gentiane centaurée, herbe au centaure, fiel de terre, herbe à Chiron, herbe à la fièvre
C'est Pline qui nous en donne le nom gaulois: "elle croît au bord des sources... C'est par son suc qu'elle est efficace... En Italie on nomme cette centaurée fiel de terre, à cause de son extrême amertume, en Gaule exacum parce que prise en boisson elle évacue toutes les substances nocives" (Pline, Histoire Naturelle, XXV, 6).
Pour Dioscoride, "l'herbe fraîche pilée, et mise sur les plaies les réunit. Elle purge les ulcères anciens, et les consolide. Mangée cuite, elle purge la colère par le bas" (Dioscoride, Sur la matière médicale, III, 7). Pour Pline, la petite centaurée, "prise en boisson, évacue par le bas toutes les substances nocives et ensemble les grosses humeurs. On fait de sa décoction des clystères (lavements) pour les sciatiques, car elle attire le sang, et en attire la douleur" (Pline, Histoire Naturelle, XXV, 127).
Les Gaulois utilisaient-ils les lavements? Rufus, ce grand médecin de la seconde moitié du Ier siècle après J.C, signalait que les Gaulois, "hommes des pays froids, ne supportent pas les lavements actifs" (Rufus, De l'interrogatoire des malades, 42bis).
Mais Dioscoride propose d'autres modes d'utilisation: "Le suc est utile pour la médecine des yeux, parce que mis dessus avec du miel, il enlève les éblouissements. Appliqué par-dessous avec de la laine, il provoque le flux menstruel et le fruit. Bu, il secourt grandement aux défauts des nerfs" (Dioscoride, Sur la matière médicale, III, 7).
Une autre source ancienne, gallo-romaine, mentionne la centaurée. Il s'agit d'une plaque d'argent, retrouvée à Poitiers, actuellement conservée au musée des Antiquités Nationales à Saint-Germain-en-Laye. Sur cette plaque figure une inscription curieuse dans laquelle H. d'Arbois de Jubainville reconnut du latin mêlé de grec. Il en donnait la traduction suivante: "Deux fois tu prendras de la centaurée, et deux fois tu prendras de la centaurée. Que la centaurée te donne la force (c'est-à-dire la vie), la force (c'est-à-dire la force), paternelle. Viens-moi en aide, art magique, en suivant Justine qu'a enfantée Sarra". Cette traduction est parfois contestée, mais dans chaque traduction proposée après celle de d'Arbois de Jubainville, figure en premier plan, la centaurée.
C'est le cas de la traduction de R. Le Moniès de Sagazan, qui voit dans cette formule une véritable prescription médicale et le mode de préparation pharmaceutique: "Tu iras deux fois cueillir de la centaurée et tu en recueilleras chaque fois le suc. Pour cela fais un extrait aqueux que tu concentres au four jusqu'à obtention d'une masse pilulaire que tu divises en trois pilules. Que cette préparation bénéfique, à elle seule, te protège, toi, Justine, fille de Sara". (R. Le Moniès de Sagazan, Une ordonnance médicale du Ve siècle en Gaule in Revue d'Histoire de la pharmacie, 50)
Les données bibliographiques sur la pharmacologie de la centaurée sont modestes. Très récemment, il a été montré que l'extrait aqueux de la drogue possède, sur des modèles animaux, des propriétés anti-inflammatoires et antipyrétiques. Swertiamarine et gentiopicroside (composés sécoiridoïdes responsables de l'amertume de la plante) sont antibactériens; de plus la swertiamarine est métabolisée au niveau intestinal en gentianine, sédative du SNC. (Bruneton, Pharmacognosie - Phytochimie - Plantes médicinales, 490-491)
Sources
• J. Bruneton, Pharmacognosie - Phytochimie - Plantes médicinales, 2e ed, ed Lavoisier, TEC DOC, Paris 1997
• R. Le Moniès de Sagazan, Une ordonnance médicale du Ve siècle en Gaule in Revue d'Histoire de la pharmacie, XXXII, Mars 1985, pp 49-52
• Pierre Louarn pour l'Arbre Celtique