Mons Seleucus - Nom antique de La Bâtie-Montsaléon (Hautes-Alpes). Cette localité fut mentionnée sous la forme Monte Seleuco dans l'Itinéraire d'Antonin (357, 8) et Mansio Monte Seleuci dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem (555, 3). Elle fut également mentionnée par quelques historiens chrétiens de langue grecque. Ainsi, Sozomène la mentionne sous le nom de Μοντιοσέλευκον (Histoire ecclésiastique, IV, 7), tandis qu'elle figure sous une forme corrompue Μιλτοσέλευκος dans l'Histoire ecclésiastique de Socrate le Scolastique (II, 32).
L'agglomération antique de Mons Seleucus occupait une haute-terrasse dénommée localement Plaine de Lachaup, située à la confluence du Petit-Buëch et du torrent de Maraize. Cette position était particulièrement privilégiée, puisqu'elle faisait de Mons Seleucus un important carrefour routier : l'axe principal qui traversait cette localité est celui qui reliait la vallée du Rhône, puis celle de la Drôme, à l'Italie par la col du Mont-Genèvre. C'est cette voie qui est décrite par les deux itinéraires antiques mentionnant Mons Seleucus. Un axe secondaire allant vers le nord reliait cette localité à Cularo (Grenoble, Isère), par le col de la Croix-Haute et le Trièves. Enfin, la voie méridionale qui longeait le Petit-Buëch, puis le Buëch, se séparait en deux parties. L'une d'elle reliait également à Segustero (Sisteron, Alpes-de-Haute-Provence), par la vallée du Buëch, tandis que l'autre rejoignait Vasio (Vaison-la-Romaine, Vaucluse) par la vallée de l'Aygues (Leveau et al., 2002 ; Martin, 2021).
De multiples campagnes de fouilles archéologiques ont été menées à La Bâtie-Montsaléon depuis le XVIIIe s., les principales ayant été celles de 1804-1805, menées par Jean-Charles de Ladoucette. D'après la synthèse publiée par P. Leveau et al. (2002), il apparaît que faute de réelle méthode d'investigation, le résultat des fouilles anciennes ne permet pas de se faire une idée précise du plan de ce vicus et du réseau viaire qui le desservait. Sur la base de ces résultats anciens, cette même synthèse évalue la superficie de vicus et son air périurbaine à 25 à 30 ha. La reprise des investigations menées sur ce site permet depuis de se faire une meilleure idée du plan du site, cependant sa superficie totale a été réévaluée (avec prudence) à 10 à 20 ha (Martin, 2021). Il n'en demeure pas moins que ce vicus dut connaître une certaine prosperité, comme en témoigne sa parure monumentale, représentée par un vaste sanctuaire, un établissement thermal, et sans doute d'autres monuments dont il ne reste que des blocs épars, richement ornés. La vaste aire sacrée, fouillée à partir de 2010, a révélé l'existence de trois temples de tradition gallo-romaine édifiés successivement entre le milieu du Ier s. ap. J.-C. et le IIe s. ap. J.-C., partiellement recouverts par un vaste sanctuaire édifié au IIIe s. et actif jusqu'au IVe s. Ce site exceptionnel, associé à de riches offrandes a fait l'objet d'une synthèse publiée par L. Martin (2021).
Une célèbre bataille eut lieu au niveau de cette localité le 3 juillet 353 ap. J.-C. Elle opposa l'armée de l'empereur Constance II à celle de l'usurpateur Magnence, et conduisit à la défaite de ce dernier. Magnence parvint cependant à gagner Lugdunum (Lyon) où il mit fin à ses jours (Socrate le Scolastique, Histoire ecclésiastique, II, 32 ; Sozomène, Histoire ecclésiastique, IV, 7). Les fouilles récentes effectuées sur le site de Mons Seleucus ont peut-être d'ailleurs révélé des traces de destructions corrélatives de cet événement (Martin, 2021).
Sources littéraires anciennes
Socrate le Scolastique, Histoire ecclésiastique, II, 32 :"Magnence voyant que ses soldats avaient le courage abattu par leur défaite, tâcha de le relever, et monta pour cet effet sur son tribunal. Comme les soldats voulaient faire des acclamations en sa faveur, ils les firent en faveur de Constance, qu'ils nommèrent tous d'une voix, au lieu de Magnence. Celui-ci prenant ce cri pour un mauvais présage s'enfuit plus avant dans les Gaules, où ayant été poursuivi par les troupes de Constance, il y eut un autre combat proche du mont de Seleucus, où l'armée de Magnence ayant été taillée en pièces, il s'enfuit seul vers Lyon qui n'est qu'à trois journées de ce lieu-là. Quand il y fut entré, il y fit mourir sa mère, et ensuite son frère qu'il avait nommé César, et se tua enfin lui-même. Cela arriva sous le sixième Consulat de Constance et sous le second de Constance Gallus le 15e jour du mois d'Août."
Sozomène, Histoire ecclésiastique, IV, 7 :"Mais enfin, ayant été vaincu, il s'enfuit à Mursa, fort des Gaules, où il (Magnence) tâcha de relever le courage de ses soldats, qui était abattu par leur défaite. Dès qu'ils l'aperçurent, ils se mirent en devoir de le saluer avec les proclamations ordinaires. Mais au lieu de le proclamer, ils proclamèrent Constance, sans y faire aucune attention. Magnence ayant pris cette méprise des gens de guerre pour une 200 marque que Dieu ne le destinait pas à l'Empire, partit de Mursa, et se retira plus loin. L'armée de Constance l'ayant poursuivi sur le champ, il fut contraint d'en venir aux mains proche du mont de Seleucus, et s'étant échappé seul après la défaite de ses troupes, il se retira à Lyon. Quand il y fut il tua d'abord sa mère, puis son frère qu'il avait déclaré César, et enfin se tua soi-même. Décence, qui était un autre de ses frères, s'étrangla aussi bientôt après.. La mort de tant de personnes turbulentes ne rétablit pas la tranquillité publique. Silvain entreprit au même-temps dans les Gaules d'usurper l'autorité souveraine. Mais les chefs de l'armée de Constance le firent mourir."
Sources
• P. Leveau et al., (2002) - "La Bâtie-Montsaléon, Mons Seleucus, vicus et sanctuaire gallo-romain dans le Haut Buëch (Hautes-Alpes)", Revue archéologique de Narbonnaise, n°35, pp.111-128
• L. Martin, (2021) - "Le sanctuaire antique à la Bâtie-Montsaléon, des découvertes exceptionnelles. Premiers éléments de la fouille de 2021", Lettre Aux Amoureux du Patrimoine, n°84, pp.8-14
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique
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