
Les résultats de la campagne de fouille de Corent 2008 sont disponibles en ligne à l'adresse suivante :
http://www.luern.fr/Articles%20et%20rapports/Rapport_2008.pdf
Extrait :
Cette huitième opération de fouille programmée sur le site du Puy de Corent vient compléter les résultats de la précédente campagne triannuelle, consacrée à l’exploration des quartiers situés au nord du sanctuaire L’élargissement de la fenêtre de fouille, au nord et à l’est du grand complexe C fouillé au cours des deux années précédentes, porte l’aire d’extension des vestiges d’époque laténienne bien au-delà de la zone attenante au péribole. Reconnus sur plus d’un hectare, ils sont constitutifs d’un quartier central de l’oppidum, organisé en plusieurs pôles d’activité (politico-religieuses, domestiques, artisanales et commerciales) et occupé de manière continue entre le troisième quart du 2e et le milieu du 1er siècle avant notre ère.
Les vestiges découverts cette année obéissent aux mêmes principes de construction, d’organisation, d’orientation et d’évolution que ceux reconnus lors des campagnes précédentes. Ils sont parfaitement intégrés au schéma de trame urbaine mis en évidence l’année dernière, dont la pertinence se vérifie cette année à travers l’alignement des limites de parcelles et des façades de bâtiments sur plus de cent mètres de distance, de l’angle sud-est du sanctuaire aux clôture palissadées fouillées à l’extrémité nord du chantier. Dévolus aux activités domestiques et artisanales, les bâtiments présentent plusieurs états de construction qui s’échelonnent sur plusieurs générations, de la fondation de l’oppidum à La Tène D1a (corps de bâtiments D, G1-G3, F et H) à son abandon dans le courant de La Tène D2 (bâtiments C5, F et G4).
Certains d’entre eux (corps de bâtiments F et H) se distinguent par leurs dimensions imposantes et la présence de marqueurs aristocratiques similaires à ceux déjà reconnus dans les corps de bâtiments A et B : à la découverte de vaisselle métallique (gobelet de type Idria), d’un anneau en or, d’un crâne humain et de pièces d’armement (épée, bouclier), s’ajoute celle, plus exceptionnelle en territoire arverne, de plusieurs pièces de char (un anneau passe-guide, deux clavettes et une boîte de moyeu) étroitement concentrées dans un même espace. D’autres bâtiments sont dévolus à un artisanat très spécialisé, à l’exemple d’un atelier de bronzier signalé par l’empreinte d’un billot en place environné de rejets (sels de cuivre, fragments de creusets et moules à alvéoles, lingots, poids), ou encore, d’une fosse comblée de vestiges liés à l’artisanat du plomb, très rarement attesté sur les sites de l’âge du Fer. La fouille des secteurs les moins perturbés par l’emprise des bâtiments laténiens confirme qu’ils succèdent à d’autres vestiges d’habitat structurés, datés de l’âge du Bronze et du premier âge du Fer, dont l’extension semble s’inscrire dans le même ordre de grandeur.
La découverte majeure de cette campagne réside dans la mise en évidence d’un vaste bâtiment sur cave, dont l’extrémité occidentale avait déjà été recoupée par la fouille de 2007 (bâtiment C5). Il se présente sous la forme d’une vaste halle longiligne de plus de vingt mètres de long, encadrée par deux rangées de puissants poteaux. Son emprise au sol est occupée par un vaste creusement excavé dans le substrat basaltique, qui se distingue des caves couramment rencontrées sur les oppida de Gaule interne par sa forme allongée et ses dimensions exceptionnelles : plus de 18 m de long pour 2 m de largeur et autant de profondeur, soit une capacité de près de 80 m3. Sa superstructure repose sur un dispositif de poutrage fondé sur des solins en pierre, supportant un plancher qui tenait également lieu de plafond pour la cave sous-jacente, dont l’espace intérieur était compartimenté.
Le mobilier retrouvé dans le remplissage de la cave, principalement composé d’amphores dont le poids cumulé avoisine les 5,6 tonnes de tessons, suggère qu’elle était spécifiquement dédiée au stockage du vin. Rejetées en une seule opération lors du démantèlement du bâtiment, survenu dans le second quart du 1er siècle avant notre ère, une vingtaine d’entre elles ont été déposées intactes au fond du creusement. Leur disposition organisée, en association avec des vases écrasés en place, oriente l’analyse vers l’hypothèse d’un dépôt volontaire liés à la condamnation de la cave. La présence de nombreux éléments de vaisselle métallique (fragments de situle, de cruche, de gobelet et de passoire en bronze), d’amphores en situation de dépôt (dont un col sabré) et de nombreux jetons céramiques témoignant de transactions effectuées à cet emplacement, plaident pour un bâtiment voué à l’entreposage, mais aussi, à la vente et à la consommation sur place du vin importé. Cette interprétation peut s’appuyer sur des comparaisons avec certains plans de tavernes semi-enterrées (cellae vinariae) reconnus dans le monde romain, notamment à Rome (Porta Flaminia) et à Schwarzenacker en Gaule Belgique. Les dimensions de la cave (qui pouvait accueillir simultanément jusqu’à deux cent amphores) et sa situation en bordure de la place plaident pour un aménagement à caractère public, qui tenait peut-être également lieu de local de réunion pour des corporations d’artisans.
Cette année a vu la mise en œuvre de prospections géophysiques (mesures de résistivité magnétique AMP), préalables à un nouveau programme d’exploration de l’oppidum sur une plus large échelle. La reconnaissance, au nord et à l’est de la zone fouillée, d’anomalies magnétiques d’orientation et d’organisation cohérentes avec celles des vestiges de l’oppidum laténien déjà dégagés, tend à confirmer qu’il s’étend sur plusieurs dizaines d’hectares. Cette hypothèse sera validée dans le cadre d’un nouveau programme de fouille triannuel envisagé pour 2009-2011.