Etymologie de saint Quentin

[Lyricantus]

Une question difficile de neophyte : Quistinic , Quintin et Quentin n'auraient ils une origine commune ?

On trouve en effet :

Saint Quentin (ou Saint Kintin ou Saint Quintin) dérive du latin Quintinus, diminutif de Quintus qui signifie « le cinquième », et qui était parfois, à l'origine, attribué au cinquième né d'une fratrie. Mais selon d’autre source Quintin comme Quistinic viendrait du breton « Kistini » ou « Kistén » qui veut dire châtaigne.

Dauzat et Rostaing, le nom de Quintin " s'analyse comme celui de Quintenas, commune de l'Ardèche, issu selon eux du nom d'homme Quintinius (fundum), tout en précisant, pour Quintin : "peut-être aussi un nom de personne récent".
Éditions Flohic : " du nom d'un général romain Quintinus ou, plus probablement de Kyntin, dérivé du breton quistinic, petite châtaigne, par allusion aux châtaigniers de la fort de Brocéliande"

Que faut-il en penser ?

[Alexandre]

As-tu une vie de saint Quentin ? Ça peut aider.

[Lyricantus]

Voici la légende de saint Quentin, Quintinus (dont j'ai perdu la source)



Enfant issu d'une famille, dont on ne sait rien, bien qu'on ait donné la mère pour chrétienne et le père pour Zénon, sénateur Romain, Quintinus naquit à Rome.
Ses miracles agacèrent le procurateur Rictiovare qui lui fit subir les pires tortures.
Quintinus en souffrit le martyre, il fut décapité en octobre 303, à Saint-Quentin, sa dépouille fut jetée dans la Somme.
Il donna son nom à la ville vers l'an 885, depuis cette époque la ville s’appelle Saint-Quentin.
Malheureusement, on ne possède pas une seule toile, ou crayonnage, quelconque de Quintinus, qui fut créé à son époque, pas même un seul écrit de sa part.
C'est en l'an 651, soit près de 3 siècles après sa mort, que la dépouille de Quintinus eut été mise en terre, que le grand Saint Eloi, évêque de la ville de Noyon, redécouvrit la sépulture de ce jeune homme, martyr romain que l’on appelait Quintinus.


Peu de documents, une légende auréolée de gloire : le martyre de Saint Quentin.

Un manuscrit du XIIe siècle, dit «l’authentique» (illustré de 25 miniatures), conservé à la Bibliothèque Municipale, renferme le récit de la vie de Quentin. C'est le plus ancien retrouvé à ce sujet et il fait partie du Trésor de la Basilique. Cette histoire a inspiré un mystère du XVe siècle en 24000 vers, représenté à plusieurs reprises devant la collégiale (les dernières fois, à l'intérieur de celle-ci en 1987 et en 1999).

Quintinus serait le fils d'un sénateur romain du nom de Zénon. Il demande au pape Marcellin de l'autoriser à évangéliser les habitants de la Picardie. Il part donc prêcher ; on le rencontre à Amiens en compagnie de quelques chrétiens. Sa foi est grande, comme le prouve sa conduite en tous points louable. Il baptisait sur les places, et, dit-on, guérissait miraculeusement les «perclus» rhumatisants, les «enflés» hydropiques et d’autres malades (aveugles et bronchiteux).

L'empereur Maximien et son préfet Rictiovare ménagent peu les prédicateurs de la nouvelle religion. Sommé de mettre un terme à ses pratiques, Quintinus refuse de se soumettre et de sacrifier aux dieux païens.

Rictiovare l'emprisonne alors à Amiens. Il est martyrisé, notamment par l’enfoncement de broches dans les épaules (visibles sur le buste du saint qui figure sur le blason de la ville).


Le supplice des broches

Semblant ignorer la douleur, Quentin prie, ses tortionnaires ressentent les souffrances qu'ils souhaitaient à leur supplicié ; alors on croit à de la magie et d'autant plus facilement que les geôliers se convertissent tandis que Quintinus est mystérieusement délivré. Repris et soumis à de plus cruelles tortures, il parait ne pas les subir et Rictiovare s'acharne sur lui en vain. On décide de transférer le condamné à Rome. Augusta est sur le chemin qui mène à cette ville. Quintinus y est détenu dans une tour située en haut de la rue Émile Zola (détruite de nos jours).

Étant emprisonné, et souffrant de la soif, Quintinus aurait fait jaillir dans son cachot même, qui était sous terre, une fontaine. (On lui attribue pareillement une autre fontaine miraculeuse dans une cour, à Marteville, où il a dû passer, venant d'Amiens sous escorte). Colliette rapporte que des «enflés», des hydropiques, venaient boire et demander la guérison à la fontaine du cachot, qui existait encore au XVIIe siècle.

Longtemps, une sculpture de bois (le Petit Saint-Quentin) rappellera le séjour que le martyr effectua dans la cité qui portera son nom : en 1917, les Allemands enlèvent la statue, remplacée depuis par un bas-relief de Gabriel Girodon.

Augusta est la dernière étape du voyage de Quentin : Rictiovare, excédé, lui fait trancher la tête, et, pour ne pas attirer de pèlerins autour du tombeau, il fait jeter tête et corps dans la Somme. Ceci se passe en 287.
La décollation du Saint


Cinquante-cinq ans plus tard, une dame romaine, Eusébie, voit en songe Dieu qui lui ordonne de se rendre à Augusta.

Là, le miracle s'accomplit : le corps et la tête du saint émergent des eaux qui les avaient engloutis. D'aveugle qu'elle était, Eusébie retrouve l'usage de ses yeux.
Le corps du Saint

Quand on veut transporter les reliques à Vermand, le convoi se fait si lourd qu'il est impossible de le mener au delà de la colline. On élève une chapelle qui cédera la place à plusieurs églises successives. Le Bourg de Saint-Quentin naît progressivement autour de ce lieu saint. Les fidèles viennent prier et les malades croient une guérison miraculeuse possible. Les pèlerinages s'organisent
Un demi-siècle après son martyre, vers l'an 358, une dame Romaine, du nom d'Eusébie, retrouva les reliques de Quintinus. Cette dame fit transporter le corps de Quintinus sur le haut de la colline, lieu où l'on éleva une église, pour recevoir Quintinus, avec les plus grands honneurs que l'on puisse réserver, à un homme mort dans le martyre.

L’histoire de la dame Eusébie

Il s'agit, dit-on, d'une riche dame Romaine, de très noble origine tombée aveugle depuis neuf années et que trois songes répétés l'ont conduite sur les rives de la Somme.
Elle s'y agenouille et prie.
Un grand bouillonnement trouble la surface de l'eau, semblable à ceux des remontées verticales commandées par ces sources ouvertes au fond du lit de la rivière.
Le corps de Quentin arrive en surface, intact, et sa tête émerge un peu plus loin.
En même temps se répand un parfum céleste.
Eusébie retrouve alors la vue, premier miracle pour un premier pèlerinage.
Elle charge la dépouille, corps et chef rassemblés, sur un char tiré par des bœufs et remonte la pente de la vallée (l'axe de la rue d'Isle), en direction du village de Vermand où elle a l'intention de donner une sépulture décente, au corps du martyr. La charge s'alourdit et arrivés sur le rebord du plateau, les animaux s'arrêtent épuisés.
La volonté du saint est d'être inhumé en cet endroit, se dit la dame Eusébie, face à l'est, en direction du soleil levant.
On dit que la première et humble chapelle, édifiée par Eusébie, vint prendre la place d'un temple païen, sans aucune preuve, mais sans invraisemblance.
Les miracles s'y seraient multipliés.
La dame Eusébie, quant à elle, la vue retrouvée, le martyr Quintinus ayant une sépulture digne de ce nom, mit la plus belle de ses robes, et reprit alors la route de Rome avec tous ses serviteurs.
Peu à peu, des habitations s'élevèrent autour de cette église et donnèrent naissance à une nouvelle ville qui prit le nom de Saint-Quentin, son patron.

Emile Jaumotte interprête la légende comme un mythe calendaire :

Cinquante cinq, c’est le nombre de jours qu’il faut ajouter tous les cinq ans au calendrier lunaire pour rattraper le calendrier solaire si l’on se borne à considérer des années de 365 jours pour le solaire et de 354 jours pour le lunaire. Quant au délai de cinq ans il est donné par le nom même du saint, Quentin, Quintinus, qui signifie le cinquième. En clair : la cinquième année ajouter cinquante cinq jours au calendrier lunaire et la dame, en l’occurrence la lune, recouvrera la vue, c’est-à-dire la lumière, en définitive le soleil.



Voici ce dont je dispose.

[Alexandre]

Jaumotte est surtout connu comme ésotériste. J'ignore la qualité de son travail. Mais le fait est qu'il y a des caractéristiques solaires manifestes dans ce mythe :
- la guérison des yeux est une caractéristique de Lug
- la décapitation (cf. Karna)
Plus lointainement, l'apparition d'une source - motif très fréquemment associé à la décapitation (St Louis, Ste Winnifred, etc.)

Aussi étrange que cela paraisse, l'analyse de Jaumotte me paraît envisageable : Quentin renverrait à des considérations astronomiques sur les 5 jours de césure entre l'année solaire et les mois lunaires.

Qui dit mieux ?

[Lyricantus]

Entièrement d'accord sur la proposition d'Emile Jaumotte, la référence calendaire semble plausible. Mais la césure de cinq jour fait plutôt référence à une année de 360 jours, Emile Jaumotte fait ici plutôt référence à une césure de 11 jours pour aller de 354 jours à 365 jours. Mais il est clair que le cinq est récurent dans le décompte du temps...55 jours = 5 x 11 jours. Quentin passe pour être le cinquième. Pour la guérison des yeux, caractéristique de Lug, je suis intéressé par une référence. J'ai bien identifié un cachet d'oculiste associé à Mercure, mais rien de précis pour Lug.

[Alexandre]

C'est l'archéologie qui ne donnera la réponse : Lug est un dieu médecin. On lui offrait des ex-votos à l'image de l'organe à soigner, comme cela se pratique encore chez les orthodoxes grecs. Les yeux sont particulièrement fréquemment représentés.
viewtopic.php?f=11&t=4787&p=59690&hilit=Lug+yeux#p59690

[C. Cottereau]

Oui, je crois comprendre pourquoi Dauzat et Rostaing pensent qu'il s'agit d'un nom récent, car en gallo-roman, l'évolution phonétique aurait dû se faire en *Cintin, comme *quincu- a donné cinq

[Patrice]

Salut,

Effectivement, cela marche même pour les anthroponymes. Ainsi au diocèse de Rouen, on a un saint Quirinus qui est devenu saint Cirin, même si les traditions savantes conservent "saint Quirin".

A+

Patrice

[Jacques]

Oui, mais Quintin, qui était situé au Vieux-Bourg jusqu'à la fin du moyen âge au moins, était en pays bretonnant, où ne s'appliquent pas les lois phonétiques du domaine gallo-roman.

[gérard]

Quistinic est très probablement "la Châtaigneraie". Kistinid en breton. Les habitants: Kistinidiz.

En 1160: Kistinic Blaguelt (Vallerie, Corpus, p. 172) (pour le c, une fausse lecture d'un t, ou bien -ec ?)

Autres toponymes (tirés de B. Tanguy, Studi n° 3, 1975, p. 105):
Coet-Quistenic (Plouray, 56)
Quintenic (22), Quistenit au 13e s.
Ristinec (Guidel, 56) [ < ar c'histineg ]
Quistinit (Gourin, 56)

Exemples tirés du Deshayes DNLB, 1999, p. 107:
Quistinit, idem en 1426 (Rosporden, 29), idem attesté dès 1597 en Sizun 29
Quisteny, Questenic en 1427 (Péaule, 56)