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Villes fantômesModérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
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Villes fantômesBonjour à tous.
Je suis tombé sur de la documentation pédagogique assez ancienne (début années 80), en faisant des petites recherches personnelles sur Chartres/Autricum. Il y était fait allusion à la découverte à la fin du XIXè siècle de thermes remarquables au sud-est de Châteaudun, dans une petite commune appelée Verdes (28 ). Des photos aériennes prises en 1976-1977 ont en fait révelé l'existence d'un vaste vicus probablement composé de temples, d'un large forum, d'avenues... Mais ce vicus, comparable à une agglomération de bonne taille, n'a laissé aucune trace. Et aucune ville, village ou bourg n'a hérité de cet emplacement. J'ai aussitôt fait le lien avec des documents que j'avais consulté (et que j'ai perdu depuis ) à propos des fouilles préventives liées au chantier de la RN12 à Jouars-Pontchartrain (78 ) en 1994-1997. Le vicus de Diodurum, qu'on a longtemps pris pour une villa isolée sous l'emplacement d'une vieille ferme aujourd'hui en ruine, s'est révélé être une grande agglomération comparable par l'étendue à la Lutèce de l'époque impériale. Cette fois, par le nom de Jouars et par une inscription découverte sur place, le site a pu retrouver ce qui aurait pu être son ancien nom : Diodorum. Qu'est-ce qui peut expliquer l'abandon de complexes urbains si développés, si peuplés et si étendus ? Un recul démographique et une fuite devant d'éventuels barbares (ou d'éventuels bagaudes) expliqueraient-ils seulement cet abandon et cet oubli ? Ces sites que l'archéologie révèle si importants ne sont pas notifiés sur des documents anciens (je pense à la table de Peutinger). Ils sont pourtants situés sur des routes importantes dont des tronçons ont perduré jusqu'à nos jours. Je m'interroge sur ces "villes fantômes" oubliées qui dorment aujourd'hui sous l'orge et sous les blés. I. Dernière édition par ISENGAR le Mer 17 Mai, 2006 18:07, édité 1 fois.
Salut,
Je ne connais strictement rien de ce site dont j'ai connaissance grâce à ce fil. Mais, du point de vue toponymique, il me fait penser à Jublains, chef-lieu des Diablintes. En effet, il s'est avéré que le nom des Diablintes, par mutations et spirations, a abouti au nom : Jublains. Je pense qu'on va pouvoir développer ça ! Selon le même mode de pensée, je ne verrais donc pas une opposition, partant de Diodor-um pour arriver à Jouars. Dio > Djo > 'Jo Qu'en est-il des recherches sur place ? Peut-être n'est ce là qu'enfoncer une porte déjà ouverte ? I repeat : Je ne connais strictement rien de ce site dont j'ai connaissance grâce à ce fil. JC Even "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
C'était une porte ouverte !
Voir DAUZAT et ROSTAING : Jouars-Pontchartrain : Diodurum ... Les grands esprits se rencontrent ... JCE "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
Merci, ça confirme ce que je soupçonnais sur le glissement d -> j
Pour information, sur place (c'est à dire sur l'emplacement de l'agglomération mise à jour), il ne reste que les ruines d'une ferme appelée Ithe (selon l'IGN et le cadastre communal) ou Yte (selon les documents cadastraux des archives départementales des Yvelines) et le château de Pontchartrain (de l'autre côté de la route). Et puis depuis 1999, la bruyante déviation de la RN12, bien entendu... Le hameau de Jouars est décalé de près d'1 km vers l'est, sur une petite hauteur dominant la Mauldre et la croisée des anciennes voies de Paris à Dreux, de Chartres à Poissy et d'Orléans à Beauvais. Même chose pour le petit village de Pontchartrain, dont le nom évoque une "porte" à l'entrée de la cité des Carnutes, qui est légèrement décallé de 2 km vers le nord-est, sur les coteaux boisés de Neauphle le Château. Pendant que tu répondais, j'ai trouvé sur le web une carte extraite d'un atlas allemand de 1886, Allgemeiner historischer Handatlas du professeur D. Droyens (ici) J'ai été étonné de voir que Diodurum y figure au même titre que Pontoise (Briva Isarae), ou Dreux (Durocasses). Je ne m'attendais franchement pas à la trouver notifiée sur une carte si ancienne. Il y a donc une source écrite quelque-part qui évoque ce vicus... Un petit lien pour Jouars : http://www.mairie-jouarspontchartrain.fr/ Mais rien sur l'agglomération de Verdes cordialement I.
Bonjour Isengar
Pour tenter de répondre à ta première question sur le pourquoi des villes fantômes En toute logique on peut y voir un tarissement des ressources qui les ont vu naître. Comme actuellement, c'est le commerce et les échanges qui fait la richesse d'une ville. - Territoire minier épuisé. - Epuisement des sols par mauvaise gestion. - Epidémie par mauvaise gestion des eaux qui a rendu la ville "maudite". - Intérêts économiques qui disparaissent quand la gestion centrale des ressources les fait passer par un autre chemin plus économique ou politiquement plus fructueux. En ces temps, comme maintenant, c'est les transactions qui faisaient la richesse des "passeurs". Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Il y a une flopée d'exemples de rétrécissements considérables voir d'abandons complets de villes d'époque impériale dès la crise du III° siècle avec les premières bagaudes et invasions.
Il y a dès lors un net repli sur les principaux centres régionaux et un appauvrissement corrélatif de très nombreuses cités qui passent d'un statut de chef lieu de civitas à l'anonymat administratif. C'est ce qui explique que certains anciens grands centres ne soient plus aujourd'hui que de modestes bourgades voir des villages moins importants que la cité antique d'origine. Je pense par exemple à Vieux que certains d'entre nous connaissent grâce à Patrice, aujourd"hui très modeste village et pourtant ancienne capitale des Viducasses. Ce phénomène est étonnant car il est, semble t'il, d'une ampleur considérable; la revue l'Archéologue y avait consacré un numéro l'an dernier (les capitales oubliées), il faut que je le retrouve. A+, Thierry.
L'Eure et Loir n'est pas un peu éloignée des bagaudes ?
Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Muskull, où as tu vu que Vieux chez les Viducasses, se trouvait en Eure et Loir ? Un peu plus tu vas me mettre les Osismes en région parisienne. C'est quoi cette manie de vouloir déplacer les rivières ? Après le Couesnon, c'est L'Eure, et le Loir. Pourquoi pas le Mississipi sur l'île d'Ouessant tant qu'on y est Pierre Crombet
Fourberie en tout genre ... stock illimité (outrecuidance sur commande uniquement) Membre du Front de Libération des Dolmens et Menhirs....
Pas Vieux vieux, Verdes dans le 28, le 1° post d'Isengar.
Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Salut,
Diodurum est une forme évoluée de *Divodurum: le "gué divin". Dans le Calvados il y a un nom similaire avec Jors, qui est aussi un ancien vicus, maintenant simple village. Pas besoin donc d'aller cherché un ethnonyme ou d'invoquer les manes de Diodore. Les abondons d'agglomération sont communs au cours de l'histoire. Il y a pas mal de livres et d'actes de colloques sur les villages désertés au Moyen Age, par exemple, et l'un est en cours de fouilles par Claire Hanusse dans le Calvados. Les causes de l'abondon sont toujours multiples et la destruction pure et simple par invasion ou catastrophe est assez rare. A+ Patrice Pi d'avri vaut fout' d'berbis
Après la conquête, il a été assez fréquent que les Romains implantent des "villes nouvelles" pour concurrencer les établissements gaulois. Cela participait de leur politique d'acculturation des populations locales et plus généralement d'un plan d'aménagement du territoire conquis. Mais ces villes nouvelles - qui ne portaient pas forcément un nom latin - n'ont pas toujours réussi à durer, et parfois les villes gauloises qu'elles concurrençaient ont réussi à les écraser économiquement pour finir par les supplanter.
On trouvera un article de synthèse sur la question, et notamment sur la ville de Jublains (en Mayenne) dans : La Recherche n°369, nov. 2003, p.20
Il y a un dossier sur le sujet dans "l'Archéologue" n°66 de Juin-Juillet 2003
Capitales éphémères en Gaule Romaine Ce dossier n'évoque pas le cas de cette ville des Durocasses indiqué en début de fil mais comporte une carte extrêmement intéressante comportant 36 villes abandonnées. 3 en Bretagne, 5 en Normandie, 1 en Picardie, 9 en Belgique et sur la zone rhénane frontaliére, 2 en Suisse, 7 dans les Alpes, 3 dans le sillon rhodanien, 3 dans le massif central, 1 en Roussillon, 1 dans les Pyrénées, et 1, sur la côte Aquitaine..... Presque toutes sont situées en zones périphériques, éloignées ou difficilement accessibles...Les villes situées à proximité du Rhône font un peu exception. Il faut noter qu'avec la mort de certaines villes, on assiste à un rétrécissement de villes plus importantes. Dans le cas de Rotomagus le rétrécissement est stupéfiant alors que dans le même temps, la ville devient capitale de la Seconde Lyonnaise et que la concurrente Juliobona disparaît. Sur les Bagaudes, il ne faut évidemment pas voir dans le phénomène, l'origine ou l'explication du déclin urbain forcément plus complexe mais ces révoltes ou plutôt comportements violents qui marquent la fin du 3° siècle sont révélateurs de la dureté des temps et le phénomène mérite d'être étudié. On constate en même temps que de nombreuses villes se vident, qu'un phénomène de "bandes" armées assez général se développe dans les campagnes...
Pour information, il y a le même genre de glissement phonétique dans le nom de la ville de Gien (Loiret), provenant d'un probable *Divo-magus ("marché divin"), et non de Genabum, comme certains l'ont voulu jadis.
Salut,
Bien que je n'aime pas trop en parler, pour raison d'éthique archéologique, je rappelle l'existence d'un gros bouquin : - Didier AUDINOT : Dictionnaire des cités disparues, en France, des origines à la Révolution. 1997. Ca vaut ce que ça vaut. Ca existe. JCE "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
Bonjour, l'étude que je mentionnais plus haut est reprise du thème d'un colloque qui s'est déroulé à Tours en 2003, sous le titre "capitales éphémères". Elle concerne les sites suivants :
- Carhaix, Corseul, Jublains, Saint-Côme du Mont, Valognes, Fontaine les Bassets, Vieux, Lillebonne, Vermand, Cassel, Bavay, Voorburg, Nimègue, Tongres, Xanten, Naix, Brumath, Augst, Avenches, Martigny, Feurs, Saint Paullien, Alba, Javols, Luc en Diois, Chorges, Barcelonette, Thorame haute, Cimiez, Castellane, Venasque, Carpentras, Glandève, Briançonnet, Chateau-Roussillon, Saint Girons et Biganos-Lamothe. Visiblement les "disparitions" se situent à des degrés divers parce que Nimègue, ville assez importante des Pays Bas n'est pas franchement un petit village... Il faut donc relativiser mais il est frappant de constater que certains de ses sites, capitale de civitas à l'époque du haut empire ne sont dans certains cas que d'aimables petits bourgs aujourd'hui (Lillebonne), voir de très petits villages (Vieux). Le cas de Lillebonne que je connais un peu est tout de même assez saisissant, voilà une ville qui au 2° siècle possède le plus grand théâtre au Nord de la Loire, les structures d'une ville de 20000 habitants et qui aujourd'hui est un bourg moins important que la ville antique. Que s'est il donc passé ?.....L'article consulté évoque dans la plupart des cas un évanouissement progressif qui s'étale en réalité du III° au VII° siècle. Le moment clé semble se situer tout de même au départ de cette période. On sait que l'empire sombre entre 235 et 284 dans une période dite d'anarchie militaire où chaque chef d'armée peu ou prou s'autoproclame empereur et suscite par la même la réaction de ses rivaux. Il y a dans cette période, des sursauts, des réactions comme avec Aurélien, mais la longévité au pouvoir est en général inférieure à un an et un seul empereur mourra de mort naturelle au cours de cette époque. En Gaule, la fin de cette époque est marquée par l'avénement d'un "empire Gaulois", un épisode militaire particulier marqué par une constance et une longévité assez exceptionnelle dans ce cadre. C'est à la fin de cet empire que surviennent les premières Bagaudes (qui en fait seront plus générales au siècle suivant), un phénomène de bandes armées qui regroupent soldats démobilisés, paysans déclassés et qui ressemblent plus à du brigandage généralisé qu'à un phénomène de révolte politique. Il faut y ajouter des incursions barbares dont il ne faut toutefois pas éxagérer la portée.... Tout ceci peut expliquer un sentiment d'insécurité, une volonté de se fortifier, une thésaurisation assez manifeste par l'enfouissement de trésors, une crise économique liée à la difficulté des transports mais peut être pas l'écroulement dont ces villes (elles ne sont pas les seules) portent la trace....surtout que la situation ne s'améliore pas avec la réorganisation dioclétienne par la suite puisqu'on assiste au contraire avec les fortifications à un rétrécissement des villes. Il reste une large part d'inexpliqué dans toute cette histoire (épidémies, villes nouvelles trop ambitieuses et conçues de façon irréaliste, retour vers un habitat dispersé - rejet du modèle urbain et romain....) A étudier, c'est franchement une étape passionnante.
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