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Paris ou Lutèce ?Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice Paris ou Lutèce ? Bonjour,
De passage sur le site, je me permets d'apporter une petite contribution personnelle au débat. Ayant travaillé (avec d'autres) sur le thème des Parisii protohistoriques et des origines de Lutèce, je tiens à préciser les faits suivants : 1) L'existence d'une importante occupation de La Tène finale (IIIe-IIe s. av. J.-C.) sur la presqu'ile de Nanterre n'a rien d'un "scoop". Une première fouille de l'AFAN menée dans les années 1990 par mon collègue C. Durand y avait déjà mis en évidence des plans d'habitat, des armes, des vestiges d'artisanat monétaire, de nombreuses importations italiques, des armes, etc. La présence d'une importante nécropole à cet emplacement est connue depuis très longtemps, via la découverte de la fameuse "tombe à char de Nanterre", conservée au MAN à Saint-Germain-en-Laye. Que des archéologues cherchent à valoriser ces découvertes inconnues du public (et enrichir leur "press-book", par la même occasion), par le biais des médias, n'a rien de répréhensible. Mais il serait injuste de faire table-rase des travaux qui les ont précédés. Rendons à César, pour une fois ! 2) La possibilité que ces vestiges correspondent à la Lutèce "historique" du Bellum Gallicum est évoquée depuis plusieurs années : je l'ai expressément formulée dans un article de Gallia consacré à la fondation de la Lutèce romaine. Bien d'autres l'ont fait avant moi, de manière moins explicite... 3) Pour mémoire : cet article révèle que le sous-sol de Paris a effectivement livré des vestiges d'époque "gauloise". Mais ils sont plutôt tardifs : armement, amphores, fibules, céramiques datés de La Tène D2, soit du milieu du Ier s. av. J.-C. Malgré quelques découvertes plus anciennes, il semble que ces éléments soient liés à la fondation de Lutèce par les légions romaines au lendemain de la Guerre des Gaules. La découverte d'un probable auxiliaire de l'armée césarienne, jeté sous un puits fouillé sous l'actuel Palais du Luxembourg et d'autres pièces d'armement romain datées de cette période, conforte cette hypothèse. 4) A partir de là , le site de la Lutèce "historique" (dont César ne précise pas qu'il s'agit de la capitale des Parisii) peut se trouver n'importe où : sur l'île de la Cité et/ou les rives de la Seine environnantes, qui ont effectivement fluctué au cours du temps, à Nanterre, ou sur d'autres oppida présumés du territoire, qui sont nombreux... Pour ceux que le sujet intéresse, quelques titres récents : Les Celtes en Ile-de-France, collectif, Dossiers d'Histoire et d'Archéologie n°273, mai 2002. M. Poux, S. Robin, « Les origines de Lutèce. Acquis chronologiques, nouveaux indices d’une présence militaire à Paris, rive gauche ». Gallia 57, 2000, 181-226. M. Poux, N. Ginoux, « Les Parisii, entre Gaule Belgique et Gaule Celtique : ethnogénèse et territoire ». In : D. Garcia et F. Verdin (dir.), Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale. » Actes du XXIVe colloque de l’A.F.E.A.F. à Martigues. Editions Errance, Paris 2002, 226-242. M. Poux, « Puits funéraire d’époque gauloise à Paris (Sénat). Une tombe d’auxiliaire républicain dans le sous-sol de Lutèce » (avec la collaboration de B. Boulestin, D. Busson, Th. Lejars, Chr. Riquier-Bouclet et S. Robin). Protohistoire Européenne 4, éditions Monique Mergoil, Montagnac 1999. Un article plus accessible intitulé "Lutèce ou Paris ?", dans L'Archéologue-Archéologie nouvelle n°60, juin-juillet 2002, pp. 14-16. Ainsi que : M. Poux, S. Robin, « La naissance de Paris » La Recherche, n°325, novembre 1999, 40-42. C'est tout pour aujourd'hui. Au plaisir de vous lire !
Si j'ai bien lu ce qu'on dit du monnayage des Parisii, ils étaient dans la dépendance des Sénons (J. B. Colbert de Baulieu).
Ma question est celle-ci : Lutèce était-elle aussi importante à cette époque, ou bien ne sommes pas aveuglés par son importance actuelle, en face de ce qu'est resté Sens ? Ne regardons-nous pas Lutèce comme si elle était (déjà ) Paris ? mikhail, un Breton qui a toujours trouvé Paris sale et agitée du bocal
Les chars parisiiLes chars: une habitude bien parisii
De quoi aussi relancer le débat sur les mouvements des tribus celtes qui par leur métier, le commerce, la guerre… partaient dans tous les sens et pour toutes les raisons. Les nautoniers parisii de l’île de la Cité se retrouvent aussi dans le nord-est de l’île de Bretagne et certaines similitudes sont à prendre en considération notamment concernant les enterrements avec char. Un très bon récapitulatif sur les sites suivants (en anglais of course : http://www.roman-britain.org/tribes/parisi.htm Plus un extrait du Guardian du Wednesday December 3, 2003 concernant la découverte d’un char : http://www.guardian.co.uk/arts/news/sto ... 06,00.html et avec bcp de photos sur ce site ci : http://www.oxfordarch.co.uk/pages/chariot_burial.htm Ce qui serait surtout intéressant de savoir c'est dans quel sens la migration a été faite, d'ouest en est ou le contraire, et à quel époque? Votre avis? e.
Nanterre.Dites-moi si je trompe, j'ai lu dans un roman que le nom antique de Nanterre serait memeto durum.
Curmisagios
"chez le peuple, c’est de la bière toute simple, on l’appelle corma. Ils avalent petit à petit, à la même coupe, et pas plus d’un cyathe, mais ils y reviennent souvent"
Salut Curmisagios,
Apparement, oui. Nemeto Durum - Marché du Sanctuaire. Pour les formes intermédiaires. Il faut voir Ernest Negre "Toponymie génrale de la france vol:1 (1990). Quelqu'un l'a t-il? @+Pierre
nemeto-durumMerci.
Mon info venait de chez Marion Bradley Zimmer, d'où mon incertitude. En tout cas, çà écarte encore l'hypothèse de la localisation de Lutèce à Nanterre. Je ne crois pas que la ville ait pu porter deux noms différents. Curmisagios
"chez le peuple, c’est de la bière toute simple, on l’appelle corma. Ils avalent petit à petit, à la même coupe, et pas plus d’un cyathe, mais ils y reviennent souvent"
NuanceEncore une fois : Dum haec apud Caesarem geruntur, Labienus eo supplemento, quod nuper ex Italia venerat, relicto Agedinci, ut esset impedimentis praesidio, cum quattuor legionibus Luteciam proficiscitur. id est oppidum Parisiorum, positum in insula fluminis Sequanae (Bell. Gall. VII, 57, 2) Le texte de César (indirectement fondé sur un rapport de son fidèle lieutenant Labiénus) a été rédigé en latin, qui ne connaît pas l’article défini : oppidum parisiorum ne désigne pas LA capitale des Parisii (comme on le traduit généralement), mais UN oppidum des Parisii ! Nuance… À partir de là , le terme est suffisamment vague pour autoriser toutes les spéculations : véritable ville ou simple place forte, établie à proximité de ponts ? Peu importe. La bataille de Lutèce n'exclut pas l'existence d'une capitale civile plus importante, située en d’autres lieux : vaste agglomération ouverte établie sur une île ou une presqu’île de la Seine, fortifiée ou non, pourvue d’un marché en ou hors les murs. L’archéologie comme la toponymie désignent la Nanterre gauloise comme un centre économique (-duro), mais aussi (et surtout !), politique (nemeto-), sans équivalent dans ce secteur de la Seine. Jusqu’au jour où… A suivre ?
A suivre bien sûr
Et cela est particulièrement intéressant... Tu signales que les centres politiques ne peuvent êtres éloignés des centres religieux et pour moi c'était un peu du domaine mythique en ce qui concernait "les gaules". D'après les écrits anciens les druides de Gaule étaient plus notables et juristes que religieux, des clercs en somme par rapport aux textes mythologiques irlandais où ils étaient "disants" du divin "parlant avant le roi". Je voyais une "rupture" et tu signales une conformité. Dans le domaine de l'histoire des religions c'est des plus important. Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Dans le domaine celtique comme dans le monde gréco-romain, le politique est indissociable du religieux : pas de fondation qui ne soit placée sous le signe des divinités (à l'instar des augures qui présidaient à celle des colonies romaines).
L'archéologie des oppida confirme que dans la plupart des cas, l'existence d'un sanctuaire accompagne, voire précède, celle d'une ville importante : c'est notamment le cas à Lyon/Lugdunum, Chartres/Autricum, Corent (Auvergne)., pour citer trois<exemples qui me sont proches. On pourrait en citer beaucoup d'autres : Manching en Bavière, Le Titelberg au Luxembourg, Bâle... Cette dualité est parfaitement incarnée par le clergé décrit dans la guerre des Gaules. Les druides, au sens protohistorique du terme, cumulent fonctions religieuse, politique (des magistrats de la trempe de l'Eduen Diviciac, affronté par César), juridique (les condamnés à mort du sanctuaire de Fesques), mais aussi, économique et militaire : une tombe aménagée dans l'enceinte d'un sanctuaire récemment fouillé près de Poitiers (Saint-Georges-les-Baillargeaux) a livré les restes d'un personnage inhumé avec quatre grands couteaux en bronze, vraisemblablement utilisés dans le cadre du sacrifice, une carcasse de cochon, une amphore de vin italien et... un fer de lance ! Voila qui tranche, certes, avec l'image du sage baba-cool à la barbe fleurie, style Panoramix. Mais à bien relire le Bellum Gallicum, le clergé druidique n'avait rien d'un collège d'enfants de coeur.... Je m'arrête là : le sujet mériterait sans doute un fil de discussion à lui tout seul... Pour un dépoussiérage des clichés relatifs à l'aristocratie gauloise en général, aux magistratures religieuses en particulier, voir la série d'articles publiés dans les actes d'une table-ronde tenue à Bibracte en 1999 : V. Guichard, F. Perrin (dir.), « L’aristocratie Celte de la fin de l’Âge du fer » (juin 1999). Actes du colloque de Glux-en-Glenne. Collection Bibracte 6, 2002. Voir aussi le dernier opus de Jean-Louis Brunaux paru cette semaine, dont je viens de recevoir un exemplaire : Guerre et religion, Une anthropologie gauloise, Ed. Errance, Paris 2004. Tout un programme...
Entièrement d'accord avec Adcanaunos. Ce qui donne cette illusion de décalage entre les druides gaulois et ceux d'Irlande, c'est que dans le premier cas, les seuls "écrits" nous viennent des Romains ou des Grecs, qui n'ont pas beaucoup eu à connaître l'aspect religieux, rituel ou spirituel des druides, alors que pour l'Irlande, notre connaissance vient des textes médiévaux, qui ont au contraire amplifié le côté rituel, voire "magique" du druidisme. Fergus
-------------- - Ceist, a gillai forcetail, cia doaisiu mac ? - Ni ansa : macsa Dana, DÃ n mac Osmenta, (...) Ergna mac Ecnai, Ecna mac na tri nDea nDÃ na Extrait du Dialogue des Deux Sages
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