Sur six inscriptions votives provenant de Hongrie et de Slovénie
Aecorna (var. Aecur(n)a, Aequorna) Divinité locale attestée dans la région d'Emona, aux limites du territoire des Savarienses. Son culte apparaît pleinement intégré aux pratiques religieuses romaines. Les inscriptions comportent les formules votives classiques (VSLM) et parfois l'épithète Augusta, signe d'une assimilation au cadre idéologique impérial. Aucun élément ne permet de préciser ses fonctions, probablement topiques. Toutes les attestations du culte d'Aecorna sont localisées soit dans le bassin d'Emona, soit à Savaria par l'intermédiaire d'émigrés d'Emona, ce qui confirme l'origine strictement locale de cette divinité. Certaines inscriptions adoptent la structure dédicant + théonyme + formule votive ; toutefois, le nom de la divinité reste immédiatement identifiable.
Tous les dédicants portent un nom latin : l'un exerce une fonction municipale ; trois sont des citoyens romains attestant la tria nomina (toutefois deux sont affranchis) ; un militaire, dont l'inscription semble davantage orientée vers l'autocélébration que vers l'hommage à la déesse ; une communauté locale située aux confins des Emonienses. Le dernier, Auctus, porte un nom que X. Delamarre rapproche d'un celtique *ougtu- "hiver". Ce nom, toutefois très répandu dans le monde romain (y compris hors de tout contexte celtique), doit être compris ici comme un anthroponyme latin courant, sans valeur probante pour une origine indigène, bien que sa simplicité puisse évoquer un ancien statut pérégrin.
Deux affranchis, Publius Petronius et Caius Fabius Corbo, agissant en qualité de magistri vici, ont supervisé, de sententia vici (sur décicion du vicus), la construction d'un aedem Aequornae, c'est-à-dire un temple ou sanctuaire dédié à Aecorna. Leur initiative témoigne d'un engagement communautaire et d'une certaine responsabilité cultuelle locale, assurée par des affranchis intégrés dans les structures civiques. Cela suggère que le culte d'Aecorna disposait d'un lieu de culte institutionnel, dont la mise en place ou l'entretien relevait du vicus, et était confiée à des personnes de statut social modeste mais en ascension, reflétant la romanité participative des milieux locaux.
Selon M. Šašel Kos (1998), trois petites inscriptions votives dédiées à Aecorna ont été découvertes sur Castle Hill (colline du château) à Emona (en 1820), ce qui laisse penser qu'un petit sanctuaire pouvait se trouver à cet endroit, dominant les marais. Elle situe le culte d'Aecorna comme local au bassin d'Emona, à Nauportus et Emona - ce sont les zones principales d'attestation. .Elle envisage pour Aecorna / Aequorna une possible origine non-latine : elle suggère qu'il s'agirait d'un nom pré-romain, issu d'un stratum linguistique nord-adratique, et évoque la possibilité - sans certitude - d'un lien avec des racines "étrusques ou vénètes".
X. Delamarre (2023) a proposé une étymologie *exs-corna "sanscorne", interprétation peu convaincante. Une divinité "écornée" - c'est-à-dire dépourvue de cornes - n'offre ni valeur symbolique ni cohérence théologique évidente, sauf à imaginer un jeu de mots tardif, sans portée cultuelle solide.
"Publius Petronius, affranchi de Publius, et Caius Fabius Corbo, affranchi de Caius, magistrats du vicus, ont pris en charge la construction du temple d'Aecorna, selon la décision du vicus.
Ljubljana (CIL 03, 3832) AVCTVS AECORNAE V(OTVM) S(OLVIT) L(IBENS)
"Auctus a acquitté son voeu envers Aecorna, de bon gré."
"Caius Claudius Priamus, envers Aecorna, s'est acquitté de son voeu, de bon gré, comme il se doit."
Ljubljana (AE 1980, 496) AECORNAE AVG(VSTAE) P(VBLIVS) CASSIVS SECVNDVS PRAEF(ECTVS) ALAE BRIT(ANNICAE) MIL[L]IARIAE C(IVIVM) R(OMANORVM) BIS TORQVATAE DONIS DONATVS BIS BELLO DACICO AB IMP(ERATORE) CAESARE NERVA TRAIANO AVG(VSTO) GER(MANICO) DACICO CORONIS VEXILLIS HASTIS
"À Aecorna Augusta, Publius Cassius Secundus, préfet de l'aile brittonne milliaria de citoyens romains, deux fois décorée, récompensé à deux reprises lors de la guerre dacique par l'empereur César Nerva Trajan Auguste, victorieux en Germanie et en Dacie, par des torques, des couronnes, des enseignes et des lances [...]"
Ljubljana (CIL 03, 3831) C(AIVS) AEMILIVS FELIX AECVR(NAE) V(OTVM) S(OLVIT) L(IBENS) M(ERITO)
"Caius Aemilius Felix , envers Aecorna, s'est acquitté de son voeu, de bon gré, comme il se doit."