|
Habitudes de langageModérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
32 messages • Page 1 sur 3 • 1, 2, 3
Habitudes de langageOn appelle hypothèse de Meillet l'idée que lorsqu'on impose une langue aux locuteurs d'une autre langue, ils finissent par la déformer pour l'adapter aux sons auxquels ils sont déjà habitués, au point de donner éventuellement naissance à une autre langue. Ainsi, l'allemand moderne, avec ses sons palatalisés (ä, ö, ü) ressemble-t-il à du vieil haut allemand déformé pour intégrer les sons des langues celtiques (nos eu et u) aux détriments de sons que ces dernières n'utilisent pas (certaines diphtongues).
Voici une étonnante confirmation expérimentale de cette hypothèse de la fin du XIXe siècle : http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=7205 Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langageSalut,
J'avoue être un peu surpris face à ce type de conclusions et le contexte par rapport auquel elles sont émises. Je ferais 3 remarques : - On s'accorde généralement sur les périodes de 600 à 1100 ap. J.C. pour le vieil haut allemand et de 1050 à 1350 ap. J.C. pour le moyen haut allemand. Hors la survenue du processus d'inflexion, lié au i-Umlaut, ayant impliqué les changements de timbre u vers ü, a vers ä, ā vers æ, etc... est un phénomène du vieil haut allemand tardif caractérisant, entre autres, le passage au moyen haut allemand. Sous-entendre que ceci pourrait trouver son origine dans l'influence d'un quelconque substrat celtique, c'est laisser entendre qu'on parlait encore (et de manière non négligeable) une langue celtique sur le territoire de l'Allemagne actuelle aux alentours de l'an 1000. C'est quelque chose qui me paraît absolument infondé et que rien ne vient corroborer. De plus, ce processus d'Umlaut est caractérisé par son rayon d'action limité. Il ne s'accomplit que quand la syllabe suivante contient un i, un j (semi-voyelle) ou un ī. Exemple : ahd mahtīg donne mhd mähtec, ahd wurfil donne mhd würfel, ahd guotī donne mhd güete, ahd skōni donne schœne, etc... Dans les autres cas (absence de i, j ou de ī dans la syllabe suivante) le phénomène ne se produit pas, et je ne vois pas pourquoi il n'aurait pas été généralisé s''il était la conséquence d'une adaptation phonétique effectuée par des populations assimilant progressivement une nouvelle langue. Il ne touche d'ailleurs pas que les diphtongues qui n'auraient pas été présentes dans la langue du supposé substrat celtique, mais également les monophtonges du vieil haut allemand. On le voit, il n'y a eu là aucun phénomène d'adaptation phonétique. En réalité l'origine de cet Umlaut est à chercher dans la perte progressive du ton de la dernière syllabe (entrainant l'amuïssement du i), elle même conséquence de la forte accentuation sur la première syllabe typique des langues germaniques. Tout ceci n'a à coup sûr rien à voir avec un éventuel phénomène de substrat celtique qui aurait adapté le système vocalisme germanique à son propre système de référence. Des phénomènes d'inflexion sont d'ailleurs recensés dans tous les langues germaniques en raison du type d'accentuation. Pour l'anecdote, ce cas particulier de déplacement de l'accent sur la première syllabe en germanique est bien lui, probablement, le résultat de l'assimilation par une population (non indo-européenne) d'une langue de type indo-européen qui lui était totalement étrangère. - Je ne vois pas le rapport fait entre les résultats de l'étude effectuée et la thèse formulée ci-dessus. Je suis peut-être stupide, mais je pose la question : que prouve ces expériences hormis que les enfants sont dès la période pré-natale familiarisés avec la langue de leurs parents ? Je ne vois rien qui fasse le lien avec le sujet nous intéressant. Pour le reste, on le sait qu'une population étrangère a toujours tendance à adapter à sa propre phonétique certains phonèmes lui posant problème. Il n'y a qu'à voir les Francophones avec le [th] anglais, le [ch] allemand ou le [r] roulé italien. A mon avis (il vaut ce qu'il vaut), il n'y a pas besoin de faire appel à une étude scientifique pour prendre conscience de cela. - Dire que l'allemand c'est du vieil haut allemand «déformé» me paraît assez maladroit. C'est comme dire que le Français est du vieux français «déformé». On a simplement à faire là à une évolution de la langue suivant des règles assez précises. L'allemand c'est du vieil haut allemand qui a évolué et non du vieil haut allemand «déformé». Au final, discutons en si besoin est, mais le cas me paraît entendu depuis longtemps, le phénomène ayant été caractérisé de bonne heure... A+
Re: Habitudes de langage
L'écriture n'est pas un guide infaillible de la transcription des sons. Les locuteurs du vieil haut allemand ne se sont pas réveillés un beau matin avec l'envie d'appliquer la métaphonie en i. On l'a évoqué ailleurs sur ce forum, le -m final du latin est largement une convention étymologique dès les premiers textes. Ce qui vaut pour le latin vaut pour n'importe quelle langue.
La généralisation de la métaphonie en i à tout le phonétisme aurait fait disparaître tous les a, tous les o et tous les u. Aucune langue n'a un phonétisme de ce genre. La métaphonie palatalisante en i et la métaphonie ouvrante en a sont des contextes - l'occasion d'une évolution, pas sa cause. Sinon, toutes les langues du monde auraient des métaphonies en i ou en a.
Comment expliques-tu la "métaphonie à rebours" (la perte précoce d'un i qui empêche certaines métaphonies attendues).
Cette hypothèse suppose une habitude de la phonétique de la langue avant même de parler la langue. Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langageSalut,
OK. Je tiens à préciser que dans ce que j'ai écrit au-dessus, il n'y a rien de spéculatif. C'est 10% de réflexion pour agencer les idées et 90% de recopiage.
Qui a parlé d'un phénomène apparu du jour au lendemain, un beau matin ? Tout le monde est d'accord pour dire qu'il s'agit d'une marque du vieil haut allemand tardif qui s'est vue notée à partir de l'époque du moyen haut allemand. Il y a donc bien sûr eu une période de "transition" où le phénomène s'est généralisé dans la langue et a commencé à être de plus en plus couché par écrit. C'est complètement tiré par les cheveux que de prétendre que, depuis les premiers texte en vieil haut allemand (vers 600) jusqu'aux alentours de 1050, l'inflexion, entrainant une importante modification du timbre de certaines voyelles et l'amuïssement de i, j ou ī, aurait pu ne pas être notée alors que dans le même temps les clercs et les laïcs écrivant en vieil haut allemand se donnaient la peine de marquer la longueur des vocalismes (â contre ā, î contre ī, etc...) ainsi que toutes les diphtongues. De plus le vieil haut allemand n'avait rien de la langue savante qu'était le latin, les conventions étymologiques n'intéressaient pas vraiment les scribes qui pour une raison ou une autre rédigeaient en langue vulgaire. On écrivait comme l'on prononce, ce qui est d'ailleurs toujours le cas dans les langues germaniques et dans de nombreuses autres.
Je suis un peu surpris de répondre à cela. Que je sache tous les mots ne contiennent pas forcément un vocalisme en i, j ou ī dans la dernière syllabe ? Quand c'était néanmoins le cas, alors la métaphonie en i a été indubitablement réalisée. L'amuïssement progressif du i final, quand il y en avait un, a toujours entrainé le changement de timbre de la première voyelle. C'est un phénomène qui ne doit rien à une influence extérieure, un processus parfaitement caractérisé, ayant des pendants ailleurs, en particulier dans les autres langues germaniques. Cela n'a rien à voir avec un quelconque phénomène d'adaptation phonétique, ni avec un quelconque substrat de langue celtique disparu dans cette région depuis les premiers siècles de l'ère chrétienne.
Dois-je en déduire que tu acceptes finalement la survenue du i-Umlaut comme étant la cause normale à l'origine de l'apparition des sons ü, ä ou ö en vieil haut allemand tardif et moyen haut allemand puisque que tu évoques des "métaphories attendues" ? Je pense que tu entends par "métaphonie à rebours", le phénomène limité à des cas très particuliers (une poignet de verbes de la classe -jan, uniquement au prétérit de l'indicatif) de ce que l'on a nommé maladroitement Rückumlaut ? Si oui, j'aimerais que tu m'expliques dans un premier temps en quoi ce phénomène remet en cause les explications, dont je ne suis pas l'auteur, sur les origines d'un i-Umlaut pan-germanique. Cela n'a absolument rien à voir. Il arrive simplement qu'un type de flexion nominal ou verbal subisse l'influence d'un autre et s'en voit modifié. Le système flexionnel est particulièrement instable. Pour en avoir une illustration et rester en domaine germanique il n'y a qu'à voir comment la classe nominale en -ōn a été éliminée très tôt au profit des autres classes, ou simplement regarder le nombre d'anciens verbes forts qui sont devenus faibles en anglais ou en allemand. Le processus est d'ailleurs loin d'être purement germanique. Dans le cas du Rückumlaut nous intéressant, si le [j] de *brannjan, *rannjan, *wandjan, *kannjan, *kundjan, *horjan ou *sandjan (7 verbes !) a disparu de manière précoce à la conjugaison du prétérit de l'indicatif, c'est probablement par attraction de forme (ils se conjuguaient de la même manière) avec les verbes des classes -on et -en. Preuve de l'instabilité de ce système de classes et de sa tendance à la convergence est son abandon total au profit de la seule distinction verbes forts/verbes faibles. Cette chute précoce du [j] est donc un phénomène totalement irrégulier et ne s'inscrivant dans le cadre d'aucune loi phonétique. La confirmation de ce caractère erratique c'est que ce sont des formes avec [j] original et donc réalisation ultérieure du i-Umlaut qui se sont finalement imposées dans le cas de *horjan (ich hörte et non ich horte), de kundjan (ich kündete et non ich kundete) et en partie de sandjan (ich sendete ou ich sandte)]. Bref, ce Rückumlaut n'obéit à aucune loi phonétique, c'est un simple phénomène de contamination linguistique, il n'a rien à voir avec le i-Umlaut et les causes qui l'ont amené, si ce n'est qu'il a empêché parfois sa réalisation (je compte 5 cas en tout). On le voit, c'est donc totalement étranger au processus bien attesté dans tous les langues germaniques d'érosion des syllabes finales en raison d'une puissante accentuation de la première, processus lui-même à l'origine du i-Umlaut.
Parfaitement d'accord, mais je ne vois toujours pas le rapport avec les conclusions tirées ci-dessus
Re: Habitudes de langage
Le vieil haut allemand n'avait pas besoin d'être une langue savante pour subir des conventions d'écriture fondées sur l'étymologie : il lui a suffit d'être le vecteur de la christianisation. Les missionnaires tenaient par dessus tout à ne pas paraître véhiculer l'idéologie d'un clan contre un autre. Il leur fallait donc neutraliser les particularismes dialectaux dans leurs traductions, ce qui passe par un travail sur l'étymologie populaire. Le fait est particulièrement clair dans le cas des langues slaves, où le vieux slavon est établi comme une pure invention des clercs dans ce but. Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langage
On a sans doute suivi les mêmes cours, mais j'aimerais bien savoir où tu as entendu que c'était l'amuïssement du i qui avait entraîné son influence métaphonique sur les autres phonèmes qui le précèdent. Un phonème doit bien continuer à exister pour avoir une influence sur les autres. Après seulement, il peut éventuellement disparaître. En l'occurence, ce qu'on m'a enseigné à l'université, c'est que la métaphonie en i résultait d'un principe de moindre effort pour tirer l'articulation du a, du o et du u vers celle du i. La disparition du i sous l'effet de l'accent tonique radical n'a rien à voir là-dedans. Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langage
Je n'ai jamais prétendu le contraire. Mais je soutiens que la métaphonie en i n'est pas une cause profonde de l'évolution phonétique du vieil haut allemand, mais seulement le mode de cette évolution. Et que ce n'est donc pas par hasard que cette évolution a conduit à l'apparition de phonèmes préexistant dans les langues de la région. Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langage
Et les masculins et féminins faibles ? Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langageSalut,
Désolé de répondre si tard. C'est dur de trouver le temps de répondre pendant la semaine.
J'accepte l'explication "la métaphonie en i résultait d'un principe de moindre effort pour tirer l'articulation du a, du o et du u vers celle du i". Toujours est-il que quand la voyelle finale devient débile, à l'exemple de ce qui s'est également passé dans langues romanes, cela a toujours à voir avec le type d'accentuation. Ici le renforcement du timbre vocalique de la première syllabe a contribué à effacer totalement celui de la syllabe suivante.
Ce i-Umlaut se rencontre dans tout le monde germanique, jusqu'en Islande. C'est donc bien la preuve que, dès l'époque germanique commune, certaines conditions - en particulier l'accumulation de l'accent sur la première syllabe - étaient en place pour la réalisation tôt ou tard du processus dans les différentes langues héritées. Je n'ai jamais entendu parler ici d'une quelconque influence extérieure. Ajoutons à cela l'insoluble problème temporel déjà évoqué entre le moment où l'on a dû cesser de parler une langue celtique sur le territoire actuel de l'Allemagne et le moment où le processus du i-Umlaut est apparu, et l'on peut comprendre l'extrême improbabilité qu'un phénomène de substrat ait joué le moindre rôle. Dernier point, il paraîtrait par exemple un peu plus pertinent d'évoquer une influence celtique sur l'apparition du [ü] dans les dialectes romans de Gaule. Or un spécialiste comme Pierre-Yves Lacroix se garde bien de tirer une quelconque conclusions sur le sujet, preuve que même le [ü] français n'est pas forcément d'origine gauloise... A bientôt
Re: Habitudes de langage
Tout à fait d'accord. Mais cela a à voir avec la décoloration du i suffixal, pas avec la métaphonie qui lui est associée. Dans les langues latines, comme en koutchéen ou en étrusque, on observe des décolorations accentuelles, mais aucune métaphonie.
Les langues germaniques présentent aussi des phénomènes de contamination du vénète d'Italie (finale des pronoms personnels de l'allemand mi-ch, di-ch...), indice que le germanique commun était parlé bien plus au sud que la Scandinavie avant d'apparaître, mais plutôt là où, plus tard, on trouvera des langues celtiques.
Je ne vois pas en quoi ce problème temporel est insoluble : entre le moment où les langues celtiques ont disparu et celui où les langues germaniques sont apparues, les gens n'ont pas cessé de parler. A moins de postuler qu'une autre famille de langue se soit intercalée - laquelle ? -, on doit postuler que les langues germaniques ont supplanté les langues celtiques. Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langage
C'est quelqu'un que je ne connais pas, ou un condensé de Pierre-Yves Lambert et Jacques Lacroix ? Jacques Mirou
Re: Habitudes de langage
Les inscriptions gauloises distinguent clairement un υ d'un ου (ex. pierre rectangulaire Nevers L-11, p.334 dans le Delamarre) : A moins de postuler une transformation radicale par rapport à l'alphabet grec tel qu'employé à l'époque, le gaulois distinguait le ü du u, et devait les distinguer tel que nous les comprenons. Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langageLà, je ne te suis pas, Alexandre : tu laisses entendre que les u de Andecamulos et ieuru aient pu se prononcer ü en opposition à ou de toutissicnos ?
Jacques Mirou
Re: Habitudes de langageExactement.
Découvrez mon livre sur :
http://www.manuscrit.com/Book.aspx?id=10469
Re: Habitudes de langagePourtant PY Lambert (LG, p. 104) compare à IEVRV les formes gallo-grecques ειωρου, où ου représente [u] (Lambert, LG p. 83), comme par exemple dans λιτουμαρεος et ουριττακος (ibid. p. 85).
Jacques Mirou
32 messages • Page 1 sur 3 • 1, 2, 3
Qui est en ligneUtilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 54 invités
Accueil |
Forum |
Livre d'or |
Infos Lègales |
Contact
Site protégé. Utilisation soumise à autorisation Conception : Guillaume Roussel - Copyright © 1999/2009 - Tous droits rèservès - Dèpôts INPI / IDDN / CNIL(1006349) / SCAM(2006020105) |