Campagne de Marcus Popillius Laenas contre les Gaulois [-350]
Campagne de Marcus Popillius Laenas contre les Gaulois (350 av. J.-C.)
Après avoir effectué des levées de troupes à Rome, le consul Marcus Popillius Laenas les fit marcher en direction du mont Albain, près duquel stationnait l'armée gauloise. Plutôt que les affronter directement, il chargea ses troupes de s'emparer d'une éminence voisine du camp gaulois, depuis laquelle il était possible d'évaluer les forces en présence. Alors que les Romains travaillaient à fortifier leurs positions, leur présence fut décelée par les Gaulois, qui s'empressèrent de se mettre en ordre de bataille (Tite-Live, Histoire romaine, VII, 23).
Les Gaulois interprétèrent mal la raison pour laquelle les Romains occupaient cette position, et pensèrent qu'ils se fortifiaient parce qu'ils étaient saisis d'épouvante, si bien qu'ils attaquèrent sans crainte. De leurs côté, les Romains chargèrent les triaires (1) de parachever les travaux de fortification, tandis que fut confiée aux hastats (2) la charge de repousser l'assaut. Les hastats bénéficièrent de l'avantage de leur position. Les Gaulois furent accablés de traits et contraints à reculer dans le plus complet désordre, si bien que beaucoup furent tués dans la bousculade (Histoire romaine, VII, 23).
Les Romains quittèrent leurs position et gagnèrent la plaine et furent pris à partie par de nouveaux contingents gaulois. De premiers affrontements eurent lieu au cours desquels les Romains commencèrent à être gagnés par la fatigue, et le consul Marcus Popillius Laenas eut l'épaule gauche presque traversée par un mataris. La victoire n'étant aucunement aquise, le consul revint à la tête de ses troupes, après avoir couvert sa blessure, et les harangua. Les troupes romaines furent galvanisées par les exhortations, firent reculer les rangs gaulois, puis, se mettant en formation en triangle, percèrent leurs rangs. Alors désorganisée, l'armée gauloise se replia vers le mont Albain où, compte-tenu de ses blessures et de la fatigue de ses soldats, le consul renonça à les poursuivre (Histoire romaine, VII, 24).
(1) Les triarii étaient les soldats combattant dans le corps des vétérans, qui combattaient généralement en troisième ligne.
(2) Les hastati étaient les soldats romains armés d'une lance, qui combattaient en première ligne.
Sources littéraires anciennes
Tite-Live, Histoire romaine, VII, 23 :"Pour lui, après avoir suffisamment préparé et disposé toutes choses, il marcha à l'ennemi. Toutefois, afin d'en connaître les forces avant de tenter la dernière épreuve, il s'empara le plus près qu'il put du camp des Gaulois, d'une éminence, où il commença une enceinte de palissades. Cette nation fougueuse et naturellement avide de bataille, apercevant au loin les enseignes romaines, déploie sa ligne comme pour engager le combat sur l'heure ; puis, quand elle voit les Romains, au lieu de descendre en rase compagne, s'établir sur la hauteur, et même se couvrir de retranchements, les croyant frappés d'épouvante, et d'autant plus faciles à vaincre d'ailleurs, qu'ils sont en ce moment tout occupés de leurs travaux, elle fond sur eux avec un cri féroce. Les Romains, sans interrompre leurs travaux (les triaires seuls étaient à l'oeuvre, et les hastats et les principes s'étaient placés en avant des travailleurs pour les couvrir de leurs armes), soutinrent son attaque. Outre la vaillance, la hauteur de la position les servit encore. En plaine et sur un sol égal, les javelots et les lances jetés à l'ennemi retombent presque toujours à plat et sans portée ; ici, lancés d'en haut, ils frappaient d'aplomb et se fixaient. Les Gaulois, accablés sous le poids de ces traits qui leur percent le corps ou s'attachent à leurs boucliers qu'ils surchargent, étant parvenus en courant presque en face des Romains, hésitent soudain et s'arrêtent : ce moment d'incertitude ralentit leur ardeur et ranime l'ennemi : refoulés en arrière, ils roulent et se renversent les uns sur les autres, et cette déroute fut plus meurtrière que le carnage même ; car il y en eut plus d'écrasés dans cette chute rapide, que de tués par le glaive."
Tite-Live, Histoire romaine, VII, 24 :"Cependant la victoire n'était point encore assurée aux Romains : descendus dans la plaine, il devaient y trouver d'autres périls. Les Gaulois surmontèrent la douleur de cette perte, et de leur multitude surgit pour ainsi dire une armée nouvelle, qui opposa des troupes fraîches à l'ennemi vainqueur. Le Romain s'arrêta et retint son élan : il était trop las pour suffire à un second combat ; et puis le consul, qui s'était porté sans prudence aux premiers rangs, avait eu l'épaule gauche presque traversée d'un matar, et s'était un moment éloigné du champ de bataille. Mais la victoire échappait avec ces lenteurs ; alors le consul, après avoir bandé sa blessure, revient en tête des enseignes, et s'écrie : Qu'attends-tu là, soldat ? tu n'as point affaire ici à un ennemi latin ou sabin, dont tu feras un allié après la victoire. C'est contre des bêtes féroces que nous avons tiré le fer ; il faut verser leur sang ou donner le nôtre. Vous les avez repoussés du camp, jetés à la renverse au fond de la vallée, et, sur ces cadavres ennemis couchés à vos pieds, vous êtes debout encore. Couvrez les plaines d'autant de morts que vous en avez jonché les montagnes. N'espérez pas qu'il vous fuient, si vous restez-là il faut aller en avant, et charger l'ennemi ! À ces exhortations, ils s'élancent de nouveau, font reculer les premiers manipules gaulois ; puis, formés en triangle, percent le centre de la ligne. Alors, en pleine déroute, les Barbares, qui n'avaient ni chefs ni discipline certaine, tournent leur marche impétueuse vers leurs alliés ; dispersés par les campagnes, et emportés dans leur fuite au-delà même de leur camp, ils gagnent le lieu le plus élevé qu'ils rencontrent, le mont Albain, qui se dresse à leur yeux comme une citadelle au milieu des hauteurs voisines. Le consul ne les poursuivit pas au-delà de leur camp : il était appesanti par sa blessure, et il ne voulait pas exposer une armée fatiguée du combat au pied de ces éminences occupées par l'ennemi. Il donna au soldat le butin du camp, et ramena dans Rome son armée victorieuse, et riche des dépouilles gauloises."