Création du monde...

[DarkBadger]

Je recherche actuellement des renseignements sur la création du monde dans la religion celte et je n'arrive malheureusement pas à trouver de document correct... Donc si quelequ'un avait un site ou des bouquins à me conseiller ce serait super!!

[Fergus]

Aucun document celtique écrit n'évoque un quelconque mythe de création du monde : les druides n'écrivaient pas leur doctrine, et les irlandais médiévaux qui mirent par écrit les anciens mythes, en supprimèrent tout concept trop étranger au christianisme.

Cependant, il y a dans les textes certains indices d'une conception particulière de l'origine du monde, une conception cosmologique typiquement indo-européenne - et non un récit décrivant la création du monde par un démiurge extérieur. Il est très probable, par exemple, que le Lebor Gabala Erenn ("Livre des Conquêtes de l'Irlande") soit une christianisation superficielle d'un tel mythe. On trouve ce texte en partie traduit en français dans l'ouvrage de Christian-J. Guyonvarc'h Les Textes mythologiques irlandais, éd. Ogam-Celticum, Rennes, 1980. Malheureusement ce livre est épuisé, en projet de réédition chez Armeline.
De toute façon, le Lebor Gabala est un texte assez difficile, et pour y trouver un mythe de création du monde, il faut avoir quelque connaissance d'autres mythes indo-européens ou non (indiens, grecs, etc.). On cherche encore l'érudit qui serait capable d'en faire une analyse fine dans cette optique.

[Muskull]

Bonjour

Difficile oui, car il semble y avoir une évolution toute particulière du mythe.

Nous avons là une terre désertique (terre gaste ?) où se forment des lacs qui permettent la vie.
On est loin du surgissement des eaux et de la terre qui se "dessèche" pour permettre la vie.
Le "truc" est même un peu à l'envers, le seul mythe que j'ai trouvé s'y rapprochant est Sumérien :
"La terre flotte sur un océan d'eau douce qui transpire à travers sa peau."

Mais ce que pouvait représenter un lac pour ces peuples anciens, je ne sais pas, bien que le mythe de submersion y "affleure"...
Selon Guyonvarc'h / Leroux dans "la ville d'Is" les submersions d'eaux douces sont liées à "la femme de l'autre monde", Bansid, Banshee...

Il y a peut-être une piste...

[Fergus]

Oui, il y a ces thèmes de surgissement des lacs et des rivières, et de défrichement des forêts et des plaines.
Mais il y a aussi l'histoire des cinq "races" qui peuplèrent l'Irlande successivement : (Cesair, qui est "hors-concours") ; Partholon ; Nemed ; Fir Bolg ; Tuatha Dé Danann ; Gaels...

[mikhail]

Ajoutons que les Irlandais de l'Antiquité distinguaient l'eau immobile (lacs) et l'eau courante (rivière), enfin la mer. Je n'ai pas trouvé d'explication claire ;
Au sujet des lacs, ils les "créaient", ce qui est également surprenant (pour nous) et sans explication.
Pour eux, c'était sans doute ambiant, une donnée qui n'avait besoin que de préciser le nombre de lacs créés pour parler à l'imagination des auditeurs...

mikhail

[Rónán]

Dans le Lebor Gabála, c'est rageant: on nous parle de la création du monde (celle de la Bible), Adam et Eve, puis le Déluge et ensuite, les invasions des différents peuples (c'est là que commence la mythologie irlandaise, donc)...

je crains qu'on ne sache jamais comment les Celtes voyaient la création du monde.
Je conseille néanmoins de lire la création du monde dans le Kalevala finnois (y a des traductions francaises trouvables sur le ouèbe), ca n'a aucun rapport niveau culturel, mais c néanmoins tres beau et poétique


Rónán

[Fergus]

je crains qu'on ne sache jamais comment les Celtes voyaient la création du monde

L'expression même "création du monde" est plutôt judéo-chrétienne : les mythes cosmologiques des autres traditions ne sont pas à proprement parler des "créations", mais des symboles qui expliquent le pourquoi des choses telles qu'elles sont. C'est pourquoi, en milieu "polythéiste" ou "païen", si on préfère, il peut exister plusieurs versions de l'origine du monde, qui semblent se contredire, mais qui ne font qu'insister sur tel ou tel aspect du monde.
Il n'y a pas de création au sens judéo-chrétien, avec un vieux bonhomme assis sur un nuage, qui décide de créer l'univers à partir de rien.

Il est probable que le Lebor Gabala recèle, malgré le rattachement à la Genèse chrétienne, des restes du mythe cosmogonique celtique, de même que d'autres textes médiévaux, comme l'histoire de Tuan mac Cairill, ou celle de Fintan dans la Fondation du Domaine de Tara. Il ne faut pas s'attendre à trouver des textes explicites, bien racontés comme dans un roman ou dans la Genèse biblique : la littérature irlandaise médiévale n'est pas simple.

[mikhail]

Oui, Fergus,
Tu as raison de bien préciser que le schéma dit judéo-chrétien a modelé la plupart des esprits, avec un "début" de l'histoire, une "progression", qui sera suivie d'une "fin de l'histoire", à savoir le jugement dernier et la résurrection des corps, même si cette dernière partie est plus ou moins volontairement occultée ou oubliée.

La vision du monde païenne est plutôt cyclique, c'est à dire basée sur la répétition : des jours, des années, des saisons, des générations... voire du monde lui-même avec sa régénération à l'identique, ou presque, comme dans la mythologie indienne.
"Presque" : il n'est pas attendu que l'été prochain, ou l'hiver, soient strictement identiques ; ce seront un été et un hiver.
Il n'y a aucun "début" et aucune "fin" du temps dans ces cosmogonies de type païen.

A noter que dans son "Discours vrai" (aléthèios logos) écrit vers 184, le philosophe Celse (latin, mais écrivain en grec) faisait remarquer que la résurrection des corps était une idée d'une incroyable grossièreté, bonne tout au plus pour "des femmes crédules ou des foulons".

Il y a une différence fondamentale entre la vison du monde païenne, polythéiste, et toutes les visions du monde de type monothéiste, marxisme inclus.

La science cosmologique actuelle, avec la théorie de récession des nébuleuses, inspirée à Friedmann et Lemaître vers 1925 par la théorie de la relativité d'Einstein (relativité générale, 1916), et très largement confirmée depuis, semble aller dans ce sens.
Bien noter que les scientifiques les plus stricts (Evry Schatzmann, Hubert Reeves et bien d'autres) rappellent qu'il est impossible de dire ce qui se passe "avant" le temps de Planck (10 puissance -34 seconde). Il n'y a pas de théorie scientifique explicative, pas de paradigme, rien, rien de rien.
Ils laissent donc un "début du temps" (et du monde) aux théologiens et autres raisonneurs fumeux.

Mais, comme le dirait Fergus, il ne faut pas confondre le symbolique et le grossier matériel.

mikhail