Llydaweg, brezhoneg, breton "kravazh, gravazh", français "civière, brouette".
Dialectologie lexicale.
La syllabe initiale est k ou g selon les lieux.
Les formes en k- sont ressenties comme des masculins: "kravazh, ar c'hravazh".
Les formes en g- , minoritaires, seraient la plupart du temps ressenties comme des féminins: "gravazh, ar c'hravazh", ou, en vannetais (et dans la partie sud de la basse Cornouaille?), "gravazh, ar gravazh" (vannetais: "gravah, er gravah"), la mutation du g- initial après l'article dans les noms féminins se faisant rarement ou jamais, semble-t-il, dans cette zone.
Sources principales:
Carte de l'Atlas Linguistique de Basse-Bretagne (ALBB, de Pierre Le Roux) n° 363 "brouette; civière". Le réseau de ses 77 points d'enquête (enquêtes du début du 20ème siècle) est moins dense que celui des 187 points du NALBB (Nouvel ALBB, enquêtes de la fin du 20ème siècle, sous la direction de Jean Le Dû).
Cartes du NALBB n° 314, 315, 316: "(une) brouette"; "des brouettes"; "(une) civière". Seule la carte 315 "des brouettes" est exploitable pour l'étude de la lettre initiale du mot.
Autres sources:
Catholicon (1499) (attestations les plus anciennes, semble-t-il): "grafaz rodellec ciuiere o reue" [civière avec roue, brouette], "grafaz treux ciuiere".
P. Trépos (Enquête sur le vocabulaire breton de la ferme, rééd. de 1982) bizarrement ne mentionne pas de formes en g- initial "gravazh". Il ne donne que des formes avec k- ou r- à l'initiale (en r- probablement après l'article, mutation de k ou g donnant néant, voir Saint-Yvy).
Saint-Yvy (A. Heusaff, Geriaoueg Sant-Ivi, 1996, p. 188): "gravazh, f., pl. grivizhier" (prononcé "grivigère"), "ur c'hravazh" (prononcé "rawèsse") (= une brouette). Nom féminin, la mutation est faite.
Vers le Cap et Pont-Croix (R. Gargadenneg, Hor Yezh n° 168, 1986, p. 67) existe une forme "grabouz, ar grabouz: brouette". Pas de mutation. Pas de notation du genre.
E. Ernault (Dictionnaire Breton-Français du dialecte de Vannes, DBFV en abrégé, 1919) p.98a "gravah, f. pl. eu, civière". L'entrée "kravah" manque dans le DBFV, bien que majoritaire dans le vannetais selon l'ALBB. Le nom est féminin.
Le Supplément de Le Goff l'ajoute, p. 42a: "kravah. V. gravah" (dans le DBFV). Et précise, p. 28b, "gravah, f. à Auray, brouette". Nom féminin.
Les formes, minoritaires, en g- à l'initiale relevées sur l'ALBB, carte 363 et le NALBB, carte 315 sont des isolats, en périphérie pour la plupart.
Sur l'ALBB, carte n° 363:
Trébabu pt 8 :pointe sud ouest du bas Léon, isolat périphérique.
Clohars-Fouesnant pt 53, Névez pt 54, Clohars-Carnoët pt 56 : pays de la "giz-Fouen" ou "mode de Rosporden", périphérie maritime (Saint-Yvy appartient à cette zone de "giz-Fouen").
St-Gildas-de-Rhuys pt 79 : presqu'île.
Pts 60, 62 (Plélauff, Ploerdut): isolat dans les terres.
Pts 65, 66, 67, 69, 84 (Pluméliau, St-Allouestre, Calan, Locqueltas, Languidic): bande isolée qui coupe le haut Vannetais en deux d'ouest en est jusqu'à la frontière linguistique.
Sur le NALBB, carte n° 315 "des brouettes" :
Pts 10 et 15 (Lilia en Plouguerneau et Plounéour-Trez) : isolat en périphérie maritime, appartenant au pays nord léonard, dit "pays pagan".
Plogoff pt 112 : isolat périphérique maritime au bout de la presqu'île du Cap.
Pts 125, 126, 127, 135 (Ergué-Gabéric, Bénodet, Fouesnant, Beuzec-Conq) au sud est de Quimper (recoupant approximativement la zone "giz-Fouen" de l'ALBB): isolat.
Pts 116, 117, 102, 95 (Douarnenez, Guengat, Ploéven, Briec) au nord ouest de Quimper, zone liée à la zone précédente.
Pour cette dernière zone au nord ouest de Quimper, ainsi que pour Plogoff, il faut nuancer: des formes en k- sont données par l'ALBB à Plogoff, Ploaré (Douarnenez), Plomodiern (à côté de Ploéven) et Édern (à côté de Briec).
Au vu de la répartition des formes sur les cartes et des formes les plus anciennement attestées, on peut supposer qu'une forme en g- est étymologiquement la plus probable, la plus ancienne: *grabattus, forme issue ou parente du latin grabatus "grabat".
Jéjé