bois de la sainte Croix, vert de pommier, verquet, blondeau, bouchon, vivé, herbe de chèvre, pain de bique, brou de bique
Du latin viscus signifiant "glu" (tirée du mucilage des baies). Pline ne nous a donné que la transcription latine: omnia sanans, littéralement "guérit tout" (Pline, Histoire Naturelle, XVI).
Le gui avait dans la pharmacopée gauloise une place privilégiée. Qui en douterait? Les termes gui et gaulois sont irrémédiablement enchaînés. Le célèbre texte de Pline y a largement contribué. Les Gaulois n'ont cependant pas eu le monopole de son utilisation.
On retrouve son utilisation sous tous les horizons. Voici quelques exemples:
- Les indiens Tewa (Amérique du Nord) utilisaient le gui de genévrier. Ils le pilaient, puis le mélangeaient à de l'eau chaude. Ils buvaient cette préparation lorsqu'ils souffraient de gastralgies.
- Les populations noires du sud des États-Unis pensaient que les baies du gui facilitaient la conception, mais qu'une préparation de gui pouvait tarir la sécrétion lactée.
- En médecine chinoise, le gui est utilisé, entre autre, pour les troubles puerpéraux, les risques d'avortement, les ménorragies et les insuffisances de sécrétion mammaire.
- Avicenne, au XVIe siècle, dans les pays islamiques, conseillait le gui pour les abcès froids, les ulcères, les plaies et les "problèmes" d'articulation.
- En Suède, l'épileptique portait sur lui un couteau dont la poignée était en bois de gui.
On retrouve également son utilisation tout au long de l'histoire:
- Les Hippocratiques des Vème et IVème siècles avant J.C, signalaient déjà l'efficacité du gui dans l'épilepsie.
- Plus tard, Celse (De medicina, V, 15) introduisit la notion d'effet anti-tumoral, notion que l'on retrouvera chez Dioscoride (Sur le matière médicale, III, 85).
- Au XIIème siècle, Sainte Hildegarde, abbesse bénédictine qui fonda l'abbaye de Saint-Rupert, employait la glu de gui contre les maladies hépatiques.
- Au XVIème siècle, on le considérait bon pour l'épilepsie et l'accouchement; on lui trouvait des propriétés hémostatiques, fébrifuges, émollientes, vermifuges.
- Au XVIIIème siècle, on le recommande pour l'épilepsie, les névralgies faciales et comme laxatif.
- A la fin du XIXème siècle, il sera délaissé par la Faculté. Néanmoins, le gui sera encore utilisé par quelques guérisseurs; on ne fait pas disparaître si rapidement des croyances aussi anciennement enracinées. Voici une recette contre l'épilepsie, tirée, selon le Journal des débats dans lequel elle parut en mai 1908, d'un vieux manuscrit: "il faut prendre vingt hirondelles de la première nichée (les petites comme les grosses sont bonnes), que vous partagez toutes vives par dessus le dos; une poignée de mélisse citronnée, une chopine de vin blanc; deux onces de crâne humain, non inhumé, mais d'un homme mort de mort subite ou violente; une once de véritable gui de chêne. On passe le tout par l'alambic, et vous en tirez de l'eau dont le malade prendra une cuillerée à jeun les quatre derniers jours de la lune".
- Au XXème siècle, seront effectuées des études chimiques et cliniques.
La pharmacologie actuelle reconnaît au gui plusieurs propriétés: d'une part des propriétés hypotensives, diurétiques et tachycardisantes, d'autre part une action anti-tumorale par trois propriétés: cytostatique, cytotoxique et immunostimulante. Mais attention, à fortes doses, le gui est toxique.
La connaissance de l'utilisation du gui par les Gaulois nous est fournie par Pline: "On ne doit pas oublier, dans ces sortes de choses, la vénération des Gaulois; les druides, car c'est ainsi qu'ils appellent leurs mages, n'ont rien de plus sacré que le gui et l'arbre qui le porte, supposant toujours que cet arbre est un chêne. A cause de cet arbre seul, ils choisissent des forêts de chênes et n'accompliront aucun rite sans la présence d'une branche de cet arbre [...] Ils pensent en effet que tout ce qui pousse sur cet arbre est envoyé par le ciel, étant un signe du choix de l'arbre par le dieu en personne. Mais il est rare de trouver cela, et quand on le trouve, on le cueille dans une grande cérémonie religieuse, le sixième jour de la lune, car c'est par la lune qu'ils règlent leurs mois et leurs années, et aussi leurs siècles de trente ans; et on choisit ce jour, parce que la lune a déjà une force considérable, sans être encore au milieu de sa course. Ils appellent le gui par un nom qui est: "celui qui guérit tout". Après avoir préparé le sacrifice sous l'arbre, on amène deux taureaux blancs dont les cornes sont liées pour la première fois. Vêtu d'une robe blanche, le prêtre monte à l'arbre et coupe avec une faucille d'or le gui qui est recueilli par les autres dans un linge blanc. Ils immolent alors les victimes en priant la divinité qu'elle rende cette offrande propice à ceux pour qui elle est offerte. Ils croient que le gui, pris en boisson, donne la fécondité aux animaux stériles et constitue un remède contre tous les poisons. Tel est le comportement d'un grand nombre de peuples à l'égard de choses insignifiantes". (Pline, Histoire Naturelle, XVI, 249-251)
Utilisation du gui:
- L'usage du gui pouvait se faire d'une part pour ses effets pharmacologiques.
- Les Gaulois utilisaient surtout le gui pour ses effets magico-religieux, c'est-à-dire pour son symbolisme.
Comme hypotenseur, le gui pouvait agir sur différents symptômes; en effet, les troubles provoqués par "l'hypertension artérielle sont à la fois assez fréquents, assez nombreux et assez variés pour qu'un hypotenseur ait pu faire figure de panacée" (Le Scouézec).
Le gui est une plante hémi-parasite. Elle se nourrit de la sève de son arbre hôte. Elle forme une touffe ronde et n'a jamais de contact avec la terre. Elle donne des baies blanches (Le blanc est le couleur de la classe sacerdotale, le rouge est celle de la classe guerrière). Les arbres hôtes sont très nombreux. Le chêne est parfois cet hôte, mais ceci est très rare.
Selon Maxime de Tyr, "l'image de Zeus, chez les Celtes, est un grand chêne" (Maxime de Tyr, Dissertation, VIII, 8) , ce que F. Le Roux et C. J. Guyonvarc'h transposaient par: "le chêne était la représentation visible de la divinité" (F. Le Roux et C. J. Guyonvarc'h). En fait, le chêne est le support végétal d'un symbolisme qui, dans la dépendance de la divinité souveraine, unit la force et le savoir. Une plante se nourrissant de cette divinité devient alors la quintessence de la divinité.
Le gui de chêne, remède, permet donc une action thérapeutique d'autant plus efficace qu'il met en relation directe, le dieu et le malade. De plus, la texture divine du gui lui procure la même valeur qu'un objet venu de l'Autre-Monde. Le gui était souvent porté en talisman.
Pline, dans son texte, fait mention du sacrifice du taureau. Ce fait lui paraît presque accessoire. Dans la tradition celtique, le sacrifice du taureau fait partie du rituel d'intronisation ou d'élection royale. Nous avons vu que le rôle du roi était celui du maintien de l'équilibre de la société terrestre, dans tous ses aspects, en conformation, grâce au ministère des druides, avec la société divine. L'association de la cueillette du gui et du sacrifice du taureau témoigne encore de l'importance accordée au gui.