La polyandrie désigne le faît qu'une femme aît plusieurs époux / partenaires simultanément. Cette pratique est extrêment rare dans les sociétés humaines. La polygynie est à l'inverse, le fait pour un homme d'avoir plusieurs épouses. Il était impossible de distinguer ici ces deux formes d'union, dans la mesure où chez les Celtes des îles britanniques, elles paraîssent avoir été complémentaires. Ici il s'agiraît donc d'une forme particulière de polygamie.
Les sources antiques évoquant cette forme d'union.
César (Ier s. av. J.-C.) est le plus ancien auteur a évoquer cette pratique, qui selon ses dires, semble commune aux Bretons. Eusèbe de Césarée (IVe s. ap. J.-C.), Saint-Jérôme et le Pseudo-Bardesane ne donnent aucun détail supplémentaire, se contentant de l'opposer à un "vice honteux" des Gaulois, l'homosexualité. Enfin Xiphilin (IXe s. ap. J.-C.), reprenant Dion Cassius (IIe-IIIe s. ap. J.-C.), n'évoquent ce fait que chez les Calédoniens, Saint-Jérôme (IVe - Ve s. ap. J.-C.) chez les Scots et les Attecotti. La polyandrie avait-elle disparu ailleurs en Bretagne ? nous ne le savons pas.
Jules César, La guerre des gaules, V, 14: "Leurs épouses [aux Bretons] sont communes à des groupes de dix et douze hommes, particulièrement entre frères et entre pères et fils ; mais les enfants, qui naissent de ces unions, sont réputés appartenir à celui qui a amené, le premier, la femme encore vierge, à la maison."
Xiphilin, Abrégé de l'Histoire Romaine de Dion Cassius, LXXVI, 12 : "les Calédonii sont derrière eux, et les uns et les autres ont pour domaines des montagnes sauvages et sans eau, des plaines désertes et marécageuses, n'ayant ni murailles, ni villes, ni terres labourées, vivant du produit de leurs troupeaux, de la chasse et des fruits de certains arbres ; car ils ne goûtent jamais de poisson, bien qu'ils en aient des quantités immenses. Ils passent leur vie sous des tentes, tout nus, sans chaussures, usant des femmes en commun et élevant tous les enfants qui leur naissent."
Eusèbe de Césarée, La préparation évangélique, VI, 10 : "Chez les Gaulois, les jeunes hommes épousent les jeunes hommes en toute liberté, ils ne regardent pas cela comme un crime, parce que c'est chez eux une coutume : supposera-t-on qu'à la naissance de chaque Gaulois qui se souille d'une pareille infamie, Vesper fût couché avec Mercure dans le séjour de Saturne et dans les limites de Mars ? Dans la Bretagne, plusieurs hommes n'ont qu'une seule femme ; dans le pays des Parthes, plusieurs femmes n'ont qu'un seul homme et se soumettent à ses désirs sans blesser la continence parce que la loi lui impose ce devoir."
Saint Jérôme, Lettre 69, à Oceanus, III: "Dis-leur de ne pas contracter de mariage avant leur baptème, [...] comme les Scots et les Atacotti et les gens de la République de Platon qui mettent leur femmes en commun et ne font pas de distinction entre les enfant [...]."
Pseudo-Bardesane, Le livre de la loi des contrées, V : "Chez les Bretons, beaucoup d'hommes n'ont qu'une seule femme. "
Des explications sociologiques
Les sociologues peinent à expliquer les circonstances poussant certaines populations à la polyandrie. Trois grands facteurs sont avancés pour expliquer cette très rare forme d'union :
1 - Une société matriarcale : Il s'agît selon toute vraisemblance d'une exigence nécessaire à l'existence de la polyandrie.
2 - Un déséquilibre démographique : Le nombre d'hommes est nettement supérieur au nombre de femmes.
3 - Des conditions économiques et juridiques singulières : Les formes adelphiques (fraternelles) de polyandrie s'expliquent par la volonté de ne pas partager la propriété familiale entre frères du même sang. Ce non-partage inclue même les femmes et les enfants, propriétés communes de la fratrie.
Ici, nous ne pouvons parler de polyandrie seule, César et Xiphilin mentionnent "des femmes communes à un groupe d'homme". Les facteurs retenus pour expliquer la polyandrie seule ne suffisent donc pas.
Il sera assez délicat de faire appel à un "déséquilibre démographique" pour expliquer l'origine de cette forme d'union dans les îles britanniques. Seules des données produites par des anthropologues et archéologues et portant sur l'étude des cadavres mis à jour dans les sépultures antiques des îles britanniques pourraît nous permettre de démontrer la réalité de ce facteur. Nous possédons néanmoins des témoignages intéressants relatifs aux deux autres facteurs. Les îles britanniques ont en effet été caractérisées par une particularité sociologique unique dans le monde celtique : une femme pouvait accéder au pouvoir, nous connaîssons par exemple Boudicca / Boadicée chez les Icéniens et Cartismandua chez les Brigantes. Peut-on pour autant parler de société matriarcale ? rien n'est moins sûr, néanmoins ceci évoque une spécificité sociologique propre à ces îles. César (Commentaires de la Guerre des Gaules, V, 14) donne plus d'informations que les autres sources, sur cette pratique, notamment quelques indices quant à l'aspect juridique d'une telle union. Il mentionne le fait que la polyandrie et la polygynie intervenait conjointement dans le cadre de la fratrie.
Conclusion
Outre un rôle original tenu par les femmes, la polyandrie associée à la polygynie s'expliqueraît essentiellement par la volonté de ne pas partager les biens communs de la famille (terres, maison, femmes, enfants). Seules les îles britanniques paraîssent avoir connu cette particularité socio-culturelle, impliquant une société clanique (une famille ou un groupe d'individus ayant des liens de parenté très forts), peut-être à l'origine des clans d'Ecosse et d'Irlande connus plus tardivement.