|
Le héros saurochtone et la légende arthurienne.Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
10 messages • Page 1 sur 1
Le héros saurochtone et la légende arthurienne.Le héros saurochtone et la légende arthurienne. La légende arthurienne, véritable matrice de notre patrimoine culturel n'accorde finalement qu'une place assez congrue au mythe du héros saurochtone pourtant si répandu dans l'imaginaire des celtes. Les noms propres du roman arthurien eux-mêmes renvoient peu au signifiant du dragon, Flûtre cite ainsi on trouve Dragon, fils de Darnant l'enchanteur, dans le Perceforest, qui compte aussi un Dagon d'Ecosse, un Dagon de li Escos,(parfois transcrit Dargon) et un Dagon de la Roche dure. Dragonel de Boulongne de la marche amoureuse ou douloureuse est cité dans les prophéties de Merlin comme Dragon le cruel chevalier l'est dans la première continuation de Perceval. Plus intéressant, sous une forme corrompue, Dagon apparaît, dans le Tristan en prose, comme "maître des maîtres des enfers", protecteur des magiciens. Ces signifiants malgré leur rareté renvoient donc les dragons à la compagnie des enchanteurs et aux séjours souterrains. En face d'eux, les héros chevaleresques, portent lance et armures éblouissantes. Nous allons examiner les occurrences de la figure du dragon combattu par un héros saurochtone dans deux directions, celle des textes arthuriens eux-mêmes et celle des terroirs qui leur sont associés depuis les séjours médiévaux des souverains anglo-normands aux marches de Gaule et de Petite Bretagne. 1) Merlin l'enchanteur et les dragons. Personnage de la première fonction, druide et grand prêtre, indissolublement lié aux aventures de la Table Ronde et à la souveraineté d'Arthur, Merlin a aussi affaire aux dragons. Né d'une vierge engrossée par un diable, ayant vécu dans la sauvagerie forestière, il arrive à la cour de Vortigern, l'usurpateur du trône d'Uter Pendragon. Celui-ci ne peut bâtir une tour de son palais parce qu'elle s'écroule toujours. Merlin, en révélant au roi que cet écroulement est du à la présence de deux dragons, l'un roux et l'autre blanc qui dorment la, sous terre, et se retournant dans leur sommeil, provoquent l'éboulement, aboutit en quelque sorte à la fin des dragons. Leur présence découverte, ceux-ci s'entre tuent et disparaissent en un mortel combat. Ceci permet à Merlin de prophétiser le retour victorieux d'Uter Pendragon, induisant ainsi la défaite de Vortigern qui lui cède son trône, le dragon blanc ayant brûlé le dragon rouge. Comme le dragon rouge avait péri dans les flammes vomies par son ennemi, Vortigern mourra dans les flammes de sa forteresse assiégée par Uter Pendragon. Merlin y gagnera sa première réputation d'infaillibilité. C'est lui le véritable vainqueur de ce combat dragonesque si l'on considère que, chez les druides, le blanc est la couleur sacerdotale et le rouge la couleur de la seconde fonction, celle des guerriers. Sa prophétie, comme le combat des dragons puis des chefs, le consacrent comme véritable deux ex machina des royaumes celtes. La dynastie qu'il fonde dans les circonstances que l'on sait y fera référence dans ses armes (au moins telles qu'elles apparaissent dans les anciens romans en dotant le roi Arthur d'un écu au rouge dragon). Ce dragon est demeuré l'emblème du pays de Galles. 2) Arthur tueur de géants et de dragons. Au Mont Saint Michel, Arthur signale son héroïsme en tuant un géant armé d'une massue que l'on peut apparenter aux sauriens puisque la légende insiste sur son caractère monstrueux et nous dit qu'il avait une "cuirasse faite de peaux de serpents qui vivent dans l'Inde". Le fils d'Uter Pendragon, après un rude combat, finira par trancher la tête du monstre. Plus tard, il renouvellera l'exploit en tuant un dragon à Tearn Wadding combat dont le souverain sort vainqueur après une invocation à Saint Héryl. A Saint Georges de Rouellé, en Normandie, dans le canton de Barenton, non loin d'un lieu nommé la Fosse Arthour, nanti de légendes calendaires, l'on voit se manifester un génie des eaux et le roi Arthur lui-même venu se retirer, lassé de la vie des camps. Sur une maison du bourg, un saint Georges en bois polychrome terrasse le dragon. On y célébrait chaque année les lanciers du Graal de la cathédrale du Mans par des joutes, le dimanche de la Trinité. Le terroir des marches de l'Ouest associe ainsi étroitement dans les représentations populaires les personnages arthuriens et les figures hagiographiques. Un autre exemple nous en est donné par un saint personnage saurochtone très populaire au bocage normand, Ortaire, que nous avons étudié et qui a pu hériter de certains caractères arthuriens. SAINT ORTAIRE ET ARTHUR. A Bagnoles de l'Orne, au coeur du bocage du Passais, le modeste ermitage du Bézier atteste de la présence au coeur du 6ème siècle de l'un de ses ermites défricheurs de la forêt primitive et grands civilisateurs de ces contrées des marches de l'Ouest français alors autant sylvestres que sauvages. Ici, l'on honore saint Ortaire et sa parèdre, sainte Radegonde. L'ermite Ortaire vint s'installer dans le Bocage Normand à l'époque où de nombreux solitaires évangélisaient les solitudes boisées de l'Ouest. Il y fonda l'oratoire du Bézier où il était vénéré comme dans de nombreuses églises et chapelles de Normandie et du Maine, toutes lieux de pélerinages et de célébrations notamment à la date de la naissance du saint, le 15 Avril, transférée ensuite au 21 mai, une année où l'on fêtait la Pentecôte à cette date, puis traditionnellement aux Lundi ou Mardi de Pentecôte, comme c'était recommandé par le clergé de l'époque.. Les statues ou vitraux le représentant le montrent tenant un livre dans la main gauche et, dans les plus anciennes, une curieuse canne ou bâton pastoral à deux têtes en forme de TAU, souvent remplacée, de nos jours, par une crosse d'évêque. Il y figure sous l'habit de l'ermite ou encore en coule bénédictine voire sous celui d'un évêque (chasuble et dalmatique). Au Bézier, sa tête est surmontée non d'une mitre mais d'un diadème royal. Là , il passait pour opérer des miracles en faveur des goutteux, arthritiques et des rhumatisants. Son culte reste attaché, dans la dévotion populaire, à tous les maux qui concernent l'appareil locomoteur et des rituels particuliers y sont encore observés. Ajoutons enfin que Saint Ortaire n'est pas honoré seul à Bagnoles de l'Orne, son culte est lié à celui de Sainte Radegonde, ancienne reine des Francs, fêtée le 13 Août, et honorée là comme protectrice des moissons, à la date des Robigalia (fête de la Rouille). On l'invoque également pour guérir les maladies de peau et du cuir chevelu. ETYMOLOGIE. Certains auteurs ont fait dériver Ortaire d'Arthur, en mettant l'accent sur leur racine commune RT RITA= le rite, soit l'ordre prescrit dont Claude Rivière nous apprend la parenté avec les formes ARTUS (ordonnance) et Arthmos (lien, jonction),. Il renvoie cette formation à RTA (védique) ou ARTA qui signe l'ordre du cosmos, le rapport entre les dieux et les hommes . Pour sa part, Flûtre signale Ortus employé pour Artus dans plusieurs romans médiévaux. LEGENDAIRE. Dans les traditions orales de la région, la légende fondatrice du culte de ce saint le met en scène à l'époque où un dragon qui aurait trouvé refuge dans le défilé rocheux où coule La Vée, terrorisait la population locale en réclamant son tribut de bétail puis, une année de disette, une jeune fille vierge. Saint Ortaire, armé de son chapelet et de sa foi, l'aurait, après une invocation à Saint Hilaire, vaincu en le pétrifiant. En témoignerait, de nos jours, cette tête monstrueuse qui, au sommet du Roc au Chien, semble garder le défilé en face de l'actuel établissement thermal de l'endroit. Ceci posé, il nous paraît intéressant d'examiner les éléments symboliques qui président au culte de Saint Ortaire et de tenter de percevoir si ceux-ci ont perduré dans l'imaginaire collectif, recouvrant ici la figure arthurienne dans un pays sis en marche de Gaule et de Petite Bretagne et porteur de nombreux récits arthuriens . D'abord, l'anthropologie symbolique nous permet de préciser certains points qui nous semblent particulièrement redondants dans les manifestations du culte de Saint Ortaire que nous venons de décrire. Les dates auxquelles on célébre le culte de saint Ortaire n'ont pas manqué de retenir notre attention. D'abord, il passe pour être né le 15 Avril, soit sous le signe astrologique du Bélier (21 Mars-20 Avril), signe de fécondité. Le Bélier, c'est l'emblème d'Hermés qui est aussi gardien de troupeaux. Il correspond au Lug gaulois, le dieu polytechnicien, "lequel transcende toutes les classes et assume toutes les fonctions" . Nous sommes dans le temps liturgique de Pâques, dont la célébration varie en fonction de la pleine lune de printemps (14éme jour), temps des processions de Rogations. A cette époque on demande au ciel la pluie et les fruits de la terre. A la mi-Avril, estime Claude Gaignebet, "le jardinier conjugue les effets redoutables du lever des Pleiades et de la canicule." La Pâque pour Gilbert Durand , se greffe peut-être sur une vieille fête agraire cananéenne, celle de la récolte de la premiére céréale mûre,l'orge, et il insiste sur le fait que celle-ci entraîne la place de la célébration de la Pentecôte, cinquante jours aprés, or, nous venons de voir que lorsque l'on a déplacé la date de célébration du culte de Saint Ortaire pour la fixer à la Pentecôte, une année où ce culte tombait un 21 mai et la Pentecôte est celle de la moisson du blé. C'est à dire que le calendrier de la célébration du culte de Saint Ortaire observe exactement celui de la célébration des deux grandes fêtes juives luni-solaires: Pâques (c'est aussi le temps de Beltène chez les Celtes) et la Pentecôte. La liaison avec les fêtes agraires est ainsi consacrée. En fait, du 15 Avril au 21 Mai, du signe du Bélier à celui du premier jour des Gémeaux, cette phase s'achève en débouchant sur l'épanouissement de l'été. Indiscutablement, les cultes de Saint Ortaire sont donc liés aux fêtes des épis naissants et des épis moissonnés et transféés comem tels dans le calendrier chrétien puisque "Pâques est tribulation du sang, et victoire libératrice sur la tribulation de la mort, Pentecôte est récompense, rétribution temporelle par la descente de l'Esprit-Saint au Sinaï comme au Cénacle" . Huit jours plus tard, c'est la Saint Georges, tueur de dragons comme saint Ortaire, qui libère également une vierge en danger alors que le soleil est dans le signe du Bélier et Paul Verdier a consacré plusieurs études aux manifestations populaires qui entourent, à Poitiers et ailleurs, la commémoration de la légende de la Grand'Goule, dragon ailé tué par Sainte Radegonde, autre saurochtone, dont nous retrouvons curieusement le culte ici et qui est commémoré par la ville de Poitiers à deux moments de l'année, celui des Rogations, soit dans la période où l'on trouve ici la célébration première du culte de saint Ortaire et le 13 Août date de la fête de la sainte également honorée prés de Bagnoles de l'Orne. Evoquant le récit populaire de La Bête à Sept Têtes, Paul Verdier note également la présence de chiens dans les récits de combats contre les dragons. Il est frappant de constater que cette référence au chien est aussi soulignée dans le récit de Bagnoles (Roc au Chien). Il y a là vraisemblablement plus qu'une coïncidence et l'on peut rappeler nos propres hypothèses (théorie dite Bansard-Payen) sur le rôle d'Aliénor d'Aquitaine dans l'incorporation du folklore du Passais, et notamment de l'hagiographie locale, à la Légende Arthurienne . Nul n'ignore d'ailleurs que le culte de sainte Radegonde était particulièrement cher à cette souveraine née poitevine, protectrice des poètes médiévaux, au 12ème siècle. Le système de représentations concernant Saint Ortaire n'est pas moins fascinant. Cet ermite est représenté revêtu d'une cape, en habit monastique, parfois le chapelet pendant à sa ceinture et la main appuyée sur un bâton en tau tandis que l'autre porte un livre. Nous avons là une image tout à fait classique dans les tarots qui nous montrent l'ermite, (Arcane 9) en vieil homme revêtu d'une cape, appuyé sur un bâton qui, dans certains cas, porte un chapelet de sept roses tandis que s'enroulent autour deux serpents. Il a une lampe à la main. D'un point de vue initiatique, l'ermite, arcane 9, a comme lettre de référence dans l'alphabet hébraïque le TETH, proche du TAU grec. Il signifie initiation, soit dans le plan divin où l'ermite est celui qui reçoit la révélation, soit dans celui de l'homme où il indique la voie initiatique. D'un point de vue strictement matériel, l'ermite est figure de perfectionnement. "Un vieillard enveloppé d'un manteau avec une crosse dans une main et une torche dans l'autre qui chemine sur une route inconnue". Ce vieillard qui a vécu la vie, possède l'expérience de ses chutes nombreuses et diverses et se trouve au seuil du temple. Le manteau est signe de protection, la crosse de connaissance occulte et la torche ou la lampe de la révélation divine venant combattre, dans la version christianisée, les ténèbres de l'ignorance et du paganisme figuré par le dragon, il faut y lire, de fait, le combat de la religion chrétienne sur l'ancienne religion des celtes. Le testament de l'ermite est celui du droit et de la nécessité où se trouve l'humanité d'entrer dans la voie initiatique pour intégrer le plan divin, réaliser le vieux rêve des premiers hommes: devenir semblables aux dieux. Les attributs du saint ne sont pas moins parlant si on veut bien s'y arrêter. Le tau, la canne sur laquelle le Saint s'appuie dans les représentations les plus primitives, est instrument de conciliation , de transcendance, il passe pour figurer un serpent fixé à un pieu, soit la mort vaincue par le sacrifice (c'est encore la problématique du tueur de serpents qui est ici exprimée). dans l'Ancien Testament, c'est le bois du sacrifice lui même et Isaac fut épargné par substitution d'un bélier. Pour Jean Danielou , les textes anciens rapprochent le signe de la croix de la lettre TAU, signe, dans le livre d'Ezéchiel, de l'appartenance à la communauté primitive, encore repris par les Esséniens et dans l'Apocalypse de Saint Jean où les élus sont marqués au front de la lettre TAU, sceau du Dieu vivant. Jean Daniélou indique que, dans Saint Jérôme, parmi les monogrammes du Christ, il en est un qui, se trouvant dans une figure unissant le Christ et la Croix, représente le serpent d'airain dressé sur un pieu dans le désert, figure d'ailleurs proposée dans l'Evangile de Jean: "de même que Moïse a élevé le serpent dans le désert, ainsi, il faut que le Fils de l'Homme soit élevé"(JO III-14). Et cette représentation du serpent sur un pieu est aussi celle du TAU. Le signe de la Croix, sous la forme du TAU est ainsi proposé non comme allusion à la Passion, mais à la Lumière Divine "parole qui éclaire tout homme venant en ce monde".? Ajoutons que le serpent, associé à la Croix, est récemment réapparu dans un film qui a fait scandale et que personne ou à peu prés personne n'a vraiment compris: "La derniére tentation du Christ". Martin Scorsese y présente également ces deux figures lorsqu'il montre les séjours du Christ au désert. Serge Hutin indique par ailleurs que les mystères des gnostiques chrétiens employaient d'antiques symboles parmi lesquels le livre (volumen) qui contient et transmet la révélation, la baguette thaumaturgique (virga) appliquée par l'initiateur sur les yeux du futur myste pour dessiller les yeux de l'homme intérieur et que l'on apportait un coffret contenant un serpent apprivoisé. Il note d'ailleurs que le mythe du serpent est en rapport avec celui du feu régénérateur et rénovateur. Et c'est bien de régénération qu'il est question à l'époque de la reverdie et des feux de Belténe où l'on célèbre "les mystères " de Saint Ortaire, le jardinier, également tueur d'un grand serpent. On trouve également dans la Gnose, une troublante figure ambivalente, proche des déesses de la fécondité, qui symbolise la virginité sans tache et nous avons vu: a)- qu'Ortaire arrive dans ce pays en délivrant une vierge d'un Dragon (ou serpent), autre symbole gnostique, celui du Mal, b)- que son culte est associé à celui de Sainte Radegonde également tueuse d'un grand serpent, qu'on invoque pour les récoltes, suite à son aventure personnelle où les moissons lui servent également, en la dissimulant à la vue de ses poursuivants, à protéger sa virginité menacée par Clotaire à laquelle elle avait été mariée contre son gré. On peut suggérer l'hypothèse qu'en ces temps reculés où le christianisme s'implante en Gaule, (nous sommes au 6ème siècle, période sombre), que certaines chrétientés locales furent tentées par des doctrines qui leur semblaient plus proches des pratiques populaires liées aux cultes soli-lunaires que par des dogmes chrétiens au demeurant pas toujours très bien fixés, ni compris, ni transmis. La propension vitaliste populaire peut être ici invoquée également comme facteur de syncrétisme. La tentation gnostique existe aussi au 12ème siècle, date de l'implantation dans nos régions du culte de Ste Radegonde , comme nous l'avons montré par ailleurs en décrivant l'emprise exercée sur les fidèles par les prédicateurs gnostiques au diocèse du Mans à l'époque. L'association autour de la figure de l'ermite, du TAU, du Livre et du Dragon permet sans doute de l'envisager. SAINT ORTAIRE ET SA PAREDRE: SAINTE RADEGONDE. Ceci est encore renforcé si l'on sait que le culte de Saint Ortaire est indissociable, au Bézier, de celui de Sainte Radegonde. L'interprétation de leur culte vient éclairer nos analyses. Esprits de l'ordre, ils contribuent à assurer la fécondité de la terre comme en témoigne la splendide gerbe de blé tressée présentée au Bézier et déposée aux pieds de Sainte Radegonde par quelque fermier reconnaissant. Célébrés à l'époque de la reverdie, à la Pentecôte, pour le premier et le 13 Août, pour la seconde, ne personnifient-ils pas, du fait de la situation de leur oratoire "à l'orée du bois", le mariage des divinités de la forêt? Mâle et femelle, ils sont en effet indispensables à la croissance des plantes. L'on peut d'ailleurs penser que la coutume de marier, dans certaines régions, les jeunes le jour de Pentecôte avait quelque chose à voir avec ces cultes. Frazer raconte qu'aux premières semences, il était de coutume de copuler dans le sillon afin de lui assurer fertilité. De même on célébrait chaque année, pour la fête d'Artémis, la théogamie du Roi et de la reine du Bois et il fallait un partenaire masculin à Diane du fait même du principe de fertilité. "Diane n'était pas seulement la patronne des bêtes sauvages, la maîtresse des bois et collines, des clairières solitaires, et des rivières retentissantes, elle était aussi conçue comme la Lune et en particulier la lune jaune de la moisson, elle remplissait en cette capacité, la grange des fermiers de récoltes abondantes et exauçait les prières des femmes en mal d'enfant." Frazer indique que l'être surnaturel auquel on mariait les femmes était souvent un esprit de l'eau, si la femme mourait, cela prouvait que l'esprit l'avait prise avec lui et livrer une femme à l'esprit des eaux comme son épouse c'était apaiser sa fureur et lui permettre d'exercer sa puissance génératrice. Cet esprit des eaux ou ce dragon, rencontre un saint chrétien, comme c'est le cas ici, qui le met à mort et va prendre ses qualités sur lui, devenant l'époux de la Vierge du Bois. Ainsi, chez les Celtes, le 13 Août, on dédiait la récolte au Dieu de la Moisson, c'était RIVOS, L'on a vu que c'est le jour de la fête de Sainte Radegonde au Bézier. Le roi du Bois, simple mortel, prend alors pour épouse la Diane sylvestre et protège un arbre sacré au péril de sa vie, cet arbre incarnant la Diane. Il semble bien que nous ayons là toute l'histoire mythique de saint Ortaire et de sainte Radegonde, lesquels occupenr, à Bagnoles de l'Orne, les rôle traditionnels du Roi du Bois et de la déesse Diane à laquelle un carrefour forestier est d'ailleurs consacré à quelques kilomètres de l'endroit. Prés de l'oratoire du Bézier, les pèlerins viennent encore se recueillir auprès d'un Chêne à la Vierge. Avec la fête de Radegonde, le 13 Août, le calendrier de fécondité naturelle est là parfaitement balisé entre les fêtes soli lunaires et sont ainsi intégrés à la religion catholique des cultes plus primitifs tel celui qui était rendu à Lug, aux calendes d'Août. les chroniques irlandaises nous disent que cette fête royale était caractérisée par des échanges, des jeux et la conclusion de mariages . Du fait de sa double attribution de héros solaire venant défaire les forces de la nuit, de roi portant diadème et assurant la protection des siens et d'ermite intermédiaire entre Dieu et les hommes, Ortaire assume ici à la fois les fonctions sacerdotale et guerrière, souverain et intercesseur et concentre sur lui même les garants de la stabilité du monde médiéval tandis que Radegonde, reine des moissons assure la fonction nourricière. Point n'est donc besoin de chercher le salut en dehors de ce lieu sacré entre tous véritable microcosme où les préoccupations quotidiennes trouvent des correspondances de type à la fois social et cosmique. Comme les souverains celtes et singulièrement Arthur, il est gardien de la parole sacrée, intermédiaire de la divinité, clerc et enseignant la Parole en même temps que ses exploits héroïques de saint saurochtone l'ont fait héros fondateur. Il garantit ainsi l'équilibre politico religieux après avoir maîtrisé le chaos. On le voit, le rapport des deux fondateurs de la Table Ronde aux dragons est établi. L'un est petit fils de dragons et l'autre Merlin en est l'allié objectif et ce d'autant plus que lui même est dans le roman de Merlin qualifié d'homme sauvage, ce qui est signifié dans le roman par le fait que son corps est dés l'enfance couvert de poils. Pourchassé en forêt, il est ainsi amené à Rome où il prophétisera devant Jules César à la suite de l'irruption d'un cerf branchu dans les rues de Rome, là encore les cultes celtiques (le cerf est Cerumnos, le dieu cornu) se trouvent mis en relations avec la civilisation romaine et son expansion civilisatrice. On pourrait aussi assimiler Lancelot, ravi dés son plus jeune âge au fond du lace de Diane par la fée du lac, Viviane, et élevé sous les eaux, aux personnages aquatiques. On le vérifie dans le fait que dans son histoire Lancelot du lac, le meilleur chevalier du monde n'affronte pas de dragons. Ce n'est d'ailleurs pas non plus le cas de des autres héros des romans de Chrétien de Troyes: ni Erec, ni Yvain, ni Cligés, ni Perceval ne sont saurochtones. En face de ceux-ci un chevalier de la Table Ronde fait véritablement figure de héros solaire, comme saint Georges et saint Michel armés de leurs lances et combattant les ténèbres du paganisme figuré par le dragon le grand serpent, il s'agit de Tristan lequel est bien, dans la première partie de ses aventures, un héros solaire. Il est l'archétype du héros saurochtone tel que nous le restituent également les traditions populaires et l'hagiographie. 3) Tristan le héros chevaleresque. "Tristan était un homme tout à fait vaillant, et il s'acquit de la gloire et des éloges, devint généreux envers tous et bien-aimé, estimable et honorable, noble et bien pourvu par la fortune." (Tristrams saga.) Roman d'amour, le Tristan est d'abord incontestablement un roman de chevalerie et qui, en tant que tel, contribue à donner aux publics récepteurs de l'oeuvre une image neuve exaltant cette institution qui atteint, dans la première partie du 12ème siècle, sa parfaite expression. Elle donna sa couleur au Moyen Age en mettant toute la classe guerrière au service de l'honneur et du droit. De nombreux exemples le montrent très clairement. D'abord sa filiation: Dans la Tristrams saga, Tristan est fils de Kanelangres, "très vaillant dans l'art de chevalerie et parfaitement capable de tout acte de bravoure...homme accompli, dur pour les durs, féroce pour les féroces et encore le plus vaillant pour porter les coups et le plus puissant dans les joutes. Il savait trés bien porter l'armure et était le plus valeureux dans tous les exercices chevaleresques." Guerrier magnifique, Tristan n'est pas moins brave, il montre une adresse incomparable à tous les exercices du corps, une force prodigieuse, une générosité, une noblesse, un dévouement qui en font, pour reprendre l'expression de Myrrha Lot-Borodine "le preux des preux". Homme tout à fait vaillant,il "acquiert la gloire et les éloges et devient généreux envers tous" . Son premier acte sera de venger militairement son père et il n'hésitera pas à combattre le Morholt en combat singulier puis, en Irlande à se rendre maître d'un dragon. L'aspect redoutable de ses adversaires le confirme comme le fait qu'il soit et le champion de son oncle et le défenseur de son royaume. Sa chevalerie est confirmée par ses tous premiers exploits dont deux sont à créditer au profit du scénario qui nous intéresse ici. Sa première victime est le Morholt, qui terrorise l'Angleterre et les sujets du roi Marc en venant prélever son tribut est désigné pour sa haute taille, voire son gigantisme et sa cruauté inhumaine que n'attendrit même pas les pleurs des femmes et des enfants. De même, le dragon que Tristan défait en Irlande et qui lui vaut d'être remarqué par les deux Yseut, la reine et sa fille, est décrit sous des traits particulièrement horribles: il crache du venin et du feu, détruit tout sur son passage et, même après sa mort, sa langue est encore capable d'empoisonner Tristan qui l'a coupée. Celui-ci affrontera encore en duel le fourbe sénéchal du royaume et le géant Urgan et connaîtra de nombreuses batailles dont il sortira vainqueur comme il sied à un preux. Prompt et habile au maniement des armes, Tristan est encore un excellent archer, ce qui lui permet de subsister lors de sa vie forestière avec Yseut. Il est aussi parfaitement agile, n'hésitant pas à sauter dans le vide d'une hauteur vertigineuse pour se libérer au moment de sa captivité. On peut même presque dire qu'il vole puisque en s'engouffrant dans ses vêtements, le vent lui évite de tomber comme une masse. Il s'agit, à l'évidence d'un héros marqué par sa capacité à se mouvoir dans les airs. Tous ces traits confirment la nature héroïque de Tristan, lorsqu'il n'est question que de sa vie propre (c'est-à -dire sans Yseut), il apparaît comme le chevalier qui tranche et perce, tournoyeur de talent et bon porteur de lance au combat. Une autre constellation d'images vient encore renforcer le caractère héroïque de Tristan, c'est tout ce qui concerne la voile lorsque à l'occasion de ses nombreuses traversées, il commande aux éléments. Ces signes montrent à l'évidence le caractère ascensionnel du héros Tristan, à la fois lancier, duelliste accompli à l'épée, archer et tueur de géants et de monstres. Examinons la signification de cette qualité de tueur de géants et de monstres: a) le tueur de géants: § Dans la Tristrams saga, le premier ennemi tué par Tristan est un nommé Morgan, lui-même assasin de Kanelangres, le pére de Tristan dont il usurpé le trône. Pour l'occire, Tristan lui asséne un "coup sur la tête qui pénètre jusqu'aux yeux". § Le Morholt (oncle d'Yseut) est tué en combat singulier par Tristan qui l'atteint à la tête. § Le géant Urgan est tué au cours d'un combat au cours duquel Tristan lui coupe la main et, l'atteignant à l'épaule, le jette dans un ravin, par dessus un pont. Nous pouvons, au sujet de ces trois meurtres, nous poser une question ayant trait aux noms de ces ennemis de Tristan: deux ont dans leur patronyme la racine GAN qui semble les rattacher à la race des géants et deux la racine MOR qui peut les apparenter à celle des serpents Mélusiniens. Tristan s'affirmerait donc, dans son âge héroïque, comme l'ennemi de personnages extra-humains. On peut aussi se demander, en interrogeant la propre filiation de Tristan s'il échappe lui-même complètement à l'animalité tant par son père Kanelangres que par sa mère, soeur du Roi Marc aux oreilles de Cheval? Guerrier violent, Tristan par ses armes qui évoquent sa puissance, par ses actes, (le Morholt est frappé sur le heaume et le géant Urgan à l'épaule) qui montrent sa capacité à s'en prendre au chef et aux forces vives de ses ennemis est incontestablement un héros solaire qui prend le dessus sur des personnages qui touchent d'une certaine façon à l'au-delà . Son écu, vermeil, qui symbolise force et vigueur, vient encore souligner ce trait de caractère. b) le tueur de dragons: Ceci se confirme avec l'épisode du dragon, quand, dans la Tristrams saga, le héros attaque le dragon du Val d'Enfer à l'aube, il le blesse en lui portant un coup de lance dans la gueule si violent que toutes les dents en volèrent et que le fer l'atteint aussi en plein coeur, puis au ventre. Il le coupe ensuite en deux par le milieu avant de lui couper la langue. Là , le héros n'est pas seulement souverain guerrier, il devient celui qui divise, qui sépare les forces de la nuit de celles du jour. Héros véritablement diurne, il s'arme pour combattre au jour naissant et s'en prend à la monstruosité de cette bête qui vole la nuit avec une longue traînée de feu, tient ses ailes repliées le jour, et se terre dans un lieu ou se trouve une caverne, non loin de crouliers et de marais, sorte d'archétype du monstre universel résumant tous les aspects du régime nocturne de l'image: créature antédiluvienne, liée à l'eau sombre et croupissante, création de la peur , noeud où convergent et s'emmêlent l'animalité vermidienne et grouillante, la voracité féroce, le vacarme des eaux et du tonnerre comme l'aspect gluant et écailleux de l'eau épaisse. Il est à l'image des habitants du séjour des ombres, de tout ce qui s'oppose à la Lumière. Le dragon figure le mal que le héros solaire et ascensionnel, vient combattre au nom du bien et au péril de sa vie, affirmant encore plus son caractère solaire et étincelant à ce point que, l'ayant vaincu, il sera contaminé par la langue du dragon et en deviendra tout noir. On peut même se demander si ce contact physique avec la nuit et le mal ne le marquera pas définitivement, si ce premier poison qui s'instille dans ses veines ne préfigure pas déjà le combien plus dangereux Boire Herbé? Remarquons qu'à ce stade des aventures de Tristan son rapport avec les femmes est, jusqu'à ce moment, quasi inexistant, voire hostile. Le roman nous a présenté les deux Yseut, la mère et la fille, comme des dangers potentiels pour le héros dans la mesure où elles appartiennent au royaume des ombres, ne serait ce que de par leur parenté avec le Morholt. Avec ses breuvages, ses philtres et ses onguents, Yseut la reine n'est elle pas la magicienne, la sorcière dont l'antre est le lieu du refoulé, où les ombres et les fantasmes prennent droit au rêve en même temps qu'elle fascine par sa capacité à inventer et réaliser des recettes aux vertus énigmatiques. "Connaissant les herbes, les onguents, les électuaires, elle savait aussi les engins, les brevets, les charmes et breuvages autant que Saines, Pis, Escots peuvent en savoir, car ils sont merveilleux maîtres en sorcellerie et nigromancie: cela lui venait de ses ancêtres" (Tristrams saga). C'est d'ailleurs à compter de ce détour par l'antre de la magicienne que prendra véritablement corps la légende fatale de Tristan. Yseut la reine n'est-elle pas comme Brigit la déesse celte la mère des médecins en même temps qu'elle l'est des dieux primordiaux? Elle soigne Tristan, le baigne, lui fait prendre des potions d'herbes, ce faisant elle l'introduit déjà dans un autre univers que ne connaissait pas le chevalier. C'est de ce moment que basculera le héros vers d'autres exploits amoureux ceux-là abandonnant le caractère qui était le sien "ai oublié chevalerie" dira-t-il. INTERPRETATION. On le voit, à partir de ces exemples, les héros saurochtones de la légende arthurienne, qu'elle apparaisse dans les textes des 12ème 13ème siècles ou sur le terrain des traditions locales, se définissent dans ce que Gilbert Durand a nommé les régimes de l'Imaginaire, entre le régime héroïque et ascensionnel, celui du héros lumineux, diaïrétique, et le régime mystique, aquatique et marqué au coin de l'animalité. Jung aurait dit entre les forces à l'oeuvre d'animus et d'anima. Dans les sociétés qui produisent ces récits, se répartissent ainsi les rôles entre le clerc et le chevalier, bien marqués dans la société médiévale au fur et à mesure qu'elle s'éloigne des récits païens, ils tendent à une certaine confusion des genres quand ils font retour au terrain. D'un point de vue idéologique on peut y voir la marque des moines bénédictins et cisterciens, notamment des abbayes normandes où s'élaborent les récits arthuriens en prose (La Vulgate du Lancelot en prose et le Tristan en prose) tandis que continuent de fleurir dans les traditions orales voire dans les hagiographies populaires D'un point de vue mythologique, la mise en perspective des trois personnages à laquelle nous nous sommes livrés renvoie sans doute à une tripartition complexe à la fois imaginaire et fonctionnelle: Le premier Merlin est un dieu sombre et forestier, hantant les sous bois obscurs où il finira prisonnier d'une ondine, s'il est bien tueur de dragons, il l'est en quelque sorte à son corps défendant sans doute plus par proximité avec la nature et ses forces vives qu'il connaît par son savoir de nigromancien que par volonté de les éliminer. Il finira d'ailleurs sa vie en quelque sorte rallié à ce régime de l'imaginaire puisque captif d'une ondine Viviane la fée du lac qui l'enserre dans sa prison d'air. Tristan, au moins dans sa période héroïque est à l'inverse, même si sa généalogie le rend un peu suspect , un véritable héros lumineux et ascensionnel, après avoir triomphé de l'élément liquide, il défait géant écailleux et dragon et affirme la prééminence de la force chevaleresque sur le droit, le triomphe de la lumière sur les ténèbres. Plus tard il succombera toutefois au philtre d'Yseut avec laquelle il vivra dans le retour à la nature au creux d'un refuge forestier. Arthur, que l'on considère ses avatars folkloriques ou ses légendes écrites, est sans doute le plus intéressant des trois car il offre une image euphémisée des tueurs de dragons. Son rapport avec Guenièvre, ou pour son doublet hagiographique Ortaire avec Radegonde, le font assumer les impératifs de la souveraineté dans s double dimension héroïque, il défait les forces obscures et en même temps se voit lié aux cycles naturels, participe de l'hiérogamie, assume la dualité de la fonction souveraine, sacrée et guerrière. Le combat contre le dragon est ici vécu comme tentative de conjonction des contraires, harmonisation des forces cosmiques et telluriques et le rôle du calendrier sans cesse pointé n'y est pas innocent. Il est temps, comme l'écrivait Gilbert Durand , au moment où l'angoisse surgit dans une civilisation qui ne propose que des rôles disparates et disjoints, au moment où dominent les éthiques frénétiques des boîteux et des unijambistes,.. de coudre ensemble la mémoire de notre culture et l'ambition de la science la plus avancée,(...) le temps de vivre une expérience symbolique authentique. Comme en bien d'autre endroits, le génie du vieux calendrier populaire chrétien, épousant l'année naturelle, est sans doute un des pèlerinages imaginaux qu'il convient d'emprunter pour y parvenir. Comme viatique, la Légende Arthurienne constitue là un véritable réservoir de sagesse. Elle nous parle intimement pour peu que l'on s'applique à en saisir les manifestations symboliques aux deux extrémités du trajet anthropologique. Georges Bertin. Centre de recherches sur l'Imaginaire. GRIOT/ Angers. article publié pour le colloque de Mons: "Utopies du lieu commun. Le mythe comme lieu commun de la tradition et de la création, Saint Georges et le dragon". In Cahiers Internationaux du symbolisme. Numéros 95-97 2000. Abonnements auprès du professeur Claire Lejeune, Université de Mons Hainaut. CIEPHUM. 20 pl du Parc. B 7000 MONS. http://www.umh.ac.be/ciephum Sagremor le Desréé.
"l'homme est l'ambiguîté paradigmatique, la multiplicité antagoniste, le paradoxe créateur". G Durand.
Ouf ! J'ai tout lu !
L'interprétation, car c'en est une, est intéressante. Mais je pense qu'il convient de dire que la "matière de Bretagne" est une somme légendaire "tissée" sur des mythes, certains tissages étant éclairés, d'autres moins. Effectivement, le dragon et le Tau sont liés. Le Tau (Tav) étant la représentation symbolique du monde terrestre, la "crucifixion de la conscience" dans l'élémentaire au plus bas des déclinaisons du Principe. Une nécessité liée à l'idée (eidolon) du sacrifice et du retour, de l'éternel retour. Le dragon, manifestation très archaïque du "dit", le feu parlant, est très différent, lorsqu'il est vaincu, d'une victoire sur l'animalité. Toutes les traditions parlent de bêtes fantasmagoriques ayant enseigné les humains... Jung dit que plus la manifestation (dans les rêves) est archaïque, plus l'on se rapproche de l'archétype. Il (le dragon) est souvent représentant dans les légendes, de l'ancienne tradition, dans les mythes il est archange, par exemple... A mon sens, il est (extrèmement stylisé) la boucle au dessus du Tau (Tav) de la croix ansée égyptienne. Mais nous sommes là très loin du domaine celtique. Dans l'iconographie celtique, et nordique, l'on trouve souvent ce combat entre le cerf et le serpent-dragon. Ne pas oublier non plus les mythes grecs qui ont donné des noms aux constellations circumpolaires... Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
dragon merci de ce complément très intéréssant qui m'ouvre de nouvelles pistes.
Le sang du dragon serait aussi à interroger dans le sens du symbolisme lié au feu . Sagremor le Desréé.
"l'homme est l'ambiguîté paradigmatique, la multiplicité antagoniste, le paradoxe créateur". G Durand.
Vaste sujet Sagremor
Tant de choses ont été dites ; tentons de débroussailler un peu le chemin vers le château de la belle... Le dragon vient d'orient, auparavant en occident, le même concept était représenté par un serpent plus ou moins monstrueux. Une des plus anciennes mentions écrite (en occident) de dragon vient du Beowulf : «Il régna sagement cinquante hivers, quoique, l'âge venu, grisonnant et lourd de tracas. Puis il y eut le dragon. C'est alors que le dragon ennemi, de longue date tapi dans la pénombre, lui qui se complaît aux tertres funéraires, lui qui allume les nuits de ses noeuds de flammes, lui l'effroi des gens du pays, c'est alors qu'il découvre, abandonné, le trésor. Le dragon garda le trésor pendant trois cents hivers. Puis un jour un homme éveilla son courroux. Le gardien du trésor est pris de furie et de rage, et fouille les parages. Et au moment arrêté, voici qu'il lance ses flammes, qu'il terrifie, embrase et pulvérise, jetant la dévastation partout, à l'effroi des humains, à leur grand dam. Le monstre des airs ne voulait rien laisser en vie. Ceux du pays des Goths, du fait de cette créature, subirent des ravages infernaux. Il voyait : les terres jouxtant la mer, foudroyées, simples ruines, et la fortune des Goths, elle-même simple ruine, ouvrage d'un dragon, saisi de colère démente. Alors, de l'intérieur du tumulus jaillit un torrent, feu et flamme, le souffle même du dragon. L'haleine du dragon, haleine incandescente, siffla. La terre trembla. Le vif dragon-serpent était au paroxysme de la mauvaise humeur, sur lui-même torsadé, chose emmêlée. Terrorisé par l'autre, chacun des combattants veut l'extermination, à la fin des fins. Cependant, le monstre agile s'enroule et se love encore, comme au coeur de lui-même. Et aussitôt s'élance et crache le feu, se ruant à son sort. Une troisième fois, le dragon, tout ardeur et colère, se rua, de tout son feu, saisissant sa chance. Et de ses dents acérées, il étreignit Beowulf à la gorge. Alors le sang s'écoule, grand flot de sang. Le monstre en est couvert lui-même. Pour Beowulf, ce fut la dernière victoire. Du serpent qui vole, du cracheur de feu, du monstre terré, il avait subi la morsure, morsure brûlante, et bientôt elle s'envenima. Le poison lui poignait la poitrine.» L'haleine igné du dragon sort du tumulus, le dragon est le Sid lui-même. Il est intéressant de noter qu'une représentation I.E. du divin est un tumulus où est planté une épée... Pour de nombreuses traditions, le dragon est le gardien de l'immortalité qui s'est déclinée en pierre précieuse (du ciel ou d'exil). Dans la symbolique alchimique la dragon est d'ailleurs apparenté au lion vert et au V.I.T.R.I.O.L. ; le dissolvant conduisant à l'oeuvre au noir. Le sang est intimement lié au sacrifice depuis la plus lointaine antiquité. Le sang qui coule est rouge et en se "dévitalisant" il devient noir. Les populations de Néanderthal offraient déjà de l'ocre rouge à leurs morts et l'on retrouve cette opposition symbolique dans les grottes ornées plus tardives. Le sang est offert au divin et demeure un interdit dans la nourriture humaine pour de nombreuses traditions actuelles. Le sang offert revivifie la nature après le long sommeil de l'hiver dès les prémisses du renouveau. Le sang est l'esprit vital qui anime le corps, les corps, il appartient au divin. Ce qu'est le sang du gardien de "l'autre monde" peut se déduire ainsi... La coupe, après tout, est une représentation "inversée", solaire, du Sid. Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
dragonMerci, c'est un beau sujet pour un colloque futur?
J'avais travaillé de mon côté à propos de la légende arthurienne une autre signification liée au sang que je classais du côté du feu dans une problématique plus bachelardienne. Le dragon est aussi réputé cracher des flammes au moins certains d'entre eux, encore faudrait-il faire une typologie. Anthropologiquement votre proposition a le mérite de rester liée à la Nature elle-même, les deux perspectives se complémentarisant comme c'est souvent le cas en mythologie. Sagremor le Desréé.
"l'homme est l'ambiguîté paradigmatique, la multiplicité antagoniste, le paradoxe créateur". G Durand.
Salut,
Voici une autre piste : Le DRAGON étant devenue l'oriflamme de la cavalerie romaine du Bas-Empire, par sémantique, le mot est donc passé au cavalier lui-meme ( d'ou les régiments de dragons !) Et ainsi le général de cavalerie romain : Magister equitum, est-il devenu, en langage hybride ches les Britto-romains : Penn-dragon. ... ce qui désigne au départ une fonction, avant de servir d'épithète à Uter, le frère d'Ambroise Aurèle, lui-meme dux ( gouverneur militaire) de (G) Bretagne. CQFD. JC Even "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
complément d'information :
Extrait des notes d'Emgann Karaes et des noms communs du site Marikavel. ************************ Dragon : du latin draco, emblème de la cavalerie (emprunté aux Perses, qui l'avaient eux-mêmes emprunté au Chinois). Sidoine Apollinaire. Poèmes. Tome Ier. Carmen V: " Déjà le dragon de toile parcourt le front des armées: sa gorge se gonfle sous la poussée des zéphyrs; l'image du monstre à la gueule béante ferait croire à une faim dévorante et les vents donnent au tissu une fureur guerrière, toutes les fois que leurs souffles enflent le dos ondoyant et de le ventre ne peut plus contenir l'excès d'air qui le gonfle." note 63 d'A. Loyen, dans Sidoine. Apollinaire. Poèmes. Tome Ier, p 178: " De toile ou de peau, elle a la forme d'un serpent dont la gueule béante, en métal, est fixée à une hampe. Le vent, s'engouffrant par cette ouverture, agite cette sorte de manche à air, et lui donne l'aspect d'un véritable serpent aux replis ondoyants...". ********************* A. Loyen : traducteur pour le compte des Belles Lettres. ********************* Le magister equitum / général de cavalerie de MAXIME ( Macsen Wledig, en 383, s'appelait Andragathios. C'est lui qui a poursuivi Gratien jusqu'à Lyon sur le Rhone et qui l'a fait exécuter. ******************** A qui le tour ? JC Even "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
Bonjour
Il est en effet plus que probable que l'image mythique du dragon vienne de Chine via les persans par la route de la soie. L'image bien connue du Yin Yang figurait aussi dans les enseignes romaines. En Chine, les grands sages (Lao Tseu, Tchouang Tseu...) sont appelés dragons. Là bas le sang du dragon est jaune et noir ; couleur du ciel et de la terre. Dans la mythologie perse il y a aussi un dragon : le Simorgh. Il apporte des bêtes sauvages en nourriture à un jeune enfant (Zad) aux cheveux blancs réfugié dans une grotte du mont Kaf ? (Zad signifie vieux en persan). Dans certaines représentations, ce jeune enfant a tout du "maître des animaux"... Vers l'an 1000, Ferdusi écrit le Shah Nameh, le "livre des rois", ensemble de chroniques se rattachant aux souverains mythiques de la Perse. L'on y a reconnu l'un des prototypes du graal : la "coupe de Jamshid" dans laquelle ce roi "pouvait voir le monde". Ce thème est très présent dans la poésie classique persanne depuis le 10° siècle dont on connaît l'influence sur "l'amour courtois". Plus anciennement, il existe une "chevalerie spirituelle" au sein de la religion Parsi (zoroastrisme), ses membres se nomment Javanmard, je crois qu'elle est toujours active. On trouve dans certains thèmes et mots rituels de l'ordre de la jarretière des influences de ce groupe. Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Din eo
Alors là , je suis entièrement d'accord avec toi, cet emblème historique, - il a aussi valeur de symbole, vient de la cavalerie romaine. Iaroslav Lebedynsky dit la même chose dans Armes et guerriers barbares ou dans un autre de ses livres. Ça n'empêche pas que la paire de dragons affrontés que l'on trouve sur les fourreaux d'épée de La Tène se retrouve dans un conte arthurien gallois, dans une version "animée". Il est des temps et des lieux où l'histoire et le mythe font un bout de chemin ensemble, se croisent et se décroisent pour tisser quelque chose qui relève de l'imaginaire, entendu au sens d'un extraordinaire réservoir d'images, dont certaines sont à manier avec précaution. sed... Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
"Ça n'empêche pas que la paire de dragons affrontés que l'on trouve sur les fourreaux d'épée de La Tène se retrouve dans un conte arthurien gallois, dans une version "animée". "
Zut, c'est vrai ! Tu en avais déjà parlé dans Aremorica je crois... J'aimerais beaucoup connaître la représentation de ces dragons laténiens, tu as une indication pour cela ? P.S. Pour le dragon gardien de la pierre, la légende de la Vouivre est des plus intéressante parce qu'elle rejoint le mythe de "la femme de l'autre monde" A-t-on une étymologie autre que "vivare" (la vivante) dans les racines celtiques ? Muskull sur la piste des "trente (Si) oiseaux (Morgh)" Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
10 messages • Page 1 sur 1
Retourner vers Mythologie / Spiritualité / Religion Qui est en ligneUtilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 77 invités
Accueil |
Forum |
Livre d'or |
Infos Lègales |
Contact
Site protégé. Utilisation soumise à autorisation Conception : Guillaume Roussel - Copyright © 1999/2009 - Tous droits rèservès - Dèpôts INPI / IDDN / CNIL(1006349) / SCAM(2006020105) |