Piscènes - Peuplade de Gaule narbonnaise, qui ne nous est connue que par l'unique mention qu'en a fait Pline (Histoire naturelle, III, 37) sous la forme Piscinae (var. Piscenae). Cet ethnonyme est le gentilé donné habitants d'un oppidum dénommé Piscina dont l'existence est attestée dans un autre passage de l'Histoire naturelle, sous la forme Piscinas provinciae Narbonensis "Piscina, dans la province Narbonnaise" (Histoire naturelle, VIII, 191). Dans aucun de ces deux passages Pline n'a livré d'indice permettant leur localisation, ce qui nécessite de recourir à la conjecture pour tenter de les positionner. Depuis la traduction de l'Histoire naturelle de Pline publiée par Jean Hardouin (1685), on a coutume de localiser cette peuplade autour de Pézenas, Pesenàs en occitan (villa Pedinatis en 990, Pedenaz vers 1036, etc., Nègre, 1990). On notera cependant qu'un point de vue contradictoire a été émis par Jean Astruc (1737), qui considérait que cet ethnonyme pourrait plutôt se retrouver dans le nom de Pézènes-les-Mines, à une quinzaine de kilomètres de Pézenas (ad Padanam en 1184, ad Pezena en 1197, etc., Nègre, 1990). Ce dernier point de vue n'a été que très peu repris par la suite. Comme le suggère E. Nègre (1990), ces deux toponymes dérivent plus certainement du nom de la rivière Peyne (affluent de l'Hérault), qui coule à proximité de ces deux localités (in filo Pedene en 1225, Nègre, 1990). Pour des raisons touchant à la fois à la linguistique et à l'archéologie, les publications contemporaines rejettent désormais l'identification de Piscina avec la ville historique de Pézenas, mais estiment que l'hydronyme Peyne pourrait conserver le souvenir du nom de ce peuple (Christol & Mauné, 2003 ; Mauné, 2003a ; 2003b ; Feugère, 2008). Ainsi, ces publications invitent à localiser les Piscènes dans la vallée de la Peyne, et à considérer le site archéologique de L'Auribelle-Basse (sur la commune de Pézenas) comme leur oppidum à l'époque romaine.
Au cours du dernier quart du Ier s. ap. J.-C., Pline a mentionné les Piscènes dans son énumération des oppida latina de Gaule narbonnaise (Histoire naturelle, III, 37). Ce statut particulier octroyé à certaines localités, spécifique à cette province, aurait été accordé à plusieurs dizaines d'oppida indépendants dans la seconde moitié du Ier s. av. J.-C. M. Feugère (2008) a émis l'hypothèse que les Piscènes aient pu être la communauté émettrice des monnaies gauloises dites "au cheval et au fleuron" (La Tour 3571/72). Cette proposition a été émise suite à l'étude de la diffusion de ces monnaies, qu'on ne retrouve que dans certaines portions des territoires qui deviendront ceux des cités des Baeterrenses et des Lutevenses, notamment la vallée de la Peyne. Enfin, Pline assure que les Piscènes étaient alors réputés pour la qualité de la laine qui y était produite, ce qui suggère que les activités liées au textile y étaient importantes (Histoire naturelle, VIII, 191).
Entre la fin du Ier s. av. J.-C. et le milieu du IIe s. ap. J.-C., les cités de Gaule narbonnaise furent largement réorganisées et dans ce cadre, le territoire des Piscènes fut intégré à celui de la cité des Baeterrenses.
Pline, Histoire naturelle, III, 36-37 :"Dans l'intérieur des terres, colonies : Arles de la sixième légion, Béziers de la septième, Orange de la seconde ; dans le territoire des Cavares, Valence, des Allobroges Vienne ; villes latines : Aix des Salluviens, Avignon des Cavares, Apta Julia des Vulgientes, Alébécé des Reies Apollinaires, Alba des Helves, Augusta des Tricastins, Anatilia, Aeria, les Bormanni, les Comani, Cabellio, Carcasum des Volques Tectosages, Cessero, Carpentorate des Mémines, Ies Caenicenses, les Cambolectres, surnommés Atlantiques, Forum Voconii, Glanum Livii ; les Lutevans, appelés aussi Foroneronienses ; Nîmes des Arécomiques, les Piscènes, les Rutènes, les Samnagenses ; Toulouse des Tectosages, sur la frontière de l'Aquitaine ; les Tascons, les Tarusconienses, les Umbraniques ; les deux capitales de la cité des Vocontiens alliés, Vasio et Lucus Augusti ; dix-neuf villes sans renom, de même que vingt-quatre attribuées à Nîmes."
Pline, Histoire naturelle, VIII, 191 :"La laine de l'Istrie et de la Liburnie ressemble plus à du poil qu'a de la laine ; elle ne peut servir à la fabrication des étoffes à long poils, non plus que celle que Salacie en Lusitanie recommande pour les étoffes à carreau. La laine de Piscène, dans la province Narbonnaise, est semblable ; semblable aussi est celle d'Égypte, avec laquelle on garnit les habits usés et on les fait durer encore longtemps."
Sources
• J. Astruc, (1737) - Mémoires pour l'histoire naturelle de la province de Languedoc : divisés en trois parties. Ornés de figures, & de cartes en taille-douce, chez Guillaume Cavelier, Paris, 630p.
• M. Christol & S. Mauné, (2003) - "Une inscription sur bronze trouvée dans l'établissement gallo-romain de L'Auribelle-Basse à Pézenas (Hérault)", Gallia, tome 60, pp.369-382
• M. Feugère, (2008) - "Le monnayage gaulois BnF 357 1/72 et les origines préromaines de la cité de Béziers", Revue Numismatique, tome 164, pp.185-208
• S. Mauné, (2003a) - "À propos de Piscinae, Pézenas et des Piscenois : quelques réflexions sur la localisation de l'agglomération antique et sur les oppida latina de la vallée de l'Hérault", in : M. Bats et al. (dir.), Peuples et territoires en Gaule méditerranéenne. Hommage à Guy Barruol, Suppl. RAN, n°35, pp.281-296
• S. Mauné, (2003b) - "La centuriation Béziers B et l'occupation du sol de la vallée de l'Hérault au Ier s. av. J.-C. Quelques éléments de réflexion autour de découvertes récentes", in : M. Garrido-Hory & A. Gonzalès (dir.), Histoire, espaces et marges de l'antiquité : hommages à Monique Clavel-Lévêque, vol. 2, Presses Universitaires Franc-Comtoises, Paris, pp.57-101
• E. Nègre, (1990) - Toponymie Générale de la France, vol. 1, Publications Romanes et Françaises, Librairie Droz, Genève, 702p.
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique