Decem Pagi - Localité mentionnée sous les formes Decem pagos par Ammien Marcellin (Histoire de Rome, XVI, 2), Decem pagis dans l'Itinéraire d'Antonin (240, 2) et ad Decempagos dans la Table de Peutinger. Il s'agît d'un toponyme latin signifiant "les dix cantons". Après avoir été longtemps localisé au niveau de l'actuel Dieuze (Moselle), depuis le milieu du XIXe s., il y a un large consensus pour localiser Decem Pagi au niveau de l'actuel Tarquimpol (Moselle).
Decem Pagi s'est développé à partir du Ier s. ap. J.-C. le long de la voie allant de Divodurum (Metz) à Argentoratum (Strasbourg). Au Haut-empire, cette localité semble avoir abrité un important sanctuaire rural, doté de thermes, d'un théâtre de style "gallo-romain" aux dimensions exceptionnelles et d'autres constructions monumentales, dont très possiblement un temple (Berton et al., 1997) et un grand portique à colonnes long de 200 mètres (Henning & McCormick, 2018). L'activité économique qui s'y tenait n'est pas clairement définie, mais tout porte à penser qu'elle s'articulait autour des fonctions routières et commerciales. Au cours de son apogée, la superficie de la zone à plus forte densité de vestiges est comprise entre 40 et 60 ha, mais l'ensemble du site, en incluant les zones d'occupation plus discontinues, approche quant à lui des 120 ha (Berton et al., 1997). Cette agglomération n'a cessé de se développer, jusqu'au troisième quart du IIIe s. ap. J.-C. (Lutz, 1982).
À l'instar du tout le nord-est de la Gaule, la région de Decem Pagi fut soumis aux raids répétés des Alamans. À la faveur des sondages effectués entre 1891 et 1895 par K. Wichmann, une enceinte tardo-antique tardo-antique a été identifiée. D'un périmètre de 1100 mètres, elle était précédée d'un fossé et protégeait une aire de 8 ha. Celle-ci fut construite à partir des pierres issues du démantèlement des grands monuments publics de la ville. Le castrum de Tarquimpol fit donc partie du système de fortifications développées entre le troisième quart du IIIe s. et le début du IVe s. ap. J.-C., le long de la route de Divodurum (Metz) à Argentoratum (Strasbourg) (Lutz, 1982 ; Berton et al., 1997). C'est dans le cadre de ces menaces permanentes qu'eut lieu une bataille opposant les Romains aux Alamans, près de Decem Pagi, en Juillet 356 ap. J.-C. (Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XVI, 2).
L'agglomération de Decem Pagi ne fut visiblement pas affectée par ces événements, et son occupation se prolongea jusqu'à l'extrême fin du IVe s-début du Ve s. (Berton et al., 1997), voire jusqu'au milieu du Ve s. (Henning, 2011 ; Henning & McCormick, 2018). L'abandon de cette localité semble devoir être corrélé avec le déclin du système routier gallo-romain. Suivant la tradition relayée par Paul Diacre, ce castrum fut pris par les Huns d'Attila en 451 (Livre des évêques de Metz).
Sources littéraires anciennes
Ammien Marcellin, Histoire de Rome, XVI, 2 :"Il y fut rejoint par le reste de l'armée sous le commandement de Marcel, successeur d'Ursicin, et par Ursicin lui-même, qui avait ordre de rester dans les Gaules jusqu'à la fin de la campagne. On délibéra longtemps sur le plan qu'on devait suivre. Enfin il fut arrêté qu'on attaquerait les Alamans dans la direction de Decem Pagos, et l'armée s'ébranlait joyeuse de ses bataillons grossis. Tout à coup les barbares, dont les mouvements étaient favorisés par un brouillard impénétrable, profitant de la connaissance qu'ils avaient du terrain, se portèrent par un circuit sur les derrières de César, et auraient écrasé deux légions qui formaient l'arrière-garde, si les cris de détresse n'eussent attiré le corps auxiliaire à leur secours."
Sources
• R. Berton et al., (1997) - "Tarquimpol. Un grand sanctuaire en pays médiomatrique", in : J.-L. Massy (dir.), Les agglomérations secondaires de la Lorraine romaine, Presses Universitaires de Franche-Comté, Paris, pp.313-330
• J. Henning, (2011) - "Tarquimpol, la Gaule et l'agriculture du premier millénaire après J.-C. : Questions d'archéologie, adressée à la paléobotanique", in : J. Wiethold & C. Schaal (dir.), Agriculture et fruticulture de l'époque gallo-romaine jusqu'au début de l'époque moderne, Rencontres d'Archéobotanique 2011, Site gallo-romain de Grand (Vosges), 23-26 Juin 2011; Pré-actes, INRAP, Metz, pp.31-35.
• J. Henning & M. McCormick, (2018) - "A New Late Antique Fortified Settlement in Northeastern Gaul : Decem Pagi - Tarquimpol (Moselle). First Synthesis of Archaeological Investigations, 2007-2012", Journal of Late Antiquity, vol.11, n°1, pp.129-165
• M. Lutz, (1982) - "Les fondements de l'importance de Decempagi", Mémoires de l'Académie nationale de Metz, n°163, pp.141-153
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique