Victoire de Quintus Lollius Urbicus sur les Brigantes et autres peuples du nord de la Bretagne [141/142]
Victoire de Quintus Lollius Urbicus sur les Brigantes et autres peuples du nord de la Bretagne (141-142 ap. J.-C.)
D'après Julius Capitolinus (Histoire Auguste : Vie d'Antonin le Pieux, V) et Pausanias le Périégète (Description de la Grèce, VIII, 43, 1), le début du règne d'Antonin (138-161 ap. J.-C.) fut marqué par une important conflit en Bretagne. Pausanias indique que ce conflit fut causé par le fait que les Brigantes aurait envahi le territoire de Γενουνίαν "Génunie", allié de Rome. Le territoire de Γενουνίαν n'est connu par aucune autre source et il est commun depuis les travaux d'O. Hirschfeld, de l'identifier comme une transcription erronée du nom de Vinovia (Binchester, Bishop Auckland), fort romain situé en arrière du mur d'Hadrien, établis sur le territoire de ces mêmes Brigantes. Un cadre chronologique plus précis est fourni par Julius Capitolinus, qui indique que le gouverneur en charge de l'offensive romaine fut Quintus Lollius Urbicus, principalement connu pour avoir fait édifier le mur d'Antonin. Une datation plus précise peut être fournie par une série d'émissions monétaires datées de 143-144 ap. J.-C. (RIC III, 113 ; 719 ; 742-745 ; 934) célébrant une grande victoire militaire remportée en Bretagne, que S. Mitchell et al. (2002) et D. J. Breeze (2013) assimilent à celle de Quintus Lollius Urbicus. D. J. Breeze (2013) note que cette victoire remonte très certainement à 141-142 ap. J.-C., puisque c'est en 142 que l'empereur Antonin le Pieux fut acclamé impérator pour la seconde fois, comme en témoigne la plus ancienne attestation connue de ce titre, sur une inscription lui ayant été consacrée à Salerne (CIL 10, 515).
La construction récente du mur d'Hadrien (122-136/38 ap. J.-C.) peut être vue comme l'une des causes de ce conflit, mais très certainement aussi la politique expansionniste menée par Antonin le Pieux. A la même époque, Quintus Lollios Urbicus entreprit un certain nombre de travaux préparatoires à l'invasion du nord de la Bretagne et plus précisément de vastes portions des territoires abandonnés par les Romains en 122 ap. J.-C.. Le long de Dere Street, axe routier stratégique établis en 80 ap. J.-C. par Cnaeus Iulius Agricola pour envahir le nord de l'île, les troupes romaines s'affairaient :
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Immédiatement au sud du mur d'Hadrien, le vieux fort construit par Cnaeus Iulius Agricola à Corstopitum (Corbridge), devenu par la suite un fort de soutien sur le territoire des Brigantes, a été totalement reconstruit et largement agrandi. Les inscriptions érigées par les soldats de la légion II Augusta y ayant travaillé indique que ces travaux ont été entrepris du temps de Quintus Lollios Urbicus, soit entre 138 et 142/143 ap. J.-C. (RIB-01, 1147 ; AE 1936, 75a et RIB-01, 1148).
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Sur le mur d'Hadrien lui-même, le fort de Cilurnum (Chesters) a fait l'objet de travaux par la légion VI Victrix Pia Fidelis (CIL 07, 584 ; RIB-01, 1460 et RIB-01, 1461). L'inscription ne mentionne pas Quintus Lollios Urbicus, mais est datée de 139-140 ap. J.-C.
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Enfin, au nord du mur d'Hadrien, le vieux fort également construit par Cnaeus Iulius Agricola à Bremenium (High Rochester), devenu par la suite un avant-poste sur le territoire des Votadiniens, a été totalement reconstruit. L'inscription érigée par les soldats de la cohorte I Lingonum equitata y ayant travaillé indiquent également que ces travaux ont été entrepris du temps de Quintus Lollios Urbicus (CIL 07, 1041 ; RIB-01, 1276).
Ces travaux visaient de toute évidence à remettre en état ou à moderniser des installations militaires stratégiques, pour engager des troupes dans le nord de l'île et leur faire parvenir les approvisionnements nécessaires. Si on se fit à l'interprétation d'O. Hirschfeld, et que l'on identifie le territoire de Γενουνίαν, mentionné par Pausanias le Périégète, comme étant celui de Vinovia, on remarque que ce fort romain et son vicus étaient justement établis le long de Dere Street, à quelques dizaines de kilomètres au sud de Corstopitum (Corbridge). L'attaque menée par les Brigantes, demeurés insoumis et probablement échaudés par la construction récente du mur d'Hadrien (122-136/38 ap. J.-C.), visait-elle à contrarier les travaux préparatoires effectués par les Romains ? Visait-elle à couper les troupes romaines déjà engagées du reste de la province ? Les sources sont muettes à ce sujet. Toujours est-il qu'ils cherchèrent visiblement à perturber l'offensive menée par les Romains vers le nord et l'annexion des territoires des Novantes, Selgoves, Votadiniens et la portion méridionale de celui des Damnoniens (mais également les portions septentrionales du leur et de celui des Carvètes). Bien qu'aucune source ne le précise, il est tout à fait envisageable que ces mêmes populations aient apporté leur appui lors de cette guerre.
Pausanias le Périégète, Description de la Grèce, VIII, 43, 1 :"Cet empereur n'engagea jamais de son propre mouvement les Romains dans aucune guerre ; mais l'empire fut attaqué par les Maures, peuplade la plus considérable des Libyens indépendants. Ces Maures, nomades comme les Scythes, sont bien plus difficiles à vaincre qu'eux voyageant à cheval eux et leurs femmes, et non sur des chariots. Antonin les ayant chassés de tout le pays soumis aux Romains, les repoussa aux extrémités de la Libye, vers le mont Atlas et vers les peuples des environs. Il dépouilla aussi d'une portion de leur territoire, les Brigantes, peuple de l'île Britannique, qui, sans être provoqués avaient fait une invasion à main armée dans la Génunie, pays soumis aux Romains."
Julius Capitolinus, Histoire Auguste : Vie d'Antonin le Pieux, V :"Il fit plusieurs guerres par ses lieutenants. C'est ainsi que Lollius Urbicus vainquit les Bretons, et fit élever un second mur de gazon après avoir repoussé ces barbares. Les Maures furent réduits à demander la paix. Les gouverneurs de provinces et ses généraux soumirent les Germains, les Daces, plusieurs autres peuples, et les Juifs, qui s'étaient révoltés. Il étouffa aussi des rébellions en Achaïe et en Égypte."
"À l'empereur César Titus Aelius Hadrianus Antoninus, Auguste, le pieux, père de la patrie, 2 fois consul. Le détachement de la légion VI Victrix Pia Fidelis (a fait)."
"À l'empereur César Titus Aelius Hadrianus Antoninus Auguste, le pieux, 3 fois consul, père de la patrie. Sous la direction de Quintus Lollius Urbicus, légat d'Auguste propréteur , la légion II Augusta a fait."
"À l'empereur César Titus Aelius Hadrianus Antoninus Auguste, le pieux, 3 fois consul, père de la patrie. Sous la direction de Quintus Lollius Urbicus, légat d'Auguste propréteur, la légion II Augusta a fait."
High Rochester (CIL 07, 1041 ; RIB-01, 1276) IMP(ERATORI) CAES(ARI) T(ITO) AELIO H(A)D(RIANO) ANTONINO AVG(VSTO) PIO P(ATRI) P(ATRIAE) SVB Q(VINTO) LOL(LIO) VRBICO LEG(ATO) AVG(VSTI) PRO PRAE(TORE) COH(ORS) I LING(ONVM) EQ(VITATA) F(ECIT)
"À l'empereur César Titus Aelius Hadrianus Antoninus Auguste, le pieux, père de la patrie. Sous (la direction de) Quintus Lollius Urbicus, légat d'Auguste propréteur, la cohorte I Lingonum equitata a fait."
Sources numismatiques
As frappé à Rome en 143-144 ap. J.-C. (RIC III, 934) ANTONINVS AVG(VSTVS) PI-VS P(ATER) P(ATRIAE) TR(IBVNITIA) POT(ESTATE) XVIII // BRITAN-N-IA / CO(N)S(VL) III / S(ENATVS) C(ONSVLTVM)
"Antoninus, Auguste, le pieux, père de la patrie, revêtu du pouvoir tribunicien 18 fois // la Bretagne / 3 fois consul / par décision du sénat"
Aureus frappé à Rome en 143-144 ap. J.-C. (Spink 639, RIC III, 113) ANTONINVS AVG(VSTVS) PI-VS P(ATER) P(ATRIAE) TR(IBVNITIA) POT(ESTATE) CO(N)S(VL) III // IMPER-AT-OR II / BRITAN(NIA)
"Antoninus, Auguste, le pieux, père de la patrie, revêtu du pouvoir tribunicien, 3 fois consul // 2 fois impérator / la Bretagne"
Sesterce frappé à Rome en 143-144 ap. J.-C. (RIC III, 719) ANTONINVS AVG(VSTVS) PI-VS P(ATER) P(ATRIAE) TR(IBVNITIA) POT(ESTATE) CO(N)S(VL) III // IMPERA-T-OR / BRI-TAN(NIA) / S(ENATVS) C(ONSVLTVM)
"Antoninus, Auguste, le pieux, père de la patrie, revêtu du pouvoir tribunicien, 3 fois consul // Impérator / la Bretagne / par décision du sénat"
Sesterce frappé à Rome en 143-144 ap. J.-C. (RIC III, 742) ANTONINVS AVG(VSTVS) PIVS P(ATER) P(ATRIAE) TR(IBVNITIA) POT(ESTATE) CO(N)S(VL) III // BRI-TA-N-NIA / S(ENATVS) C(ONSVLTVM)
"Antoninus, Auguste, le pieux, père de la patrie, revêtu du pouvoir tribunicien, 3 fois consul // La Bretagne / par décision du sénat"
Sesterce frappé à Rome en 143-144 ap. J.-C. (RIC III, 743) ANTONINVS AVG(VSTVS) PIVS P(ATER) P(ATRIAE) TR(IBVNITIA) POT(ESTATE) CO(N)S(VL) III // IM-PERA-TOR II / BRI-TAN(NIA) / S(ENATVS) C(ONSVLTVM)
"Antoninus, Auguste, le pieux, père de la patrie, revêtu du pouvoir tribunicien, 3 fois consul // 2 fois impérator / la Bretagne / par décision du sénat"
Sesterce frappé à Rome en 143-144 ap. J.-C. (RIC III, 744) ANTONINVS AVG(VSTVS) PIVS P(ATER) P(ATRIAE) TR(IBVNITIA) POT(ESTATE) CO(N)S(VL) III // IM-PERA-TOR II / BRI-TAN(NIA) / S(ENATVS) C(ONSVLTVM)
"Antoninus, Auguste, le pieux, père de la patrie, revêtu du pouvoir tribunicien, 3 fois consul // 2 fois impérator / la Bretagne / par décision du sénat"
Sesterce frappé à Rome en 143-144 ap. J.-C. (RIC III, 745) ANTONINVS AVG(VSTVS) PI-VS P(ATER) P(ATRIAE) TR(IBVNITIA) POT(ESTATE) CO(N)S(VL) III // IMPER-AT-OR II / BRITANNIA / S(ENATVS) C(ONSVLTVM)
"Antoninus, Auguste, le pieux, père de la patrie, revêtu du pouvoir tribunicien, 3 fois consul // 2 fois impérator / la Bretagne / par décision du sénat"
Sources
• D. J. Breeze, (2013) - Roman Frontiers in Britain, Bloomsbury Publishing, Londres, 128p.
• S. Mitchell et al., (2002) - Coins of England and the United Kingdom, Spink Standard Catalogue of British Coins, 37th Edition, 516p.
• Julien Quiret pour l'Arbre Celtique