En retour, ce fil s'interroge sur la relative intrusion et influence des cultes dits « isiaques ». Ainsi que la découverte d'objets funéraires égyptiens dans des sépultures, dans le monde gréco-latin tout entier et particulièrement là où la présence romaine a été forte (Gaule, île de Bretagne, Germanie... ), et, pour des raisons qui seront évoquées un peu plus tard, particulièrement en Armorique romaine.
Les ouchtabi de Plougonven
Non datée, des petits serviteurs dans l’au-delà de modèles différents ont été découverts vers 1840 non loin de Morlaix dans le Finistère, dans une tombe à Plougonven. Elles sont exposées au Musée Départemental Breton de Quimper.
Doit-on y voir de simples pratiques étrangères au pays ramenées par un natif égyptien, ou bien des menus objets de curiosités, quelques souvenirs de voyage ou des amulettes d'un séjour effectué en Égypte par quelque gens isiaca, soldat ou commerçant, et déposés par les relatifs lors de l'inhumation ?
En premières recherches, ce qui est dit :
Musée Quimper a écrit: (clichés : e.)
----
3. FIGURINES EGYPTIENNES (OUCHTABI)
----Découverts dans un tombeau en Plougonven.
----Pâte de Silice.
----Témoignages intéressants sur la pénétration des
----cultes orientaux en Armorique.
----Les ouchtabi sont en effet associés aux tombeaux des
----adorateurs d’Isis et d’Osiris.
----Inv. R. 874. 1. 2. et 3.
Musée Départemental Breton, 1, rue du roi Gradlon, 29000 Quimper.
Louis Pape a écrit:---- Plougonven a fourni un tombeau romain (ou un tumulus réutilisé par les gallo-romains) contenant cinq figurines égyptiennes, des shaouabtis en terre cuite vernissée (111), ce sont les seuls renseignements que nous possédons sur cette découverte ; on peut se demander s'il s'agit d'une sépulture à incinération (112) ou à inhumation, cette tombe mal connue est exceptionnelle à plus d'un titre car les sépultures osismes n'ont pas fourni beaucoup de figurines (on en signale quelques-unes sous les ateliers Keraluc dans la nécropole de Quimper).
(111) Cf. Répertoire, p. A-144-145.
(112) Le cas s'est déjà vu, ainsi à Vaison (Vaucluse) où une statuette de même genre a été trouvée dans une urne en verre de forme Morin-Jean 3 Cf. MORIN-JEAN, La Verrerie en Gaule sous l'Empire Romain, Paris, 1913, p. 50.
A-144 A-145.
PLOUGONVEN ------------------------------------------- PLOUIGNEAU
----— ? : en 1840, on a trouvé dans un tombeau romain 5 figurines égyptiennes dont 3 sont déposées au Musée de Quimper, elles sont en pâte d'une nature siliceuse colorée en bleu ou vert, elles représentent 3 momies d'hommes, les mains croisées sur la poitrine, la main droite tient une pioche, la gauche un hoyau, derrière sur l'épaule droite, on a figuré un sac destiné à contenir du grain. Inscription hiéroglyphique gravée soit devant soit derrière. Elles ont 0.108 m de hauteur (1, 2, 3, 4).
----(1) A. SERRET, Catalogue du Musée archéologique, Quimper, 1885, p. 45-46.
----(2) P. DU CHATELLIER, Inventaire, 1907, p. 93.
----(3) L. LE GUENNEC, Notes archéologiques de l'arrondissement de Morlaix, Archives départementales Quimper, 34 J, p. 34.
----(4) L. RICHARD, Recherches récentes sur le culte d'Isis en Bretagne dans Revue d'Histoire des Religions, 1969, n° 2, p. 145, avec bibliographie.
La civitas des Osismes à l'époque gallo-romaine, Louis Pape, Librairie C. Klincksieck, 1978, p. 169 et A-144 et A-145.
Association Landévennec a écrit:
20. “Ouchtabi”.
Trois statuettes d'hommes en faïence, pour d'eux d'entre-elles
vertes et vernissées.
H : 0,077 x 0,023 x 0,015 m.
H : 0,095 x 0,024 x 0,015 m (verte et vernissée).
H : 0,092 x 0,022 x 0,010 m (verte et vernissée).
Coll. Musée Départemental Breton.
Inv. R. 874. 1. 1. à 3.
Ces trois figurines égyptiennes auraient été trouvées dans un
“tombeau” sur la commune de Plougonven (Léon, Finistère).
Ces statuettes, d'époque romaine, sont un témoignage de la
pénétration des cultes orientaux en Armorique (peut-être par
l'intermédiaire des maures, soldats d'Afrique enrôlés dans l'ar-
mée romaine, selon une hypothèse émise à la fin du siècle der-
nier).
Landévennec : aux origines de la Bretagne, XVe centenaire de la fondation de l'abbaye, Association Landévennec 485-1985, 120 pages, p. 22.
Patrick Galliou a écrit:L'ARMORIQUE ROMAINE
Fig. 80 : Ouchtabi de faïence découvert
----------------à Plougonven (F.)
(cliché : Musée départemental breton, Quimper)
LE MONDE DU SACRÉ
Les cultes orientaux
----Les cultes d'origine orientale, qui pénètrent en Gaule à la suite des soldats et des marchands, ne s'y confondirent jamais avec les cultes indigènes. Chacun d'eux, en effet, constituaient un système, une religion établie fondée sur une doctrine morale et des vues consolantes de l'au-delà, dont les épreuves d'initiation assuraient la sélection des fidèles.
[...] Le nombre relativement élevé de statuettes associées à des cultes d'origine égyptienne (Osiris, Isis, Harpocatre, Ouchtabi) paraît dénoter une certaine diffusion de ces croyances dans l'Ouest gaulois. On remarquera néanmoins que ces statuettes proviennent, dans leur très grande majorité, de milieux urbains.
[...] Bien que certains cultes aient, au cours du Haut-Empire, pénétré l'ouest de la Gaule, on doit bien avouer que leur influence ne doit jamais dépasser certains milieux urbanisés, plus ouverts sans doute aux idées étrangères, et que leur influence sur les coutumes funéraires locales fut pratiquement nulle. On ne saurait guère, en effet, leur contribuer que les cinq ouchtabi découverts dans une sépulture à Plougonven (Finistère) et le graffiti SOL LVNARIS que porte un pichet mis au jour dans la nécropole de Carhaix.
L'Armorique romaine, Patrick Galliou, Éditions Ameline, 2005, 418 pages, pp. 265-6 et 293.
Les ouchtabi ou dans les variantes phonétiques et écrites oushebti, ouchebti, chaouabti... , du verbe ousheb, répondre, sont des statuettes funéraires représentant et ou accompagnant le défunt sous la forme d'une momie à taille réduite. Généralement en céramique ou « faïence égyptienne », pâte siliceuse recouverte d'une glaçure teintée aux oxydes métalliques (fer, cobalt... ) et vitrifiée en surface. L'ajout de minerai de cuivre leur donne un ton uni ou inégal vert ou bleu turquoise intense très brillant. On les trouve aussi sculptées dans la terre cuite, la pierre, la stéatite, le bois... Chacune portant un objet ou outil de travail qui lui est propre (une ou deux houes, hoyau, sac de grains, panier contenant des semences...), elles passent pour libérer le défunt des soucis des tâches agricoles (irrigation des terres, culture des champs... ) et assurer les corvées domestiques quotidiennes qui lui seraient imposées dans l'autre-monde des morts. Leurs fonctions sont exprimées par les inscriptions gravées dans le corps, et sont consignées dans le chapitre VI du Livre des Morts (recueil de formules, de transformations et d'incantations magiques) du type : — ... « Me voici diras-tu ; pour faire croître les champs, irriguer les berges et transporter le sable de l'Orient vers l'Occident et vice-versa. Me voici, diras-tu. »...
Façonnées en séries, elles étaient déposées par dizaines, voire par centaines dans quelques tombes riches. Le nombre pouvait atteindre 401, soit un pour chaque jour de l'année, plus 16 contremaîtres encadrant chacun un groupe de 10. Les défunts emportaient également dans la tombe un exemplaire du Livre des Morts, recueil des formules destinées à se garantir des dangers de l'au-delà. Ces serviteurs, dans la mort et pour le mort, apparaissent au Moyen-Empire (vers le début du 2ème millénaire av. J.-C.). Elles restent en usage jusqu'à la période romaine où l'on assiste alors à une dégradation progressive de la qualité et de l'apparence de ces statuettes au cours du IVe siècle.
Existe-t-il des compléments d'informations concernant particulièrement cette découverte archéologique de Plougonven et dont quelques informations très précises ont été apportées par les auteurs ci-dessus ? Et surtout sur ces insignifiants modèles d'ouchtabi, travailleurs de l'autre-monde. Et dont la fabrication de qualité inférieure présente des variantes inégales de couleur bleue virant au gris verdâtre ?
e.