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Les Francs à Plouguerneau, en 383 ?Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice bonjour,
Même au Moyen Âge central, la fusion culturelle entre les Francs et les autres populations de l'ancienne Gaule est loin d'être réalisée. Pour un habitant de l'Auvergne (les termes in pago Arvernense, in Arvernico territorio, sont toujours employés autour de l'an mil), les Francs, ce sont ces barbares germains du nord de la Loire, et, de même, pour un Franc, les Romains, ce sont ces traîtres d'Aquitains, alliés des Arabes. A vérifier, mais il me semble que le terme Gaulois était aussi employé pour désigner les Aquitains. Les Bretons sont plus grands et mieux proportionnés que les Celtes. Ils ont les cheveux moins blonds, mais le corps beaucoup plus spongieux.
Hippocrate
Je suis tout à fait en accord avec ce que dit Thierry. Je pense que la différence, bien qu'allant en s'affaiblissant, demeura nette entre populations d'origine gallo-romaine et nouveaux venus germaniques durant un certain nombre de générations. Les premiers continuèrent de revendiquer un héritage romain (plutôt que gallo-romain), alors que les seconds ne cherchèrent jamais à dissimuler leurs origines étrangères et germaniques. La séparation était claire, en témoignent les différents textes de lois de l'époque (loi gombette, bréviaire d'Alaric, loi romaine des Burgondes, loi salique) qui font clairement la distinction entre "citoyens" de droit romain et "citoyens" de droit barbare. Pour autant, cela ne témoigne pas d'une opposition et d'exclusions mutuelles de la part des deux entités ethniques. Les nobles familles franques, sans se renier, se romanisèrent très rapidement. L'adoption de la foi chrétienne joua probablement un rôle important, le latin fut rapidement adopté et les rois francs s'échinèrent à paraître comme les dignes et justes successeurs des empereurs romains tout en faisant le nécessaire pour tenter de mettre ce qui restait de l'appareil étatique romain (fisc) à leur profit. Quant aux familles gallo-romaines d'importance, elles s'adaptèrent parfaitement aux nouveaux venus et nombre de ses membres continuèrent à occuper des postes importants dans l'administration franque. Il y eut également des mariages mixtes et certains traits culturels barbares furent repris par les autochtones. Je pense en particulier à l'anthroponymie qui devint, en quelques générations seulement, très majoritairement d’origine germanique en Gaule. Au final, je crois à une acceptation et à des influences mutuelles des deux communautés assez rapides, mais pas à un syncrétisme culturel total. Celui-ci a probablement été beaucoup plus long à se dessiner. Cela justifie un maintien dans le temps de la distinction "Gallo-romains/Romains" – "Francs" qui a d’abord dû disparaître hors des frontières, où en premier la conscience d’une différence claire et marquée entre populations de Gaule s’est évanoui ou a été ignorée. Pour rejoindre ce que dit Taliesin, le sud de la Gaule ayant connu peu d’influences germaniques, c’est là que le terme "romain", par opposition à "franc", a dû se maintenir le plus longtemps.
Salut à tous,
Euriel, le sud de la Gaule a été très marqué par les Wisigoths même si ce n'est pas forcément flagrant dans l'historiographie française. L'influence des Wisigoths, principaux concurrents germaniques des Francs, a été en partie effacée à la fois par les Francs et par l'église catholique qui ne supportait pas ces hérétiques ariens. Et sans qu'il faille y voir un lien direct, les hérésies cathares, vaudoises et protestantes se sont développées de manière intense dans toute la partie sud de l'ancienne Gaule. Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Bonjour,
Pierre a réagit :
Sedullos a objecté :
C'est à moi de dire "oups" : je faisais référence aux seules populations gallo-romaines d'origines médiomatrice et leuque, et non de tous les Gaulois ou de tous les Celtes bien sûr (le prince de Hochsdorf et la princesse de Vix sont dolicocéphales à ce qu'il me semble) ; ce trait physique en plus d'une taille plus petite a permis l'identification des défunts (à Ennery (57), Trémont (55), etc,) par les archéologues : ces populations étant très certainement de souche pré-celtique... Merci de ne pas m'en avoir tenu rigueur avec des et d'autres machins animés car ça me donne des sueurs froides. Bon... c'est déjà l'heure de ma correspondance pour nulle part dans la taïga, c'est quel quai déjà ? Bonne continuation. @+
Je suis absolument d'accord avec toi. L'influence wisigothique dans le sud de la Gaule n'est pas à négliger, elle fut réelle. On se doit néanmoins de ne pas non plus la surestimer, notamment en comparaison de l’influence germanique dans le nord de la Gaule. Hormis Septimanie, la présence wisigothique dans la partie sud de la France n'excède pas 100 ans. Très rapidement ils conquirent une partie de l'Espagne, ce qui poussa probablement nombre d'entre eux à s'établir dès le début de l'autre côté des Pyrénées. Qui plus est, comme tu le soulignes, ils étaient ariens. Cela engendra nécessairement des tensions avec la population gallo-romaine (voire règne d'Euric) et la présence de deux types de clergé, forcément rivaux, dut être en permanence un facteur de tension. Les mariages apparaissaient comme impossibles entre représentants des deux communautés et je crois d'ailleurs que le codex euricianus les interdit. J'ajouterais que la partie sud de la France était probablement peu germanisée avant l'arrivée des Wisigoths, ce qui n'était pas le cas d'une partie nord de la France sans cesse soumis depuis plusieurs siècles à des incursions dévastatrices en provenance de la rive droite du Rhin, d’où des campagnes probablement peu populeuses par endroit avec des domaines abandonnés et l’installation de colons ou de lètes germaniques ayant pour mission de repeupler les zones désertifiées.
Le cas de figure est légèrement différent, mais les populations plus ou moins romanisées de Bretagne insulaire se désignent sous le nom collectif de Brittoni et autres variantes (voir écrits de Patrick et Gildas), malgré les nombreuses dissensions entre civitates puis royaumes autochtones et une identité "tribale" marquée, dont on a trace par la riche épigraphie et la littérature vernaculaire, certes plus tardive. http://letavia.canalblog.com
Letavia - Troupe de reconstitution des Bretons armoricains aux alentours de l'an 500. Benjamin Franckaert (Agraes/Morcant)
Bonjour Jacques, Le Livre des faits d'Arthur est une oeuvre versifiée, dont subsistent quelques rares vestiges : ce poème a été écrit sous le règne du duc Arthur II (1305-1312), à qui il est dédié. La question posée est de savoir si le poème en question est simplement la mise en vers d'un ouvrage plus ancien que L. Fleuriot, suite aux premiers travaux de son élève de l'époque, Gw. Le Duc, datait du Xe siècle, ou bien s'il s'agit d'une oeuvre originale, au demeurant largement inspirée de l'Historia regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth. Je tiens pour la seconde opinion, dont je me suis efforcé de démontrer le bien-fondé dans un article récent intitulé "La cour ducale de Bretagne et la légende arthurienne au bas Moyen Âge : Prolégomènes à une édition critique des fragments du Livre des faits d'Arthur", dans A travers les îles celtiques. Mélanges à la mémoire de Gwenaël Le Duc (= Britannia monastica n° 12), p. 79-119. Bien cordialement, André-Yves Bourgès Dernière édition par André-Yves Bourgès le Sam 15 Nov, 2008 13:56, édité 1 fois.
Bonjour Jacques, Depuis la publication de l'ouvrage de L. Fleuriot, en 1980, la datation de la vita de saint Goëznou, composée par un prêtre du nom de Guillaume, a fait l'objet de nombreux travaux et d'une longue controverse (amicale !) où j'ai eu l'honneur de jouer un rôle modeste, résumé ainsi par le regretté H. Guillotel dans son article sur "Le poids historiographique d’Arthur de la Borderie", Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne, t. 80 (2002), p. 359 : " ...il nous semble que [en 1995] André-Yves Bourgès a fait faire de gros progrès à la question en reconnaissant dans le prêtre Guillaume, Guillaume le Breton, chroniqueur, chapelain de Philippe Auguste, chanoine de Saint-Pol-de-Léon et de Senlis, auteur de la Philippide". De nombreux chercheurs et historiens, au premier desquels B. Tanguy, J.-C. Cassard ou B. Merdrignac ont adopté dans leurs travaux les plus récents la datation tardive proposée par H. Guillotel (fin XIIe siècle) et l'identification de l'hagiographe de saint Goëznou avec Guillaume le Breton. Au demeurant, comme il a été dit à de multiples reprises sur ce forum, ce type de documentation est surtout utile au plan historique pour la période de leur composition... Bien cordialement, André-Yves Bourgès
Bonjour André-Yves, Précision oh combien importante ! Et qui peut être appliquée à nombre d'écrits tardifs concernant la civilisation celtique comme le "corpus" des textes irlandais par exemple. Il serait intéressant, sur un autre fil, de dégager l'irruption de l'histoire, mythique ou pas, dans les différents documents littéraires qui nous sont parvenus. La collecte de "traditions" orales contemporaines de l'auteur, l'accès possible à des textes anciens en grec ou latin ou plus récents comme ceux de Monmouth par exemple. Il ne faut pas oublier que les historiens de l'antiquité travaillaient eux aussi beaucoup par ouïe-dire. Certains faits étaient constatés de visu mais beaucoup plus relatés par témoins de première ou seconde main, voire des "on dit..." Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
J'avais pensé que le forum historiographie pourrait permettre l'ouverture de plusieurs fils de discussion sur ces questions qui sont effectivement très importantes. Dans le domaine hagiographique breton par exemple (sur lequel j'attire souvent l'attention, parce qu'il s'agit d'un matériau très riche, mais très complexe), il est patent que les hypocritiques du XIXe siècle (La Borderie ou même encore J. Loth) tout comme les hypercritiques du début du XXe siècle (F. Lot, ou R. Latouche) se sont les uns et les autres fourvoyés, parce qu'ils considéraient les éléments de ce corpus documentaire avant tout comme des ouvrages historiques (dans le cas des uns) ou pseudo-historiques (dans le cas des autres) sur les origines bretonnes, sur les conditions de l'installation des Bretons insulaires en Bretagne armoricaine, etc. ; mais en revanche, ces différents historiens ne voyaient que rarement - mais on ne peut guère leur reprocher, car leur outillage méthodologique était moins développé que celui dont nous disposons aujourd'hui - le profit qu'ils pouvaient tirer à examiner cette documentation sous d'autres angles, notamment celui de l'histoire littéraire et, comme tu le dis cher Muskull, de "l'irruption du mythe" dans un discours de nature historico-apologétique -où l'on peut sans doute repérer comme sous un palimpseste, des vestiges plus anciens - ou au contraire de l'historicisation d'un discours légendaire (mille excuses pour ce jargon). C'est un des axes du travail remarquable effectué récemment par mon ami Jo Rio dans sa thèse sur les Mythes fondateurs de la Bretagne, dont il a été question ici ou là . J'ajoute que ces quelques remarques ne prétendent pas résumer la démarche hagio-historiographique dans son ensemble et dans ses différentes composantes. Bien cordialement, André-Yves Bourgès
--------- Salut Sedullos, Il faut relire Strabon : IV.3.3 : " Ces deux fleuves (le Rhin, et la Seine) coulent du sud au nord. En face de leurs embouchures se déploie la Bretagne, qui est assez rapprochée de celle du Rhin pour qu'on puisse apercevoir le Cantium, extrémité orientale de cette île, mais un peu plus distante de celle de la Seine. Le dieu César avait installé dans cette dernière son chantier naval quand il passa en Bretagne." IV.5.1 : " ... quand on part de la région du Rhin (pour se rendre en Ile de Bretagne), on ne s'embarque pas aux bouches même du fleuve, mais chez les Morins, qui sont voisins des Ménapiens, à Itium, la station dont César fit sa base navale quand il se prépara à passer sur l'île. Levant l'ancre de nuit, il toucha la côte opposée le lendemain à la quatrième heure après une traversée de 320 stades." --------- Autrement dit, si on débarque du côté de Boulogne, on se dirige forcément vers l'est pour aller sur Maastrich et/ou Trèves. JCE "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
Bonsoir, André-Yves, Absent depuis vendredi, je reviens ce soir sur le forum. Je prends bonne note de ces nouvelles données ; pour ma part, je m'étais contenté de citer L. Fleuriot, tel qu'il s'exprimait en donnant ses sources.
Salut, JCE, Si c'est Rennes la direction première, c'est bien, l'ouest ! Bon, je dois reconnaître que Maxime, Conan et leurs voyages commencent à me donner la migraine Jean-Paul Brethenoux. Sedullos Lemouico immi exobnos in catue ! ΣΕΔΟΥΛΛΟΣ (Graecum est, non legitur !)
"Honorer les dieux, ne pas faire le mal, s'exercer à la bravoure."
Bonsoir Jacques, Pas de problème : ces informations sont destinées à nourrir la bibliographie de la question, bibliographie qui s'est beaucoup enrichie, notamment en ce qui concerne les études hagiologiques bretonnes, depuis les vingt dernières années, grâce en particulier aux travaux des chercheurs du CIRDoMoC. Bien cordialement, André-Yves Bourgès http://www.hagio-historiographie-medievale.fr
----------- Précisément, ça n'est pas Rennes qui est la cible, mais Paris. Donc Rennes est hors jeu dans cette affaire. Elle ne sert que de miroir aux alouettes, dans lequel tombent quasiment tous ceux qui tentent de lui donner une explication dans le texte de Geffroy. Une trajectoire St Valery sur Somme > Rennes > Paris, n'a encore jamais été proposée, à ce que je sache. Et pour cause ! Pour ne pas avoir la migraine, il suffit de faire table rase de toute la littérature fantastique et romantique qui a été faite sur ce sujet. Il faut prendre les choses dans le sens de l'Histoire, en partant de l'Antiquité vers le Moyen-Age, et non dans le sens inverse, du Moyen-Age vers l'Antiquité, car, dans le deuxième cas, on n'est pas dans l'Histoire, mais dans autre chose. Pour l'interprétation de 'Rennes', je renvoie donc à mon étude sur le Vieux-Rouen sur Bresle, et le Château Hubault qui s'y trouve, sur la route du poisson de la mer à Paris, c'est à dire sur le chemin le plus court pour atteindre Paris en venant de la mer. Pas besoin de faire l'Ecole militaire pour comprendre çà . Je ne doute pas qu'il y aura une suite. à plus. JCE "Apprends tout et tu verras que rien n'est superflu".
Hugues de Saint-Victor.
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