Pluton menacée de perdre son rang à cause d'un nouvel astre
Au jeu de billard des classifications astronomiques, une boule glacée pourrait déloger Pluton de son statut de neuvième planète du système solaire. Découverte en janvier 2005 par l'Américain Mike Brown, 2003 UB313 est en effet nettement plus grosse que sa rivale. Des astronomes allemands publient, jeudi 2 février dans Nature, la première estimation précise du diamètre de l'astre : plus de 3 000 km, presque la Lune (3 476 km), et plus que Pluton (2 350 km environ).
UB313 s'impose ainsi comme le corps le plus volumineux découvert dans le système solaire depuis Neptune, en 1846. Elle conforte du même coup les partisans d'une révision de la définition des planètes. Lui dénier le rang de dixième planète, revendiqué par Mike Brown, impose logiquement de dégrader aussi Pluton. Et de les considérer toutes deux comme les corps les plus massifs de le ceinture de Kuiper, à la périphérie de notre système, en attendant les découvertes d'autres objets de cette taille.
A strictement parler, UB313 devrait être considérée comme une bannie de cette ceinture. Quelque chose, dans son passé, a dû l'en chasser en la poussant sur l'orbite la plus excentrique répertoriée dans notre voisinage. Sa course elliptique autour du Soleil, en 557 années, l'a envoyée ces temps-ci 97 fois plus loin de notre étoile que la Terre, trois fois plus loin que Pluton. Son orbite est aussi très inclinée (45 degrés) par rapport au plan dans lequel tournent la plupart des planètes.
Ces caractéristiques la distinguent comme le corps le plus éloigné jamais détecté dans le système solaire. Et elles expliquent que les estimations de son diamètre aient été si difficiles à former. Les scientifiques allemands ont fondé la leur sur la première mesure de ses émissions thermiques, menées grâce au radio-télescope de l'Institut de radioastronomie millimétrique (IRAM).
UNE SURFACE BRILLANTE
Ils ont ainsi pu déduire une donnée cruciale pour déterminer la taille de cet objet si lointain : son albédo, soit sa capacité à réfléchir la lumière qu'il reçoit du Soleil. Selon leurs calculs, celui d'UB313 est d'environ 60 %, à peu près similaire à celui de Pluton. Cela indiquerait que les deux corps sont capables de produire et de retenir des particules de glace qui font briller leur surface.
Ces résultats ne sont toutefois pas repris par toute la communauté. L'équipe de Mike Brown a, de son côté, utilisé de nouvelles images, prises par le télescope spatial Hubble en décembre 2005, pour conclure qu'UB313 était à peine plus grosse que Pluton. Mais ces calculs, non encore publiés, impliquent un albédo extrême, de 90 %, un chiffre dont les spécialistes s'étonnent. En entretenant le doute, la lointaine UB313 n'a pas fini d'opposer les astronomes.
Jérôme Fenoglio
Article paru dans l'édition du Monde du 03.02.06