Je tiens à préciser que, si je ne suis pas d’accord avec l’interprétation historiciste ou évhémériste du mythe présentée par Jean-Claude Even, ses travaux purement historiques sont, en revanche, d’un intérêt certain. En particulier, dans son ouvrage déjà cité « Emgann Karaes , ou la Bataille de Carohaise », on trouve un exposé clair et très bien documenté sur le contexte politique et militaire de la Gaule, en particulier de l’Armorique, à la fin du V° siècle, c'est-à -dire à l’époque où aurait vécu le roi Arthur historique. On y trouve en outre une description très réaliste des motifs et des conditions de l’immigration bretonne en Armorique, dans le cadre de l’Empire Romain déclinant mais encore prestigieux.
Je ne nie donc pas l’intérêt et la qualité d’une partie de l’ouvrage de M. Even.
Par contre, je refuse l’interprétation purement matérialiste du mythe, tout le reste étant rejeté dans la catégorie confuse de « l’irrationnel », dans une démarche qui relève d’un positivisme très « XIX° siècle ». Sans vouloir convaincre M. Even de la justesse des doctrines traditionnelles (il en est trop éloigné), on ne saurait nier les acquis scientifiques de ces dernières décennies, comme par exemple la « découverte » de l’inconscient par Freud et ses différents continuateurs, ou l’étroite parenté des mythes universels avec les images inconscientes, démontrée par C.-J. Jung. L’esprit humain ne se limite pas à la raison, qu’on le veuille ou non. Nier l’existence d’autres sphères d’activité psychique, nier la réalité (relative peut-être) d’une activité inconsciente autonome et d’une sphère du sacré dans l’homme, c’est porter des œillères.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont... incompris !
Frédéric Creuzet