Les Ligures ravagent et prennent la colonie romaine de Mutina [novembre -177]
Les Ligures ravagent et prennent la colonie romaine de Mutina [novembre 177 av. J.-C.]
Alors que le consul Caius Claudius Pulcher s'apprêtait à célébrer son triomphe à Rome (novembre 177 av. J.-C.), les Ligures se soulevèrent de nouveau (1). Ils profitèrent de l'absence de Caius Claudius Pulcher (rentré à Rome à la tête de l'armée consulaire) et du fait que le préteur Tiberius Claudius Nero avait congédié ses troupes à Pisa (Pise), pour conspirer et reprendre les armes. Ainsi, en l'absence de troupes romaines, ils purent franchir sans crainte l'Apennin et déferler sur les terres de la colonie romaine de Mutina (Modène). Cette colonie ne fut déduite que quelques années plus tôt (183 av. J.-C.), si bien qu'elle ne put offrir aucune véritable résistance aux Ligures et fut prise dans la foulée (Tite-Live, Histoire romaine, XLI, 14).
Dans ces circonstances graves, le Sénat romain précipita la tenue des comices centuriates. A leur terme, Cnaeus Cornelius Scipio Hispallus et Quintus Petilius Spurinus furent nommés consuls. Avant leur entrée en charge, il fut décidé Caius Claudius Pulcher serait prorogé, pour assurer l'intérim et envoyé en Gaule cisalpine pour contenir les attaques des Ligures, tout en dissuadant les Istriens - récemment vaincus (177 av. J.-C.) - de les imiter. Lorsque les consuls entrèrent finalement en charge, vers la mi-mars, et se virent assigner Pisa et la direction des opérations contre les Ligures. Tiberius Claudius Nero fut prorogé dans ses fonctions, pour permettre aux nouveaux consuls de lever deux légions romaines et 300 cavaliers, mais aussi de réclamer 10000 fantassins et 600 cavaliers aux alliés latins (Tite-Live, Histoire romaine, XLI, 14).
Outre le temps nécessaire pour réunir les troupes, les consuls furent victimes de nombreux contretemps : les sacrifices effectués aux Quinquatrus, qui furent marqués par quelques prodiges, annonçant de bien mauvais présages (19 mars) ; le tirage au sort des provinces (mars-avril) ; des féries latines marquées d'irrégularités (3 mai) ; le renouvellement des féries latines ; le décès du consul Cnaeus Cornelius Scipio Hispallus ; l'organisation de nouveaux comices (3 août) et la nomination d'un consul suffect (5 août) (Tite-Live, Histoire romaine, XLI, 14-17 ; Julius Obsequens, Livre des prodiges, LXIV). Dans ces circonstances, et dans le cadre de l'intérim qu'il assurait, le proconsul Caius Claudius Pulcher prit seul en charge les opérations contre les Ligures et parvint à libérer Mutina (mai / juin 176 av. J.-C.). Ce ne fut que plus tard, au cours de ce même mois d'août 176 av. J.-C., que le consul Quintus Petilius Spurinus vint le rejoindre avec les secours escomptés.
(1)Tite-Live indique qu'il y eut une certaine simultanéité entre les deux événements (Histoire romaine, XLI, 14). Dans un autre passage, évoquant la libération de cette colonie romaine (mai / juin 176 av. J.-C.), il précise que Mutina était occupée depuis l'année précédente (Histoire romaine, XLI, 16). L'année romaine débutant en mars, la prise de Mutina est donc forcément antérieure et doit, sans guère de doute, être située à la fin du mois de février 176 av. J.-C.
Julius Obsequens, Livre des prodiges, LXIV :"Sous les consuls C. Claudius et L. Petilius. Les consuls ayant immolé des victimes, le foie se gâta. Cornelius, revenant du mont Albain, fut atteint d'apoplexie, et mourut aux eaux de Cumes."
Tite-Live, Histoire romaine, XLI, 14 :"Pendant la célébration de ce triomphe sur les Ligures, ces mêmes Ligures s'aperçurent que non seulement l'armée consulaire avait été emmenée à Rome, mais que Ti. Claudius avait même licencié sa légion à Pise ; affranchis de toute crainte, ils s'entendent secrètement pour rassembler une armée, passent les monts par des chemins de traverse, descendent dans la plaine, ravagent le territoire de Modène, et, grâce à la promptitude de leur attaque, prennent la colonie elle-même. Quand on le sut à Rome, le sénat intima l'ordre au consul C. Claudius de tenir les comices au premier jour, et, aussitôt les magistrats nommés pour l'année, de retourner dans sa province et de reprendre la colonie sur les ennemis. Les comices furent tenus conformément à la décision du sénat. Les consuls nommés furent Cn. Cornélius Scipion Hispalus et Q. Pétilius Spurinus. Les préteurs nommés furent, ensuite, M. Popilius Laenas, P. Licinius Crassus, M. Cornélius Scipion, L. Papirius Maso, M. Aburius, L. Aquilius Gallus. On prorogea le consul C. Claudius pour un an dans son commandement dans sa province de Gaule : et, pour empêcher les Histriens d'imiter les Ligures, il dut envoyer en Histrie les alliés latins qu'il avait tirés de la province à l'occasion de son triomphe. Quand les consuls Cn. Cornélius et Q. Pétilius, le jour de leur entrée en charge, immolèrent, selon l'usage, chacun un boeuf à Jupiter, la victime que sacrifia Pétilius se trouva avoir un foie sans tête. Il en fit rapport au sénat, qui lui ordonna de recommencer le sacrifice. Consulté ensuite sur la distribution des provinces, le sénat assigna par un décret Pise et les Ligures aux deux consuls. Celui à qui le sort donnerait Pise, devait, quand serait venue l'époque du renouvellement des magistratures, revenir pour les comices. On ajouta au décret qu'ils lèveraient deux légions nouvelles et trois cents cavaliers, et qu'ils commanderaient aux alliés latins dix mille hommes d'infanterie et six cents de cavalerie. Ti. Claudius fut prorogé dans son commandement jusqu'au moment où le consul arriverait dans sa province."
Tite-Live, Histoire romaine, XLI, 15 :"Pendant que ces affaires se traitent dans le sénat, Cn. Cornélius étant sorti du temple sur l'invitation que lui en apporta un messager, revint un instant après, la confusion sur le visage, et exposa aux Pères conscrits que le boeuf de six cents livres qu'il avait immolé n'avait pas de foie. Ne s'en rapportant pas, disait-il, au témoignage du victimaire, il avait fait vider toute l'eau de la chaudière où l'on faisait cuire les entrailles, et s'était assuré que parmi tous les autres intestins bien entiers, le foie seul, par un incroyable mystère, était anéanti. Ce prodige effrayait déjà les Pères, lorsque l'autre consul vint accroître leurs appréhensions en révélant qu'après avoir trouvé un foie sans tète, il n'avait pas poussé jusqu'à parfaite réussite le sacrifice de trois boeufs. Le sénat ordonna l'immolation de grandes victimes jusqu'à complète expiation. Tous les dieux agréèrent, dit-on, ces offrandes, sauf la déesse Salus, auprès de laquelle Pétilius n'eut pas de succès. Puis les consuls et les préteurs tirèrent les provinces au sort. Ce fut Pise qui échut à Cornélius, et les Ligures à Pétilius."
Tite-Live, Histoire romaine, XLI, 16 :"Les féries latines eurent lieu trois jours avant les nones de mai ; et comme le magistrat de Lanuvium avait immolé une des victimes sans faire la prière pour le peuple romain des Quirites, on en eut un religieux scrupule. Le sénat, sur le rapport qui lui en fut fait, renvoya l'affaire au collège des pontifes ; les pontifes, attendu que les féries latines avaient été manquées, les firent renouveler ; mais ils décidèrent que Lanuvium, étant cause qu'on les renouvelait, fournirait les victimes. Le scrupule s'était aggravé de l'accident arrivé au consul Cn. Cornélius, lequel, en revenant du mont Albain, était tombé paralysé d'un côté du corps, et, comme le mal faisait des progrès, était allé aux eaux de Cumes, où il était mort. On l'en ramena, et arrivé à Rome on lui fit des funérailles et une sépulture magnifiques. Il était de plus pontife. Le consul Pétilius, à qui les auspices le permettaient enfin, fut chargé de tenir les comices pour remplacer son collègue et de promulguer les féries latines. Il fixa pour les comices le trois d'avant les nones de sextilis, et pour les Latines le trois d'avant les ides. Au milieu de ces scrupules religieux survint l'annonce de nouveaux prodiges : à Tusculum, on avait vu une torche dans les cieux ; à Gabies, le temple d'Apollon et beaucoup de maisons particulières, à Gravisques le rempart et une porte de la ville avaient été touchés par le feu du ciel. Les Pères voulurent que l'expiation en fut faite d'après l'avis des pontifes. Pendant les embarras suscités aux consuls par des irrégularités religieuses, puis à l'un d'eux par la mort de l'autre, par les comices et le renouvellement des féries latines, C. Claudius faisait approcher son armée de Modène, que les Ligures avaient prise l'année précédente."
Tite-Live, Histoire romaine, XLI, 17 :"Les comices pour le remplacement d'un consul, qui avaient été fixés au trois des nones de sextilis eurent lieu ce même jour. Le consul Q. Pétilius, en nommant C. Valérius Laevinus, eut un collègue qui put entrer aussitôt en charge. Ce personnage, qui depuis longtemps désirait une province, profita de l'occasion que lui offrait une dépêche annonçant une révolte des Ligures : il prit le costume de guerre le jour des nones de sextilis, et, après l'audition de la dépêche, en raison de la révolte, il ordonna à la troisième légion d'aller rejoindre en Gaule le proconsul C. Claudius, aux duumvirs navals de se rendre à Pise avec une flotte, pour croiser devant les côtes des Ligures et les effrayer aussi par une démonstration du côté de la mer. Le consul Pétilius avait fixé le même lieu pour rendez-vous à son armée. Pareillement le proconsul C. Claudius, à la nouvelle du soulèvement des Ligures, avait, indépendamment des troupes qu'il commandait à Parme, organisé sur-le-champ une nouvelle levée, et il s'approcha des frontières de Ligurie avec son armée."