ? En fait les parallèles ont innombrables entre la Gaule et les Celtiques insulaires (par exemple, ce caractère est à l'origine de la véritable tragédie de Tristan), qui démontrent le caractère prévalent de la realtion avunculaire chez les Celtes. * Fosterage * P.102 Elle y connaît une évolution bien plus considérable que dans le reste du monde antique, qui se traduit par la « mise en éducation » des enfants pendant des périodes généralement assez longues, à tel point que cette forme dérivée paraît plus fréquente encore que l'avunculat proprement dit : on lui donne le nom de fosterage. Ses implications historiques à l'époque de la guerre des Gaules doivent retenir notre attention. En effet, à travers des témoignages d'origine archaïque, César livre la preuve que le système de parenté gaulois a débouché sur certaines pratiques matrimoniales anormales pour les Romains, mais familières aux anthropologues, comme celle où une fille peut épouser son "père" : il s'agit naturellement d'un parent à qui elle donne le nom de père (le terme est classificatoire), alors qu'il n'est pas son géniteur ; dans la pratique, il s'agit souvent d'un oncle [..] Bien sûr, dans la Gaule de la Tène finale, cette pratique a forcément disparu [..] et il n'en reste que des formes dérivées, plus ou moins propres à réaliser la stratégie de l'échange et de l'alliance. L'oncle n'est plus réellement l'époux potentiel de sa nièce, mais seulement le protecteur naturel et le précepteur désigné de tous ses neveux et nièces, la relation avunculaire s'est muée en règle privilégiée de mise en nourrice. Les Commentaires montrent que l'éducation des jeunes Gaulois est une chose trop sérieuse pour ête confiée à leurs parents naturels. [..] ce système, la proximité, constitue donc bien le prolongement historique de la relation avunculaire. A l'époque où César l'a connue, la société gauloise avait déjà mis au point de nouvelles stratégies propres à intensifier les processus de l'échange en élargisant la sphère des alliés : on observe qu'à la proximité se substituait la préférence pour la politique des alliances, c'est à dire l'affinité. Ce qu'on pressentait en introduction se vérifie : tant d'événements qui rythment la guerre des Gaules et qui ne paraissent aux yeux du lecteur pressé que de simples péripéties militaires sont dus, en réalité, aux nécessités les plus pressantes de la sociologie celtique. César en témoigne, pour ainsi dire, à son insu. Pierre Jakez Hélias Le Cheval d'orgueil les parents travaillent, les grands parents éduquent. ... pour résumer très brutalement ce livre, dans la Bretagne du début du XXe siècle. mikhail
Salut à tous,
juste pour confirmer que chez les restes des indiens Navajos aussi bien que chez certaines tribus apaches, les enfants sont confiés à leur oncle maternels, toujours de nos jours... _______________________________________
Gwalchafed
Gwalchafed et tous,
L'anthropologie montre la grande fréquence de ce comportement. Ce qui serait plus intéressant, c'est non pas de citer tel peuple ou tel autre qui pratique le "fosterage", mais quel est l'effet de cette pratique sur la société ! Cet extrait de Lewuillon, que je cite à nouveau, éclaire un peu cette question : " .. la société gauloise avait déjà mis au point de nouvelles stratégies propres à intensifier les processus de l'échange en élargisant la sphère des alliés : on observe qu'à la proximité se substituait la préférence pour la politique des alliances, c'est à dire l'affinité. " Voilà un renversement stupéfiant ! Au lieu de préférer "le sang", la famille, la filiation, voilà qu'on se met à préférer l'amitié, l'amour, les choix affectifs ! (Et le commerce ??) Quelques siècles plus tard, "l'amour courtois" et la passion amoureuse, symbolisée par le mythe de Tristan et Yseut, représente le même changement fondamental de paradigme. mikhail
Cher Mikhail,
Ce que tu dis revient alors à l'abandon du fosterage ; en effet souvent celui-ci est décrit, lorsqu'un enfant est élevé par son oncle maternel, comme le paroxysme des liens du sang : en effet les anciens ne pouvaient être certains de leurs pères, alors que leur oncle maternel était le premier homme dont la parenté était sûre, non ? _______________________________________
Gwalchafed
Gwalchafed,
Je suis tout à fait en désaccord ! Nos ancêtres n'étaient pas si limités dans leur compréhension des choses, et leurs motivations nous échappent à tout jamais. On ne peut qu'en discuter... Au départ, je me posais la question du POURQUOI du fosterage, celui de ces ancêtres, pas celui des ethnologues de nos jours, qui ont repris ce terme faute d'en avoir créé un autre. Ne pas oublier que l'altom / fosterage à l'irlandaise a duré jusque vers 1800 ! Or la société a changé plusieurs fois en Irlande, entre les débuts de l'ère chrétienne et 1800, dont la conquête par l'Angleterre, et une histoire fort agitée (et encore, récemment en Ulster). Quant aux 'liens du sang' et à la 'certitude' de la paternité face à la maternité, on sait que par "la présomption pater is est" les Romains avaient répondu à ce problème ; les Celtes avaient aussi probablement un équivalent dans le "prix du visage" (voir le fil sur le droit celtique, par Fergus Boduogenos). Je n'ai pas de réponse à ma question initiale ; le Professeur Guyonvarc'h non plus n'a pas eu de réponse à me donner, lorsque j'ai pu lui en parler (d'ailleurs fort brièvement). Avis d'un ethnologue ?? mikhail
15 messages • Page 1 sur 1
Retourner vers Histoire / Archéologie Qui est en ligneUtilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 69 invités
Accueil |
Forum |
Livre d'or |
Infos Lègales |
Contact
Site protégé. Utilisation soumise à autorisation Conception : Guillaume Roussel - Copyright © 1999/2009 - Tous droits rèservès - Dèpôts INPI / IDDN / CNIL(1006349) / SCAM(2006020105) |