L'écriture est née en Europe - après le déluge.
Des indices probants parlent en faveur de son invention dans la culture danubienne, en Transylvanie.
Dans les deux premiers numéros d'"Airbag Magazine", nous avions présenté des éléments du livre de Carl-Heinz Boettcher "Der Ursprung Europas. Die Wiege des Westens vor 6000 Jahren" (Les origines de l’Europe. Le berceau de l'Occident il y a 6000 ans. Ed. Röhrig Universitätsverlag, St Ingbert en Sarre, 1999) dont l'auteur situait les origines des langues indo-européennes entre la Seine et le Dniepr, en ajoutant que des signes gravés sur la pierre dans le cadre de la civilisation danubienne de Vinca donnaient à penser que les premières tentatives de fixation écrite de la langue avaient été effectuées en Europe et non pas, comme on le pensait jusqu'ici, en Mésopotamie ou en Egypte. Boettcher avait déjà remarqué que le d »gré d’abstraction de ces signes prouvait que leurs inventeurs avaient déjà dépassé le stade du pictogramme. Il rappelait aussi que l’archéologue Jacob Grimm avait supposé que les prêtres et les nobles de cette première grande civilisation européenne avaient utilisé une sorte d’écriture pour initiés, mais, précisait Boettcher, sans en apporter la preuve.
La brillante intuition de Boettcher vient d'être confirmée par l'archéologue Harald Haarmann, spécialiste de l'écriture, que cet auteur citait déjà . Il y a un an, Haarmann avait publié une thèse allant dans ce sens dans son "Histoire de l'écriture" ("Geschichte der Schrift", Editions C.H. Beck, Munich). Présenté à la Foire du livre de Francfort à l'automne dernier, son deuxième livre "Histoire du déluge - Sur les traces de l'ancienne civilisation" ("Geschichte der Sintflut - Auf den Spuren der frühen Zivilisation", publié également aux Ed. C.H. Beck, Munich, 208 p., 12,90 euros) précise cette idée.
Selon Haarmann, les premiers signes d'écriture sont apparus dans l'actuelle Transylvanie, en Roumanie, dans la civilisation dite du Danube qui couvrait l'actuelle Serbie et une partie de la Roumanie. Ils datent de l'année 5300 avant J.C.. C'est à dire qu'ils sont de deux mille ans et plus antérieurs à la plus ancienne écriture pictographique égyptienne connue et qu'ils précèdent aussi l'écriture de Sumer, la plus ancienne élaborée connue. Ils ont été gravés sur des petits morceaux de terre cuite découverts à Tartaria en Transylvanie par des peuples qui vivaient jusqu'au 7ème siècle avant J.C. plus à l'Est, mais dont les survivants furent contraints d'émigrer vers l'Ouest après que les eaux de la Méditerranée eurent brisé la barrière rocheuse de la Mer de Marmara et envahi la Mer Noire. Le niveau des eaux qui monta d'un coup de 70 mètres noya des cultures et des hommes, par dizaines de milliers sans doute, fondant ainsi la légende du déluge, et contraignant les survivants à fuir vers l'Ouest. Ces descendants de Noé, si l'on peut dire, émigrèrent sur le même parallèle, ce qui leur permit de conserver leurs techniques agricoles, dans la même zone climatique.
Aire de diffusion de la civilisation du Danube - 5300 - 3500 avant J.C.
Cette migration à climat constant est une des particularités de la fondation de l'Europe. Sur tous les autres continents, Afrique, Amérique, Asie, les migrations s'effectuèrent du Nord au Sud ou l'inverse, ce qui obligea les migrants à changer de cultures. Néanmoins, une adaptation fut nécessaire. Comme l'écrit Haarmann: "La migration forcée contraignit à la maîtrise prudente de nouvelles conditions de vie et dopa surtout l'esprit d'entreprise : ils construisirent les fours à céramiques, développèrent la métallurgie - et créèrent l'écriture". Les fragments de céramiques de Tartaria, tout comme les autres documents archéologiques de cette civilisation découverts sur 35 sites, étaient connus depuis des décennies, les premiers ayant été trouvés en 1905, mais leur datation était complètement fausse. La technique de datation habituelle au carbone 14 les datait de 3000 avant J.C.. La dendrochronologie qui permet de dater plus précisément les objets à l'aide des cercles concentriques déterminés dans la coupe des arbres a permis de dater la plupart de ces objets entre 4500 et 4000 avant J.C., les premiers signes étant même antérieurs à 5000 avant J.C.. Les "mésopotamistes" avaient subi déjà une première défaite en apprenant assez récemment par le directeur de l'Institut allemand du Caire, Günther Dreyer, que les premiers signes d'une écriture primitive égyptienne étaient de 200 ans antérieurs à la première écriture sumérienne, et voilà qu'ils en essuient une seconde.
Toujours selon Haarmann, les signes d'écriture de Transylvanie n’étaient probablement pas encore destinés comme ceux de Mésopotamie et d’Egypte à fixer des transactions commerciales ou économiques, et sans doute s’agissait-il de symboles religieux, comme l'avaient supposé les "mésopotamistes". Mais les hiéroglyphes égyptiens comme leur nom l’indique ainsi que, beaucoup plus tard, la Bible, appelée très justement « les Saintes Ecritures », avaient aussi pour but de transporter des thèmes religieux. Haarmann estime que l’écriture l’écriture pourrait être apparue, comme bien d'autres inventions humaines, à plusieurs endroits à la fois.
Cependant, ces signes sont très anciens et il pourrait y en avoir de plus anciens encore, surtout si l'on suit la datation du "déluge" effectuée par les deux archéologues américains William Ryan et Walter Pitman qui ont situé l'invasion des eaux de la Méditerranée dans la cuvette de l'actuelle Mer Noire avec des preuves très crédibles à 6700 avant J.C.. J.-P. P
« [...] l’existence dans les Balkans d’une civilisation pré-indo-européenne à écriture, la culture Vinca: d’après les dernières datations contrôlées à l’aide de la dendrochronologie les plus anciens documents découverts remonteraient au VIIè millénaire avant J.-C., alors que jusqu’à récemment on pensait que l’invention de l’écriture ne datait que du ivè millénaire, époque des premiers témoignages de l’écriture sumérienne. »
avez-vous déjà entendu parler de ces thèses?