Le droit gallois a été, dans la forme où il nous est parvenu, fixé dans la première partie du 10ème siècle dans un unique codex autorisé par l'un des plus prospères dirigeants gallois indépendants, le roi Hywel Dda mab Cadell (Hywel le Bon, fils de Cadell). C'est au moins ce que prétend l'histoire. Cependant, la plupart des lois inscrites dans le Cyfraith Hywel (les Lois de Hywel), ne furent pas faites par Hywel, mais furent plutôt une compilation et une unification des anciennes lois galloises interprétées par les juristes professionnels gallois, appelé ynad ou brawdwr. Le rôle réel de Hywel fut probablement qu'il fut responsable du premier codex juridique écrit au Pays de Galles, qui eut lieu, selon la légende, à l'abbaye de Whitland, lors d'une conférence de juristes réunis par Hywel.
Une des différences les plus importantes avec le droit irlandais est que le droit gallois a été fixé bien plus tard, et qu'il montre déjà de fortes influences du droit anglo-saxon du haut moyen-âge. Les concepts de base sont à peu près identiques au droit irlandais, mais il y a quelques spécificités.
Sources
Les principales sources du droit irlandais sont le Llyfr Gwyn Rhydderch (Livre Blanc de Rhydderch) et le Llyfr y Damweiniau, ainsi que d'autres livres plus "petits", tout cela datant du 13ème au 16ème siècle.
Une traduction des Lois de Hywel est également disponible et recommandée, qui comprend une bonne bibliographie : The Law of Hywel Dda. Law texts from medieval Wales par D. Jenkins, Welsh Classics, Gomer 1986 (2nd ed. 1990), ISBN 0 86383 277 6.
LES LOIS DE HYWEL DDA
Les Lois de Hywel sont séparées en trois parties, dont la première est "Les Lois de la Cour", la deuxième "Les Lois du Pays" et la troisième "Le Livre de l'Essai de Justice"
LES LOIS DE LA COUR
Nous voyons là la plus grande différence avec le droit irlandais. Dans les Lois de Hywel, il y a des lois détaillées concernant la Cour royale, ce qui montre une forte influence du droit anglo-saxon.
Il y est d'abord traité du prix de l'honneur, "sarhaed" en gallois, du roi et de la reine. Puis vient une série de lois concernant les droits et devoirs des membres de la cour royale, en commençant par le prince héritier. Nous voyons déjà l'influence du droit anglo-saxon, car le terme employé "edling" dérive de l'anglo-saxon "aetheling", ce qui diffère du gallois originel "gwrthrychiad", "prince-héritier", un mot plus ou moins équivalent à l'irlandais "tánaise".
Ensuite l'ordre de la cour est présenté, combien de personnes sont autorisées à s'asseoir et à quel endroit quelle personne peut s'asseoir. L'ordre de la cour est le suivant : le roi, près de lui le cynghellor, puis l'hôte, puis l'edling, puis le chef fauconnier, et finalement le médecin, alors que de l'autre côté siègent le prêtre de la maison, le portier, le juge et finalement le forgeron de la cour. Sur le bas côté du hall siègent le Capitaine de la maison, avec le barde de la maison à son côté. Finalement le chef des valets et le chef veneur siègent de l'autre côté du paravent, face au roi et au prêtre.
Puis les droits et devoirs du reste de la cour sont détaillés, en commençant par les officiers du roi qui sont, par ordre de rang descendant : le Capitaine de la Maison, le Prêtre de la Maison, l'Intendant, le Chef Fauconnier, le Juge de la Cour, le Chambellan, le Barde de la Maison, l'Huissier, le Chef Veneur, le Brasseur d'hydromel, le Médecin, le Majordome, le Portier, le Cuisinier et l'Homme aux Chandelles.
Puis viennent les officiers de la reine, encore une fois avec leurs droits et devoirs, en commençant par l'Intendant de la Reine, puis le Prêtre de la Reine, le Chef des Valets de la Reine, le Chambellan de la Reine, la Dame d'Atour de la Reine, le Portier de la Reine, le Cuisinier de la Reine puis l'Homme aux Chandelles de la Reine.
En plus des officiers ci-dessus, qui sont considérés comme des "officiers de cour", il y en a quelques autres qui sont également à la cour mais ne sont pas des "officiers de cour". Ils sont également détaillés avec leurs droits et devoirs. Ce sont : le Valet (of the Rein ?), le Porte-Pied, le Dung Maer, le Sergent, le Portier, le Guetteur, la Boulangère, le Forgeron de la Cour, le Pencerdd et finalement la Blanchisseuse. Ainsi, les Postes à la Cour, les droits et devoirs des Officiers de la Cour et les détails généraux sur la Cour que nous possédons sont bien plus détaillés que tout ce que nous avons dans le droit irlandais. Finalement, la Cour galloise ressemble plus à une cour médiévale que ce que nous avons de l'Irlande, ce qui résulte évidemment de la date tardive et des plus fortes influences anglo-saxonnes sur le droit gallois.
De même, l'importance accrue du roi et de sa cour dans le droit gallois ressort lorsque nous regardons certains de leurs privilèges, qui vont bien au-delà de ce que nous savons du droit irlandais, et qui constituent sans doute la plus importante différence entre les droits irlandais et gallois. Par exemple, en contraste avec le droit irlandais, où les pénalités dues aux actes illégaux et jugées au tribunal n'étaient payables qu'à la victime ou à sa parenté, dans le droit gallois la plupart des délits contre la loi non seulement impliquent une pénalité payée à la victime, mais aussi une pénalité payable au roi, cette dernière étant dans la plupart des cas bien supérieure à la première.
Les droits du roi et de la cour furent également accrus dans d'autres champs de la loi. Par exemple, le droit gallois autorise le roi et sa cour à chevaucher à travers un champ sans payer de compensation, ni pour la voilation de la propriété, ni pour les dommages causés. De même, certains animaux sont considérés comme le "jeu du roi", et ne peuvent être chassés que par le roi et les officiers de sa cour. Tout cela montre fortement d'une société plus "médiévalisée" au Pays de Galles à l'époque om les lois furent écrites, avec des influences anglo-saxonnes immédiates et fortes.
LES LOIS DU PAYS
Avec cette partie nous revenons au bon vieux droit celtique. Même si les droits de la cour appartiennent à cette partie dans une certaine mesure, nous trouvons ici des parallèles clairs avec le droit irlandais.
Les Lois du Pays comprennent les Lois des Femmes (à peu de choses près, le mariage et le divorce), la validité des serments, les blessures aux animaux, la garantie (gallois : mach) et les contrats (riduw, amod), la protection de l'Eglise, les lois terriennes (héritage, acquisition et réclamation, partage, les femmes et la terre), les lois sur les étrangers, puis encore quelques droits royaux, et enfin le droit de la famille. Toutes ces lois, sauf la partie sur les droits royaux, sont très similaires aux règles irlandaises dans les mêmes domaines. Les variations ne concernent que des points de détail.
LE LIVRE DE L'ESSAI DE JUSTICE
La troisième partie traite des procédures légales et des peines contre les atteintes à la vie, à la santé ou à la propriété. Elle contient des règles concernant l'homicide, le vol, l'incendie, la valeur des animaux sauvages et domestiques, la valeur des arbres, les maisons et l'équipement, la valeur du corps humain et de ses parties (pour la compensation des blessures), des règles sur le co-labourage et les dégradations de grain. Toutes ces règles sont également similaires au droit irlandais dans les mêmes domaines, ce qui nous donne une bonne base pour déterminer les éléments juridiques "celtiques communs".
Ce texte a été initialement rédigé par par le Pr. Raimund Karl, diplomé
en Etudes Celtiques de l'Université de Vienne (Autriche), et professeur à
l'Université de Bangor (Pays de Galles). Il met cette introduction à disposition
du public, à condition qu'on cite son nom, ce qui est la moindre des choses, et son
adresse e-mail : a8700035@unet.univie.ac.at et que ce texte ne soit pas utilisé
à des fins commerciales. Traduit, et adapté pour cette encyclopédie celtique par Fergus Bodu.