"Les contes que jo sai verais,
dunt li Bretun unt fait les lais,
vos conterai assez briefment.
El chief de cest comencement
sulunc la letre e l'escriture
vos mosterrai une aventure,
ki en Bretaigne la Menur
avint al tens anciënur. " (lai de Guigemar)
Je vais vous raconter, en peu de mots,
les contes dont je sais qu'ils sont vrais,
les contes dont les Bretons ont tirés leurs lais.
Au terme de ce prologue,
coformément au texte écrit,
voici une aventure
survenue, il y a bien longtemps,
en Petite Bretagne.
A la fin du lai, Guigemar, fils du sire de Léon Oridial, attaque son ami Meriaduc pour l'amour d'une femme et brûle son château.
Outre Conan Meriadec, on peut sans doute identifier Guigemar à Guyomarc'h, nom fréquemment porté par les comtes de Léon : après la mort de Morvan, un certain Guiomarc'h s'opposa à Louis le Pieux qui eut besoin de trois campagnes pour le vaincre, en 822, 824 et 825
Plus tard, un autre Guyomarc'h, vicomte de Léon, s'oppose à Henri II Plantagenêt, qui brûle son plus puissant donjon en 1167.
Il semble que les sources de Marie soient essentiellement orales : les lais des conteurs bretons qui fréquentaient la cour d'Angleterre. Mais, comme elle le laisse entendre (sulunc la letre e l'escriture), elles pouvaient aussi être écrites. De plus, elle a aussi lu Wace.
Gwenaël le Duc indique que de tous les textes arthuriens, le lai de Guigemar est le seul à mentionner que le Kastell Meriadoc est en ruine. Mais il faudrait être sûr que la destruction du château de Meriaduc, relatée dans le lai de Guigemar, ne se réfère pas en fait à celle de 1167.
A priori, le lai de Guigemar est un des premiers lais composé par Marie (il est le seul à comporter un prologue spécifique, en plus du prologue général). Ses lais sont dédiés à Henri II, il y a des emprunts au Brut de Wace, ce qui les place donc entre 1155 et 1189. Difficile d'être plus précis, et il y a des divergences entre les spécialistes (Hoepffner, Ménard)
En tout cas, une chose est sûre : il y a des traditions bretonnes armoricaines anciennes, orales et écrites, concernant Conan Meriadec, traditions indépendantes de l'Historia de Nennius, pourtant connue en Petite-Bretagne. On peut supposer que Geoffroi de Monmouth et d'autres ont puisé à ces traditions. Mais reposent-elles sur un fond de vérité ? Aze 'mañ an dalc'h.