Ceci est probablement la partie la plus difficile de la série car, en fait, presque rien du droit celtique antique n'est parvenu jusqu'à nous.
Les sources
Les sources du droit celtique antique se limitent à peu près à quelques courtes notices dans César, une poignée d'inscriptions celtibères et gauloises, et quelques traces dans les noms et les titres qui nous sont parvenus soit par les données archéologiques (comme les inscriptions de poteries), soit par les historiens.
L'une des plus directes traces de droit celtique ancien, à part la fameuse note de César sur les druides dans leurs fonctions de juges ("En effet c'est à eux qu'il revient de trancher les contestations entre les États et les particuliers et si quelque crime est commis, s'il y a eu meurtre, s'il y a un différend pour une question d'héritage ou de bornage, ils jugent l'affaire, ils déterminent les indemnités et les amendes. Tout particulier, tout peuple qui ne s'est pas soumis à leur décision, est exclu des sacrifices. C'est, chez les Gaulois, le châtiment le plus grave. Ceux qui sont ainsi exclus sont mis au nombre des impies et des criminels: tout le monde s'éloigne d'eux, fuit leur abord et leur entretien, de peur d'être souillé par leur contact". De Bello Gallico, VI, 13), est un autre passage de la description de la Gaule : "Les maris mettent en communauté, avec la somme d'argent qu'ils reçoivent en dot de leur femme, une part de leurs biens égale, estimation faite, à cette dot. On fait de ce capital un compte joint et l'on en réserve les intérêts; celui des deux époux qui survit à l'autre reçoit la part des deux avec les intérêts accumulés." (César, De Bello Gallico, VI, 19) et la première inscription Botorrita, une inscription celtibère relativement longue qui traite des possessions d'un temple, et traduite par Meid (Archaeolingua Series Minor 5) : " Concerning the 'hilly' region of Tocoit- and Sarnicios it has been thus decreed as non-permitted: Neither is it permitted to put (things) upon, nor is it permitted to perform work, nor is it permitted to cause damage by destruction.And whoever wishes to perform such things should take ... cut up (coined?) silver, that is 100 units, to deposit at (the temple of) Tocoit-. And whosoever wishes to construct a cow-shed, a corral (ß), a walled enclosure or a shelter should buid ('cut out') a way (of access). If he cuts out (earth) for the purpose of construction, he shall remove these (materials) within three days (?) out of the enclosure; into the territory of Neitos he shall transport them. For whom they sow arable land, to him - when they cut the crops, when the custaicos brings in the crops, whatever (howmuchever) he should cut outside or inside (the enclosure) - of these he shall give the amounts constituting the tithe.In this inner area neither ancios nor esancios (neither enclosed nor open land) outside of (or apart from) the land adjacent to Sarnicios shall be harvested by the people of Acaina. Who wishes to utilize pasture land or arable land at Tocoit-, shall give the dekameta (the tithe). This, at the cult feast of Tocoit- and Sarnicios, we proclaim, truly and holily, (namely I), Ablu Ubocum, the regens of the council (and the following persons), (list of names).". [Je n'ai pas traduit de l'anglais ce passage assez 'technique' qui est déjà la traduction d'un texte ancien difficile. Fergus Bodu.]
A part ces longues notes, le reste est limité à de courtes phrases ou même de simple mots, qui cependant nous donnent parfois des titres de magistrats dont certaines fonctions (ayant quelque base légale) peuvent être déduites, comme le contrôleur des chaussées et le contrôleur de l'argent.
Par conséquent, la plupart des éléments du droit celtique antique sont au mieux reconstituables à partir des droits irlandais et gallois et de leurs similarités, en particulier là où ces similarités ont des bases linguistiques qui montrent que les termes désignant certaines réalités juridiques proviennent d'un mot gaulois commun. De telles choses peuvent être trouvées, par exemple, dans le vocabulaire du co-labourage et de la saisie. [l'expression "mot gaulois commun" me semble incorrecte, l'ancêtre commun du gallois et de l'irlandais n'étant pas le gaulois, mais le celtique ancien. Fergus Bodu].
LA RECONSTRUCTION
Reconstruire un système juridique réel à partir de ces quelques traces n'est possible, bien sûr, que dans ses bases les plus grossières, et c'est seulement lorsque des textes comme ceux mentionnés sont disponibles que nous pouvons avoir un bref aperçu des détails (peut-être seulement locaux et temporaires).
Ce que nous pouvons dire avec quelque certitude, c'est que les bases du cotnrat ne sont pas trop dissemblables des règles irlandaises (pour ce qu'on peut en déduire des quelques traces). Nous pouvons aussi admettre des règles similaires aux contrats de clientèles avec des taxes pour l'usage des terres et peut-être aussi d'autres propriétés louées, avec un concept similaire à celui de l'Irlande, bien que peut-être fortement différent dans le détail. Même si César dit que les voleurs, les meurtriers et autres criminels étaient parfois punis de mort en sacrifice aux dieux, à l'évidence le châtiment le plus typique pour les crimes graves était, même selon César, l'exclusion des cérémonies religieuses (et avec cela, très probablement, de la tribu et de la famille). A partir du jugement d'Orgetorix, dont César nous parle au début du DBG, nous pouvons deviner que, au tribunal, des serments semblables à ceux des pratiques irlandaises et galloises faisaient partie de la procédure judiciaire, et que le paiement de pénalité était probablement une peine courante. Le statut des nobles, selon César, dépendait du nombre de clients qu'ils avaient, ce qui est encore une fois similaire aux coutumes irlandaises à cet égard. En outre, nous avons quelques connaissances sur certains magistrats avec des fonctions assez spécifiques (comme le contrôleur des routes mentionnées ci-dessus, qui avait probablement un rôle juridique - peut-être contrôler la qualité des routes en cas d'accident, ou pour prévenir ces derniers). D'autres particularités, comme les palissades découvertes dans les oppida, mais également dans les établissements de campagne, nous disent que le droit d'intrusion était limité : là aussi, un système proche ducsystème irlandais est assez probable. La fonction légale d'un territoire enclos est également assez évidente dans l'inscription de Botorrita.
Tout compte fait, pour le système juridique celtique antique, nous pouvons en reconstruire des parties, bien que nous ignorions les détails, suffisamment semblables aux systèmes irlandais et gallois pour supposer que les autres parties, où nous n'avons pas de traces, étaient grossièrement semblables également. Très probablement les textes juridiques, dans le système juridique antique, avait sur certains points d'autres priorités que les systèmes irlandais et gallois, et présentaient des solutions différentes à tel ou tel problème, mais ils étaient fondamentalement semblables. Il est possible par exemple que les éléments monétaires étaient plus forts dans le système antique. Mais les lois étaient là, et une classe de juges et de juristes érudits travaillaient ensemble et avaient l'autorité de les faire appliquer.
Ce texte a été initialement rédigé par par le Pr. Raimund Karl, diplomé
en Etudes Celtiques de l'Université de Vienne (Autriche), et professeur à
l'Université de Bangor (Pays de Galles). Il met cette introduction à disposition
du public, à condition qu'on cite son nom, ce qui est la moindre des choses, et son
adresse e-mail : a8700035@unet.univie.ac.at et que ce texte ne soit pas utilisé
à des fins commerciales. Traduit, et adapté pour cette encyclopédie celtique par Fergus Bodu.