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César et ses méthodes expéditivesModérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
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Est-il besoin de rappeler que la Guerre des Gaules a été rédigée sous la dictée de Cesar ?
Le mensonge est une condition absolue de l'exercice de la guerre. C'est là une des choses qui rendent si difficile le métier d'historien.
Sur ce sujet, ne pas oublier le remarquable "Cesar et la Gaule" de Christian Goudineau et son analyse des chiffres avancés par César...
Le proconsul n'était pas seul, loin de là , et ne pouvait tout de même pas se permettre de raconter n'importe quoi.
Salut,
D'accord avec Thierry, une partie des officiers de l'état-major de César se retrouveront dans le camp de Pompée lors de la guerre civile. Sa marge de manoeuvre était limitée d'autant plus que des courriers officiels et d'autres qui l'étaient moins partaient régulièrement vers Rome. Christian Goudineau fait globalement confiance aux sources antiques y compris César ; il refuse ce qu'on appelle l'hypercritique et je pense qu'il a bien raison. Faire confiance ne veut pas dire qu'il faut tout croire. La Guerre des Gaules est à la fois un document historique irremplaçable et un texte de propagande remarquable. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Donc, pour en revenir à ma question, Christian Goudineau doit savoir de quoi il parle quand il avance le chiffre de 40% des élites supprimés par César !
Salut,
reprenons un problème de chiffre (limité) : César mentionne, selon les dires des Nerviens, un"sénat" composé de 600 membres, un nombre de combattant de l'ordre de 60 000, et donc un peuple d'environ 240 000 individus. Selon Goudineau, 40% des "élites" disparaissent ; cela fait donc pour les Nerviens environ 230 oligarques. Prenons ensuite cette façon de combattre décrite par Denys d'Halicarnasse (je n'ai plus les références exactes) : Façon de combattre des Gaulois : « Elle avait quelque chose de féroce et de furieux et manquait complètement de la science des armes.Tantôt, en effet, levant très haut leurs sabres, ils les abattaient d'une manière sauvage, de toute la force de leurs corps, comme des bûcherons, tantôt ils faisaient tournoyer leur arme, cherchant à frapper de côté, comme s'ils allaient trancher d'un coup tout le corps de l'ennemi ; ils ne faisaient qu'ébrécher leurs glaives. La force des Romains et leur défense contre les Barbares étaient éduquées et visaient d'abord à se protéger. Tandis que le Gaulois levait son épée, le Romain se glissait sous son bras et, tenant haut son bouclier tandis qu'il se courbait lui-même, rendait vain et sans effet le coup porté trop loin puis, l'épée droite, frappait d'estoc au flanc ou à la poitrine, atteignant les entrailles. Si l'ennemi protégeait cette partie, coupant les genoux ou les chevilles, il l'étendait à terre poussant des rugissements terribles et mordant le bouclier. Les Gaulois, donnant des efforts excessifs, se fatiguaient, ne tenaient plus bien leurs boucliers ni leurs sabres et n'avaient plus la force de frapper. Au contraire, les Romains, entraînés à la lutte, supportaient la fatigue". Autre particularité à noter : l'évolution des épées de puis La Tène II ; elle ne sert plus à frapper d'estoc, mais s'allongeant, la pointe devient mousse, et sert à frapper de taille ; ce qui convient mieux à de la cavalerie, à moins d'être accompagnée d'un coutelas dans l'autre main. J'ai donc plutôt l'impression que les troupes gauloises étaient surtout constituées d'une masse de braves paysans, qui se servaient d'épées comme l'on fend une bûche ou l'on abat un arbre (de façon verticale ou de façon horizontale). Plèbe, clients, dépendants, mais utilisés comme à l'époque médiévale en guise de piétaille bonne à se faire massacrer. S’inspirant d’argumentaires qui appartiennent à Fustel de Coulanges, Goudineau peut paraître comme un novateur, mais j’ai du mal à accepter que le processus de romanisation ne soit déterminé que par « des élites ». A+
Encore faudrait-il s'entendre sur ce qu'on appelle "élites" ?
Quand j'évoque les chiffres et l'analyse de Goudineau, ce sont les chiffres avancés par César et l'analyse effectuée dans le César et la Gaule où Goudineau évoque les pertes humaines et les esclaves sans distinctions sociales... Une certitude, compte tenu des chiffres avancés, il paraît évident que les peuples gaulois aient appelés le ban, l'arrière ban et tous ceux qui pouvaient tenir debout sur certains épisodes de la guerre des Gaules, ce qui n'empêche que la description de Denys d'Halicarnasse ne peut s'appliquer aux guerriers, "réguliers" et équipés, Gaulois de qui les Romains tiennent l'inspiration presque toutes leurs armes défensives quand ce n'est pas pour dire de certaines de leurs tactiques.... N'oublions tout de même pas que les guerriers gaulois ont été longtemps des mercenaires prisés de toutes les armées du monde et que César en comptait certainement un bon paquet dans ses troupes auxiliaires d'ailleurs. (comme cela a été évoqué par Sed un peu plus haut....) Les "élites", dans le sens politique, en tout cas, ont été aussi massacrées par les Gaulois eux-mêmes dans certains cas et j'en reviens encore à mon impression de guerre civile en 52 av JC...
DT, quelques remarques : Cela me semble difficile de tirer des statistiques sur l'élimination des élites en relation avec la longueur des épées ! Vous parlez d'un coutelas, c'est une arme de taille, pas d'estoc : sa présence ne peut donc pallier l'absence d'une arme d'estoc ! Il faut se méfier de certaines interprétations contenues dans certains textes anciens sans parler de d'autres contemporaines. A lire celui cité plus haut et vos remarques, on glisse de l'image du bûcheron avec sa cognée à celle du paysan, rustre et maladroit. Au premier siècle, les épées gauloises font moins d'un kilogramme et je doute que les paysans enrôlés pendant la guerre des Gaules en aient eu en dotation. Lorsque Denys d'Halycarnasse écrit : "Elle avait quelque chose de féroce et de furieux et manquait complètement de la science des armes.Tantôt, en effet, levant très haut leurs sabres, ils les abattaient d'une manière sauvage, de toute la force de leurs corps, comme des bûcherons, tantôt ils faisaient tournoyer leur arme, cherchant à frapper de côté, comme s'ils allaient trancher d'un coup tout le corps de l'ennemi ; ils ne faisaient qu'ébrécher leurs glaives." Il décrit la façon d'utiliser une longue épée de taille par une attaque sur les épaules, les clavicules, plutôt que sur la tete protégée par le casque ou une attaque sur les flancs. Le guerrier fait cela parce qu'il n'y pas beaucoup d'autres façons de faire. Que le glaive espagnol des Romains soit plus efficace en corps à corps est une autre histoire, on a aussi des contre-exemples. Dire que les guerriers celtes ignoraient tout de la science des armes est d'une incroyable stupidité. Que l'on songe aux milliers de mercenaires qu'ils fourni pendant trois siècles... Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
C'est assez juste, avec toutefois le fait qu'ils avaient une pratique plus "spontanée" du combat que l'ordre rigoureux des légions et l'ordre rigide des phalanges.
Salut,
Sedullos ta réponse s'apparente à un procès d'intention, ou du moins à de la sur-interprétation, toutefois compréhensible chez un passionné. Je n'ai pas tiré de statistiques en relation avec la longueur des épées; je ne l'ai fait qu'à partir des chiffres de César en rapport avec les Nerviens. C'est ensuite que je parle des épées; idée qui est déjà développé par H. Hubert, Les Celtes et l'expansion celtique, 1974, p.98. Je reconnais avoir fait une erreur en utilisant trop rapidement le terme de coutelas (alors que je voulais justement développer l'idée d'une arme d'estoc). H. Hubert parle quant à lui de la réapparition du poignard à antenne. Je n'avais pas voulu entrer dans le détail car ce n'était le sens de mon intervention. Ensuite, je n'ai fait aucune analyse du texte de Denys d'Halicarnasse, je l'ai mis tel quel pour faire réfléchir à la représentation que l'on se fait du guerrier celte. Ma seule remarque, que j'ai qualifiée uniquement d'impression, porte sur l'origine sociale des combattants des armées gauloises. Je n'ai pas parlé de paysans rustres et maladroit; je n'ai jamais dit que les Celtes ignoraient tout de la science des armes. Denys d'Halicarnasse lui non plus d'ailleurs, il ne s'intéresse qu'à une méthode de combat qui s'inscrit dans les clichés du barbare et du civilisé. Donc l'ensemble de ce point traite d'une problématique sur les représentations. Je parle seulement de brave paysans, car l'allusion était en rapport avec le tableau que dressent Diodore et Denys à propos de la Cisalpine. Je suis aussi surpris que le terme « d’élites » n’apparaisse que dans l’historiographie française, en lieu du vocabulaire et des catégories antiques (cela évite une analyse socio-économique). Et c'était là où je voulais en venir à propos des chiffres donnés par César et par l'analyse de Goudineau. Essayer de sortir d'une représentation de peuples entiers composés de farouches guerriers. D'une part, cela fait au moins deux siècles que l'on connaît l'art de la déformation historique chez César, que les analyses chiffrées paraissent un peu vaines ou la porte à des polémiques. Je reprendrai seulement l'exemple de la migration des Helvètes, seuls 1/3 rentrera. Si l'on extrapole aux Gaules entières (6 millions d'ha, 10 millions, 40 millions ?), 2/3 de perte = plus que les pertes françaises pendant la 1er guerre mondiale, jusqu’à la moitié des pertes soviétiques pendant la 2eme. D'autre part, je n'ignore pas les problèmes de l'expansion celtique, du mercenariat, de groupes militaires organisés et professionnels (et là aussi je n’entre pas dans le détail, car cela représente trop de travail, pour des échanges sur le forum). Des questions plus intéressantes auraient été : comment se procure-ton une arme ? Existe-t-il une forme d’entraînement militaire ? Ou toute autre un tant soit peu constructive. A+
DT, je vous prie d'accepter mes excuses si je vous ai froissé.
Il n'y avait pas de ma part de procès d'intention, de la sur-interprétation peut-être... Oui, j'aurais dû écrire : "Dire que les guerriers celtes ignoraient tout de la science des armes serait d'une incroyable stupidité." Une autre chose m'a gêné, celle de la comparaison avec la piétaille médiévale. Celle-ci a considérablement varié dans son nombre et son utilité en plus de mille ans ; au XVe siècle, la piétaille est déjà une armée de métier ! On ne peut pas transposer cela au Ier siècle av. J.-C. Lorsque vous écrivez : "Essayer de sortir d'une représentation de peuples entiers composés de farouches guerriers.", je ne me sens pas concerné par cet enfermement. Tous ceux qui travaillent sur l'étude de la guerrre des Gaules savent bien qu'il y a eu une levée en masse impliquant les paysans et artisans. Ceux-ci n'étaient pas des guerriers professionnels. Si on peut supposer un entrainement pour les professionnels, on ne sait rien quant aux autres. Au sujet des armes, arc, fronde, javelots, lance et bouclier devaient constituer la panoplie des combattants issus du peuple. Qui payait cela, on ne le sait pas. Ce que l'on sait en revanche, c'est que pendant la guerre des Gaules, les combattants sont levés par cité et payés, sur cette question, voir l'excellent César et la Gaule de Christian Goudineau. Cordialement, Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Voici une bonne question. Il faut scinder cette pratique en deux : La pratique individuelle de combat La pratique structurée en corps pour le Moyen-Age, dont on parle ici, on sait que la formation aux armes commençait très tôt par des exercices physiques visant à développer l'agilité et la puissance physique. Puis, on y associait des formations spécifiques d'armes, d'équitation... En ce qui concerne la stratégie militaire, le commandement, au Moyen-Age toujours, on s'inspire fortement de Végèce (IVe siècle AC). (au Moyen-Age, l'accès aux techniques de combat était possible (voire systématique), même pour les gueux enrôlés) Un texte dit a propos des Gaulois qu'ils pratiquaient des exercices physiques. Je n'ai plus la référence en tête. On ne peut par contre pas imaginer qu'ils n'aient pas d'enseignement de pratiques d'armes. Même si on peut combattre "free", il faut un minimum de technique. (Il y a des reconstituteurs et des escrimeurs qui tentent de retrouver ces techniques - A noter que les techniques de taille du Moyen-Age étaient très développées - C'est à la Renaissance que l'on a renoué avec l'estoc) Quant à la stratégie, j'aime bien la stratégie gauloise : quelqu'un montre une direction, on met la tête sous le bouclier, et on fonce. Simple, parfois efficace. parfois désastreux.
En ce qui concerne les exercices physiques, la marche rapide et la course devaient être pratiquées, même si on sait que les longues marches n'étaient pas l'activité la plus prisée par les Celtes à la différence de leurs homologues grecs et romains. L'équitation est obligatoire pour les nobles et leurs ambacts ainsi que la chasse à courre. De même le tir à l'arc, à la fronde et le lancer de javelots sont des techniques de chasse transposables à la guerre.
L'utilisation de l'épée associée au bouclier est une pratique individuelle, l'épée est l'arme du corps à corps, souvent du dernier combat. A l'opposé de celle de la lance et du bouclier qui est forcément collective. D'ailleurs les deux seules formations tactiques, citées dans les textes, pour avoir été pratiquées par les Gaulois, sont la phalange et la tortue. Elles ne peuvent se concevoir sans entrainement collectif que l'on soit guerrier professionnel ou paysan enrôlé. Après on peut toujours discuter ce que signifie exactement le mot phalange : phalange offensive ou défensive, cf des discussions sur le forum aremorica avec des représentants des troupes de reconstitution. La forme oblongue et plate du bouclier gaulois ne plaide pas beaucoup en faveur de la phalange offensive. Parce qu'on est obligé d'incliner le bas du bouclier vers l'avant pour pouvoir marcher correctement et que la charge en formation très serrée, épaule contre épaule, bouclier contre bouclier pour employer la très vieille formule déjà utilisée par Homère dans l'Illiade, est dans ces conditions rendue difficile. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Salut,
Comme personne n'en parle je mets mon grain de sel. ![]() Guyonvarc'h parle de jeux qui accompagnaient les grandes fêtes. On ne sait trop en quoi ils consistaient mais on peut raisonnablement penser qu'ils nécessitaient un entraînement quasi quotidien des participants comme pour le bouzkachi afghan. On peut supposer des compétitions de courses, tirs à l'arc et à la fronde, au javelot, des épreuves de force et d'endurance, des combats à la lutte ou au bâton, etc... Aussi des vainqueurs renommés qui enseignaient la jeunesse. Rien de tel pour maintenir en forme des tas de jeunes gens vigoureux prêts à répondre à l'appel des carnyx. ![]() Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Oui, Mais Vercingetorix est le grand chef des guerriers (*uer-cingeto-rix). Or "cingeto-" veut dire "marcher" (*cingo- : marche comme dans Sonnocingos ![]() ![]() @+Fourbos Chaiselongos ![]() Pierre Crombet
Fourberie en tout genre ... stock illimité ![]() (outrecuidance sur commande uniquement) Membre du Front de Libération des Dolmens et Menhirs....
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