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L'ancienne Perse continue de livrer bataille à Alexandre
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CHIRAZ (AFP), le 31-12-2004
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Hassan Moussavi en a vu d'autres mais le professeur d'université habitué aux controverses historiques "en a quand même marre" de voir les étrangers, un cinéaste américain après les auteurs classiques, écrire une certaine histoire de l'Iran, et pas la plus flatteuse.
"Alexandre" n'est pas sorti dans ce qui fut autrefois la Perse, mais la mise en scène à grand spectacle des victoires écrasantes du roi de Macédoine lancé à la conquête de l'Asie y a rouvert quelques plaies d'amour-propre.
Pour Hassan Moussavi, qui enseigne l'histoire à l'université de Chiraz, non loin de l'antique Persépolis qu'Alexandre aurait incendiée, c'est bien simple: "Rien ne prouve qu'Alexandre ait bel et bien existé. Ou alors il faut savoir de quel Alexandre on parle. Il y en a 300 dans notre histoire ancienne. Mais il n'y a aucun vestige archéologique attestant de l'existence de cet Alexandre dont on parle".
Malheur au vaincu, Darius III, le "Roi des rois", dernier d'une dynastie achéménide vieille de deux siècles et renversée par la phalange d'Alexandre.
L'historiographie ne lui est guère favorable. Pierre Briant, spécialiste impartial de la Perse, relevait dans une revue récente qu"aucun document direct (ne provenait) du côté achéménide".
"Le règne et la personnalité du dernier Grand Roi ne peuvent donc être approchés qu'à travers un décodage nécessairement frustrant et mutilant des auteurs gréco-romains fascinés par la geste du conquérant macédonien".
Pour les Iraniens, à la susceptibilité nationale forte, il faut depuis des siècles lire que l'empire perse était déliquescent, que les populations étaient asservies, qu'Alexandre a été accueilli en libérateur à Babylone.
Il faut faire avec le récit des raclées infligées à Issos (333 av. J.-C.) et Gaugamèles (331) par un ennemi combattant à un contre dix. Il faut voir reproduite partout la fuite de Darius sur son char devant un Alexandre dans toute sa gloire, sur une mosaïque pourtant bien postérieure aux faits.
Alors le film d'Oliver Stone, "construit sur une vision partisane et biaisée de l'histoire ne fait qu'ajouter au malentendu et à la défiance envers l'Occident, vieux de plusieurs millénaires", dit Hassan Moussavi.
Sur le site internet de l'Organisation nationale du patrimoine, l'historien Kaveh Farrokh pointe les "graves erreurs" historiques du film. Mais surtout "le portrait des Iraniens de l'antiquité est parfaitement comique, sinon insultant".
Roxana, la femme iranienne d'Alexandre, "n'était pas plus noire qu'Alexandre n'était scandinave" bien qu'Oliver Stone ait essayé selon lui de faire du conquérant un archétype blond, nordique et occidental. Choisir une actrice de couleur pour interpréter Roxana, "c'est aussi sensé que de prendre une Asiatique pour jouer la Reine Victoria".
Au moment où les autorités iraniennes se scandalisent que le prestigieux institut National Geographic accepte qu'on désigne aussi comme "arabique" le Golfe persique, Kaveh Farrokh s'émeut de l'assimilation par Oliver Stone des Arabes et des Perses. "Il semble que, quand il s'agit des Iraniens et de leur identité, on réécrit facilement l'histoire pour divertir le spectateur".
Kaveh Farrokh attend "le jour où l'on verra sur grand écran Shapour 1er (241- 272) vaincre trois empereurs romains et anéantir un tiers de l'armée romaine".
"Les points de vue se sont inversés il y a environ 150 ans avec l'éveil des nationalismes, l'Europe et la Grèce se sont alors mises à réclamer Alexandre comme le champion de l'Occident contre l'Orient", explique l'archéologue Chahryar Adle.
Mais, "avec Alexandre, ce n'est pas l'Europe qui gagne, puisqu'il se transforme en prince iranien; il ne se conduit pas en président de la République, il meurt en empereur".
Alexandre en effet a repris à son compte les attributs et la titulature du Roi des rois, sacrifié aux Dieux indigènes. Avant 1848, observe Chahryar Adle, "Alexandre était tout sauf un enfant de salaud pour les Iraniens, il était chanté par les plus grands poètes et l'une des oeuvres fondatrices de la littérature lui était consacrée".
"Notre nation en a vaincu tellement d'autres", nuance l'auteur d'un documentaire sur le parcours d'Alexandre en Iran, Mohammad Moghaddam, "que nous ne devrions pas nous formaliser pour une ou deux défaites".
Dans les ruines vénérables de Persépolis, brûlée ou non par Alexandre, Hassan Mohammadi, un gardien, ignorait le récent événement cinématographique. "Mais c'est sûr que je regarderai s'il le passe sur le satellite".
AFP