Les Romains sont mis en difficulté par l'Océan (fin de l'été 55 av. J.-C.)
Les Romains, bien accoutumés à la navigation en mer Méditerrannée, subirent à deux reprises, le quatrième jour de leur expédition en Bretagne, les conséquences de leur inexpérience sur l'Océan. Tout d'abord, les dix-huit navires de charge ayant échoué à transporter en Bretagne la cavalerie romaine le jour du débarquement, furent surpris par une tempête et contraints - après diverses péripéties - à rebrousser chemin. César se trouvait donc toujours privé de cavalerie (Guerre des Gaules, IV, 28). La nuit suivante, ce furent les forces navales romaines de Bretagne qui subirent une grosse déconvenue. En effet, les galères mises en port à sec sur la plage et les navires de charge aux courtes lignes de mouillage, furent gravement endommagés à marée haute, du fait d'un fort coefficient de marée conjugué à d'importantes rafales de vent (César, Guerre des Gaules, IV, 29 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 52 ; Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, III, 11).
Les conséquences furent lourdes, puisqu'en plus de ne pas avoir reçu les renforts attendus, César venait de perdre les navires permettant aux Romains de regagner la Gaule et d'approvisionner les soldats. A ce stade, les Romains se trouvaient donc totalement dépendants des Bretons pour faire face à un éventuel hivernage (César, Guerre des Gaules, IV, 29 ; Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 52). Cette lourde déconvenue fut d'ailleurs considérée par Suétone comme l'un des trois revers majeurs subis par César au court de la guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.), avec sa défaite face à Gergovia (mai 52 av. J.-C.) et le massacre des troupes romaines à Atuatuca (54 av. J.-C.) (Vies des douze Césars : Vie de Jules César, XXV).
César, Guerre des Gaules, IV, 28 :"La paix était ainsi assurée, et il y avait quatre jours qu'on était arrivé en Bretagne, lorsque les dix-huit navires, dont il a été parlé plus haut, et qui portaient la cavalerie, sortirent par un bon vent, du port des Morins. Comme ils approchaient de la Bretagne et étaient en vue du camp, il s'éleva tout à coup une si violente tempête, qu'aucun d'eux ne put suivre sa route, et qu'ils furent, les uns rejetés dans le port d'où ils étaient partis, les autres poussés vers la partie inférieure de l'île, qui est à l'occident, où ils coururent de grands dangers. Ils y jetèrent l'ancre, mais inondés par les vagues, ils furent forcés, au milieu d'une nuit orageuse, de reprendre la haute mer, et de regagner le continent."
César, Guerre des Gaules, IV, 29 :"Il se trouva que cette nuit-là même la lune était en son plein, époque ordinaire des plus hautes marées de l'Océan. Nos soldats l'ignoraient. L'eau eut donc bientôt rempli les galères dont César s'était servi pour le transport de l'armée et qu'il avait mises à sec. Les vaisseaux de charge, restés à l'ancre dans la rade, étaient battus par les flots, sans qu'il y eût aucun moyen de les gouverner ni de les secourir. Plusieurs furent brisés ; les autres, dépouillés de leurs cordages, de leurs ancres et du reste de leurs agrès, se trouvaient hors d'état de servir, ce qui, chose inévitable, répandit la consternation dans toute l'armée. On n'avait pas en effet d'autres vaisseaux pour la reporter sur le continent, et tout manquait de ce qui est nécessaire pour la réparation. Enfin, comme on s'attendait généralement à hiverner dans la Gaule, aucune provision de blé n'avait été faite pour passer l'hiver dans ce pays."
Dion Cassius, Histoire romaine, XXXIX, 52 :"Sur ces entrefaites, une tempête ayant endommagé les vaisseaux que les Romains avaient déjà et ceux qui allaient arriver, les Bretons changèrent de sentiment. A la vérité, ils n'attaquèrent pas ouvertement les Romains, dont le camp était gardé par des forces redoutables ; mais, après avoir bien accueilli des soldats qui étaient venus chercher des vivres chez eux, comme dans un pays ami, ils les massacrèrent, sauf un petit nombre que César put secourir en toute hâte."
Florus, Abrégé de l'Histoire romaine, III, 11 :"Après avoir tout réglé sur terre et sur mer, il tourna les yeux vers l'océan, et, comme si le monde conquis ne suffisait pas aux Romains, il songea à en conquérir un autre. Il rassembla donc une flotte et il passa en Bretagne avec une rapidité étonnante : ayant quitté le port des Morins à la troisième veille, il aborda dans l'île avant midi. Son arrivée remplit de tumulte le rivage ennemi, et les Bretons, affolés à la vue de ce spectacle nouveau, faisaient voler leurs chars de tous côtés. Cet affolement nous tint lieu de victoire. Ils livrèrent en tremblant des armes et des otages à César qui serait allé plus loin, si l'océan n'eût châtié par un naufrage l'audace de sa flotte."
Suétone, Vies des douze Césars : Vie de Jules César, XXV :"Voici, en peu de mots, ce qu'il fit pendant les neuf années que dura son commandement. Toute la Gaule comprise entre les Pyrénées, les Alpes, les Cévennes, le Rhône et le Rhin, c'est-à-dire dans un circuit de quelque trois millions deux cent mille pas, il la réduisit en province romaine, à l'exception des villes alliées et de celles qui avaient bien mérité de Rome, et il imposa au pays conquis un tribut annuel de quarante millions de sesterces. Il est le premier qui, après avoir jeté un pont sur le Rhin, ait attaqué les Germains au-delà de ce fleuve, et qui leur ait infligé de lourdes défaites. Il attaqua aussi les Bretons, jusqu'alors inconnus, les vainquit, et en exigea des contributions et des otages. Au milieu de tant de succès, il n'éprouva que trois revers : l'un en Bretagne, où une violente tempête faillit détruire sa flotte ; un autre en Gaule, devant Gergovie, où une légion fut mise en déroute; et le troisième sur le territoire des Germains, où ses lieutenants Titurius et Aurunculeius périrent dans une embuscade."