Après lui, les Bretons eurent pour gouverneur Suetonius Paullinus, que ses talents militaires et la voix publique, qui ne laisse jamais le mérite sans rival, donnaient pour émule à Corbulon. [...] L'île de Mona [Anglesey], déjà forte par sa population, était encore le repaire de transfuges: il se dispose à l'attaquer, et construit des navires dont la carène fût assez plate pour aborder sur une plage basse et sans rives certaines. Ils servirent à passer les fantassins; la cavalerie suivit à gué ou à la nage, selon la profondeur des eaux.
L'ennemi bordait le rivage: à travers ses bataillons épais et hérissés de fer, couraient, semblables aux Furies, des femmes échevelées, en vêtements lugubres, agitant des torches ardentes; et des druides, rangés à l'entour, levaient les mains vers le ciel avec d'horribles prières. Une vue si nouvelle étonna les courages, au point que les soldats, comme si leurs membres eussent été glacés, s'offraient immobiles aux coups de l'ennemi. Rassurés enfin par les exhortations du général, et s'excitant eux-mêmes à ne pas trembler devant un troupeau fanatique de femmes et d'insensés, ils marchent en avant, terrassent ce qu'ils rencontrent et enveloppent les barbares de leurs propres flammes. On laissa garnison chez les vaincus, et l'on coupa les bois consacrés à leurs atroces superstitions; car ils prenaient pour un culte pieux d'arroser les autels du sang des prisonniers et de consulter les dieux dans des entrailles humaines.