• Vie de saint Samson, I, 26-27, Traduction de : Pierre Flobert, 1997, Paris, CNRS Editions
Texte:
Alors donc, ayant reçu la bénédiction, ils attelèrent un cheval à une voiture et prirent la route vers le lointain. Tandis qu'ils traversaient en priant une immense forêt, il arriva qu'ils entendirent une voix sinistre qui, émanant d'une créature absolument horrible, sur leur droite, près d'eux, faisait un bruit terrifiant. Entendant cette voix, le diacre susdit, pris d'épouvante et blêmissant immédiatement, lâcha vivement le cheval qu'il tenait à la main et jeta le manteau qui le couvrait, pour se lancer dans une course précipitée, tandis que saint Samson criait dans son dos et disait: " Aie confiance, mon frère, je t'en prie; aie confiance, n'aie pas peur et n'oublie pas la doctrine de l'Évangile dans laquelle tu as été nourri depuis ta jeunesse. " Mais l'autre ne l'écoutait pas et continuait à fuir: saint Samson, les yeux pleins de larmes, le vit bientôt à bonne distance; puis, tenant solidement ses armes spirituelles ordinaires et le bouclier de la foi, se retranchant sans cesse derrière le saint signe de la croix, il aperçut une sorcière hirsute aux cheveux blancs, déjà vieille, vêtue d'une cape et tenant dans sa main un épieu à trois pointes qui survolait les vastes forêts d'une course rapide et pourchassait le fuyard en ligne droite.
Mais saint Samson, ferme dans sa foi, resta sans trembler, comme s'il voyait un chevreau, puis, d'une course rapide, tenant le cheval à la main et posant le manteau du fuyard sur le cheval, il suivit résolument le fuyard et sa poursuivante. S'avançant à une faible distance, il trouva le moine fugitif à demi mort et, jetant sur lui un simple coup d'oeil, il aperçut au loin la vieille sorcière qui courait; la voyant qui descendait déjà dans la vallée il cria après elle, en disant: " Pourquoi fuis-tu, femme ? vois, je suis un homme, comme mon semblable que tu as abattu, si j'ai été mis en ton pouvoir, me voici, je suis là; ne t'enfuis donc pas et attends que je vienne jusqu'à toi. " Mais comme elle, sans écouter ces mots, s'efforçait toujours de fuir, saint Samson cria derrière elle, en disant: " Je te commande au nom de Jésus-Christ de ne pas bouger d'un pas de l'endroit où tu te tiens en ce moment, jusqu'à ce que j'arrive et que je t'adresse la parole. "
Comme elle restait donc sur place et, tremblante, laissait tomber son épieu sur le sol, saint Samson arriva et l'apostropha avec colère, disant: " Qui es-tu, mauvaise créature et de quelle espèce es-tu ? " Et elle, avec un violent tremblement, dit: " Je suis une sorcière [Theomacha, dans le texte] et effectivement jusqu'à présent mes congénères ont trahi votre foi, mais aujourd'hui il n'est resté personne de ma race dans cette forêt à part moi seule. J'ai en effet huit soeurs et ma mère vit encore; elles ne sont pas ici, mais vivent dans une forêt plus lointaine; pour moi, j'ai été donnée à mon mari dans ce pays désert, mais mon mari est mort et pour cette raison je ne peux pas quitter cette forêt. " Alors le saint dit: " Est-ce que tu es capable de remettre en vie le moine que tu as frappé ou du moins de te préoccuper du salut de ton âme ? " Mais celle-ci dit en réponse: " Je ne veux ni ne peux m'améliorer, en effet je ne suis capable de rien faire de bien; depuis mon enfance jusqu'à présent j'ai toujours été exercée au mal. " Alors saint Samson prononça les paroles adéquates: " Je supplie Dieu tout-puissant que tu cesses de nuire et, comme il n'y a pas de remède, que tu meures à l'instant. " Une fois la prière achevée, cette femme malfaisante, faisant un saut brusque sur le côté gauche, s'écroula sur le sol et mourut.