La mise en place d'une structure administrative romaine en Gaule après Alésia a détruit la société traditionnelle celtique sans laquelle le druide n'a plus de place. Il ne peut exister en Gaule romaine de couple équilibré du druide et du roi tel qu'il nous est familier en Irlande. La société romaine assure, elle, la primauté du temporel (le rex ou les consuls) sur le spirituel (les flamines). Il semble d'ailleurs que la Gaule ait été très influencée par la société romaine, largement avant la conquête de César (disparition progressive de la royauté, montée des ambitions nobiliaires). Or, le druide et le roi sont solidaires indissociables. La classe sacerdotale druidique n'a donc pu survivre à l'invasion romaine. Elle a dû se poser la question de la sauvegarde de sa tradition. Certains druides ont pu se réfugier dans les zones les plus désertes de la Gaule, et devenir, après quelques générations, des sortes de sorciers locaux dont le savoir a peu à peu dégénéré en recettes et en sorcellerie. D'autres ont certainement rejoint le monde celtique encore indépendant, celui des îles britanniques.
La première étape de la disparition a donc dû être l'établissement de l'administration romaine. La seconde, elle, est marquée par les édits des empereurs Claude et Tibère, au 1er siècle, interdisant les druides. Ces textes ajoutaient l'illégalité à la clandestinité.
Enfin, la troisième et dernière étape est l'avènement du christianisme, au tournant du IV° siècle. C'est probablement à partir de la fin du VI° siècle que les derniers pagani rescapés des multiples campagnes missionnaires ont progressivement renoncé à la lutte et que les rares survivances se sont figées dans ce qui devait devenir le "folklore".
Quoi qu'il en soit, les siècles de paganisme officiel romain avaient déjà grandement affaibli la tradition celtique, et quand le christianisme triomphera, le Diable aura pour nom Mercure, Jupiter, Apollon, Diane ou Vénus, mais jamais Taranis, Lugus, Sucellus ou Brigantia. Même si Gargantua est d'origine gauloise, le "conte" a changé de langué et a cessé d'être religieux. Il y a dans le folklore de presque toutes les régions francophones des réminiscences qui remontent au fonds populaire celtique, déformé, affaibli par une longue histoire et un changement radical de langue et de mentalité.
En résumé la transmission éventuelle du "druidisme" se serait heurtée à trois barrages dont chacun était, à lui seul, un obstacle infranchissable et définitif : • la conquête de la Gaule par César qui, au 1er siècle avant notre ère, détruit la structure politique celtique et annihile, soit par l'élimination physique, soit par conversion à la romanité, toute l'aristocratie des equites ("chevaliers") ; • la christianisation qui, à partir de la fin du IV° siècle, rend définitive la romanisation par la généralisation de l'emploi du latin ; • les grandes invasions qui, en dernier lieu, achèvent de détruire ce que la romanisation et la christianisation avaient laissé subsister.