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Droit celtiqueModérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice Droit celtiqueLe texte suivant a été rédigé par le Pr. Raimund Karl, diplomé en Etudes Celtiques de l'Université de Vienne (Autriche), et professeur à l'Université de Bangor (Pays de Galles). Il met cette introduction à disposition du public, à condition qu'on cite son nom, ce qui est la moindre des choses, et son adresse e-mail : a8700035@unet.univie.ac.at et que ce texte ne soit pas utilisé à des fins commerciales. La maladroite traduction française est de Fergus Bodu, qui en assume les erreurs.
Il est certain que ce mini-traité concerne principalement le droit irlandais, qui est le plus complet qui nous soit parvenu. Le droit gallois est évoqué à la fin, ainsi que le droit celtique antique, pour lequel les sources sont évidemment très fragmentaires, mais où rien ne semble contredire ce qui est exposé ici. LE DROIT CELTIQUE Brève introduction par Raimund Karl Beaucoup de choses ont été dites sur le droit celtique : qu'il n'a en fait pas existé et que le plus fort avait raison, qu'il était hérité d'un système matriarcal, ou qu'il s'agissait d'un système matriarcal (notez que matriarcal est un terme de droit, il définit une forme d'héritage) et même qu'il s'agissait d'un système très complexe et infiniment supérieur à la plupart des systèmes d'aujourd'hui. Tout ceci est, dans une certaine mesure, vrai, mais pour le plus gros, c'est faux. Ce que je vais essayer de faire maintenant, c'est de donner une brève introduction à la façon dont la Loi Celtique fonctionnait réellement, la façon dont les choses étaient régulées par la loi, à quoi ressemblaient les lois et comment les problèmes juridiques étaient résolus. Une fois de plus, je commencerai par un coup d'œil aux sources qui sont parvenues jusqu'à nous. * * * LES SOURCES DU DROIT CELTIQUE Nous avons principalement deux groupes de sources de la plus grande importance pour notre connaissance du Droit Celtique. La première de ces sources est la tradition juridique irlandaise. Principalement écrite par les moines irlandais du 7ème au 10ème siècle de notre ère (bien que certains textes aient été écrits encore plus tard), ces textes juridiques, dont le plus gros a été édité par D. A. Binchy (Corpus Juris Hibernici, ci-dessous abrégé en CIH), et bien que parfois très influencés par des motifs chrétiens, nous donne peut-être le plus complet qui nous soit parvenu des textes légaux extérieurs au Droit Romain. La majeure partie de ces textes juridiques irlandais est appelée le Senchus Mor. Ces textes nous offrent essentiellement une bonne idée de ce à quoi ressemblait la loi avant la conquête par les Romains de la plupart de l'Europe. La deuxième source est la tradition juridique galloise. D'abord annotée vers le 12ème siècle, elle est définitivement mise par écrit un bon moment après le droit irlandais et, peut-être pour cette raison, montre beaucoup plus d'influences étrangères, à commencer par celle du Droit Romain, jusqu'aux influences normandes, en passant par celles du christianisme et des Anglo-Saxons. Cependant, les fondements du droit et le plus gros des lois sont très similaires aux lois irlandaises équivalentes. Le Droit gallois a été réuni sous le nom de Loi de Hywel Dda en un corpus unique. La comparaison avec le droit irlandais autorise la sélection de concepts celtiques communs. En plus de ces sources premières, qui nous offrent de vrais textes juridiques, nous possédons d'autres sources qui pourront nous instruire sur l'usage réel de la loi, et qui nous permettent de dépeindre l'aspect probable du droit celtique. D'abord, il y a les contes irlandais et gallois qui nous parlent, même si ce n'est pas souvent, des procédés juridiques. Ils peuvent nous dire comment les lois étaient réellement appliquées (contrairement aux textes juridiques eux-mêmes qui nous disent seulement comment les lois devraient être appliquées). Deuxièmement, il y a les sources historiques sur le Pays de Galles et l'Irlande, qui nous disent également comment les lois étaient réellement exécutées. Troisièmement, il y a les anciennes sources historiques qui parfois nous montrent furtivement des "coutumes" qui pourront s'expliquer par des prescriptions légales ultérieures, irlandaises ou galloises. Ceci pourra être comparé à d'autres systèmes par le comparatisme indo-européen, la linguistique comparée et les études comparatives de droit, afin de déterminer des modèles d'explication, et de remplir d'éventuelles lacunes par des reconstructions probables. Voici donc les sources principalement disponibles pour que nous essayions d'étudier les systèmes juridiques celtiques, bien que de temps à autre il soit possible que l'archéologie fournisse un ou deux indices applicables au droit Dernière édition par Fergus le Sam 17 Avr, 2004 11:30, édité 1 fois.
Fergus
-------------- - Ceist, a gillai forcetail, cia doaisiu mac ? - Ni ansa : macsa Dana, Dàn mac Osmenta, (...) Ergna mac Ecnai, Ecna mac na tri nDea nDàna Extrait du Dialogue des Deux Sages
BIBLIOGRAPHIE
Avant de commencer cette introduction, je donnerai une courte bibliographie, car il existe d'excellentes sources sur le droit celtique, qui sont relativement facilement disponibles. Beaucoup de textes existent en traduction anglaise, et vous pouvez ainsi les étudier vous-mêmes si vous le désirez. Fergus KELLY, A Guide to Early Irish Law. Early Irish Law Series 3, Dublin Institute of Advanced Studies 1988 (2ème édition 1995). ISBN 0-901282-95-2 Traductions et éditions de textes originaux (parfois commentés) : Thomas CHARLES-EDWARDS and Fergus KELLY, BECHBRETHA: An Old Irish law-tract on Bee-Keeping. (Edition et traduction) Early Irish Law Series 1, DIAS 1983. Liam BREATNACH, URAICECHT NA RI/AR: The Poetic Grades in Early Irish Law. (Edition et traduction) Early Irish Law Series 2, DIAS 1987, ISBN 0-901282-89-8 Fergus KELLY, AUDACHT MORAINN (Edition et traduction). DIAS 1976. Neil McLEOD, Early Irish Contract Law. Sydney Series in Celtic Studies 1, University of Sidney 1995. ISBN 0-86758-623-0 (Edition et traduction de DI ASTUD CHOR) De plus il existe de nombreuses traductions dans diverses revues d'études celtiques. Enfin, il y a l'édition complète de tous les textes juridiques irlandais connus jusqu'en 1978 environ : D.A. BINCHY, CORPUS IURIS HIBERNICI (Vol.I-VI), DIAS 1978.(édition sans traduction) Dernière édition par Fergus le Sam 17 Avr, 2004 11:31, édité 1 fois.
Fergus
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FONDEMENTS LEGAUX
Avant que nous jetions un coup d'œil aux lois qui existaient et à quoi elles ressemblaient, nous devons examiner les fondements du droit. Autant qu'on puisse le dire, l'unité régionale de base était la tribu (túath), et cela semble aussi avoir été l'unité judiciaire de base, le Droit Celtique distinguant les deorad "extérieurs" des aurrad "personnes de status légal dans la túath". Basiquement, il semble qu'un extérieur n'a aucun droit légal dans la túath et peut être tué, mutilé ou traité de n'importe quelle manière sans que ces actes soient considérés comme des infractions légales s'il n'existe aucun traité avec la túath d'où vient l'extérieur. Ce n'est que s'il existe un traité entre les deux tribus qu'une telle personne peut avoir une position légale. Le rang La deuxième base la plus importante du Droit irlandais était le rang. En simplifiant, plus votre rang est haut, plus votre position légale est haute. Ainsi, "une infraction contre une personne de plus haut rang entraîne une peine plus grande que la même infraction à l'encontre d'une personne de rang moins élevé. De même, le serment d'une personne de rang plus élevé a automatiquement plus de poids que celui d'une personne de rang moins élevé" (KELLY, 1988, p. 7). La mesure du statut d'une personne est son prix de l'honneur ou lóg n-enech (littéralement le "prix de sa face"), qui doit être payé pour tout outrage grave comme le meurtre, la satire, les blessures graves, etc. Les infractions qui ne touchent pas à l'honneur de la victime - comme les dégâts légers à la propriété ou la divagation d'animaux - entraînent des amendes plus légères. La capacité d'un individu à accomplir la plupart des actes légaux est directement liée à ce prix de l'honneur. Il ne peut conclure un contrat qu'en fonction de son prix de l'honneur, il ne peut être garant pour un montant plus élevé, et son serment n'a que la valeur de son prix de l'honneur quand un serment compurgatoire est requis (voir plus loin, chap. sur les personnes de statut doernemed). Je traiterai du rang de manière plus détaillée dans "Les Structures Sociales Celtiques - brève introduction". La parenté C'est un autre élément de base du système légal. Je ferai un survol plus détaillé de la parenté dans "Les Structures Sociales Celtiques - brève introduction", mais il est nécessaire d'en dire quelques mots ici aussi. Le groupe parental dont il est fait mention le plus souvent dans les textes juridiques est le derbfine "vraie parenté", qui comprend tous les descendants d'un arrière-grand-père commun. Ce groupe a des droits légaux considérables sur ses membres. Chaque groupe parental possède sa propre terre parentale, appelée fintiu, envers laquelle chacun des mâles adultes compétents a une responsabilité. Cette terre ne peut être vendue qu'avec le consentement de la parenté. Un homme, s'il a convenablement rempli ses obligations envers la parenté, peut annuler les contrats des autres membres de la parenté s'il pense qu'ils sont préjudiciables à la parenté. D'un autre côté, la parenté est légalement responsable des infractions commises par ses membres - un membre de la parenté peut être saisi si l'auteur ne peut remplir ses obligations légales. Bien sûr, la parenté peut exiger de l'auteur toute perte due à ce genre de saisie, et l'auteur peut être exclu de la parenté s'il ne peut satisfaire les exigences de sa parenté - acte par lequel il perd tout droit légal. Si un membre d'une parenté est illégalement tué, ses parents reçoivent une part du éraic (prix du sang), et si le coupable ne paie pas, les membres de la parenté peuvent poursuivre une vendetta contre lui. L'acte de tuer un membre de sa parenté, appelé fingal, est particulièrement abhorré. L'assassin perd sa part de la terre parentale, mais il est toujours assujéti au paiement des amendes pour les infractions commises par les autres parents. Le chef de la parenté est appelé ágae fine ou cenn fine (parfois conn fine). Il est choisi parmi la parenté, probablement par élection, sur la base d'une richesse et d'un rang supérieurs et du bon sens, et il agit et parle au nom de sa parenté aux occasions publiques. La parenté maternelle Même si la parenté est d'abord déterminée par la ligne paternelle, la parenté maternelle joue aussi un rôle. Au mariage, la femme ne coupe pas totalement ses liens avec sa propre parenté. La parenté maternelle est aussi amenée à prendre part à une vendetta si l'enfant d'une de ses filles est tué et si le coupable ne paie pas, elle reçoit une part de l'éraic pour un tel meurtre, et elle doit intervenir si l'éducation d'un enfant n'est pas correctement menée à bien. Fergus
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LES PERSONNES
Fondamentalement, il existe trois catégories de personnes dans le droit irlandais. La première et la plus importante est la catégorie des nemed, signifiant plus ou moins "noble, privilégié" (littéralement "sacré"), comprenant les nobles au sens strict, et certains hommes d'art. La catégorie suivante est celle des hommes libres, comprenant le reste des artisans et les fermiers, et enfin il y a les non-libres. Je vais jeter un œil aux lois concernant ces classes par ordre descendant. Les gens de rang nemed Au rang de nemed appartiennent fondamentalement cinq catégories de personnes, à savoir : les rois, les nobles, les hospitaliers, les clercs et les poètes. De plus, certains parlent de doer nemed "nemed inférieurs", comprenant les médecins, les juges, les forgerons, les chaudronniers, les harpistes, les charpentiers et d'autres artisans comme composants du niveau inférieur des nemed, mais il est clair que ces derniers ne jouissaient pas de tous les privilèges des cinq groupes de personnes mentionnés ci-dessus. Le rang de nemed conférait quelques privilèges. Par exemple, la propriété d'un nemed ne peut pas être saisie (terme légal expliqué plus loin) de manière habituelle, car on doit d'abord jeûner contre lui. Il est également dispensé de certaines obligations légales. Cependant, même une personne nemed n'est pas entièrement au-dessus de la loi. Ainsi, un hors-la-loi (par exemple quelqu'un ne payant pas les amendes qu'il doit) ne peut pas trouver refuge auprès d'un nemed, quel que soit le rang de ce dernier. * * * * Le Roi : Rí Il y a différentes catégories de rois, ce dont je parlerai plus en détail dans les Structures Sociales Celtiques. Fondamentalement, ces différences proviennent du nombre de túatha placées sous le controle du roi, et le prix de l'honneur d'un roi peut varier de 7 à 14 cumal (ce terme sera défini plus loin). Le roi a certaines obligations légales, et leur non-respect peut entraîner une réduction voire une perte du prix de l'honneur, et donc de son statut. Ces obligations sont : * La justice du roi : fír flathemon Cette obligation est l'une de celles qu'on retrouve le plus dans les textes épiques. Dans cette catégorie d'obligations, on trouve l'interdiction de travailler avec un maillet, une bêche ou une hache, l'obligation d'être toujours accompagné d'une suite appropriée, de ne pas défaillir à son serment d'être capable de faire respecter ses droits, bien sûr de rendre des jugements corrects, mais aussi de ne pas être couard (une blessure au cou reçue en fuyant une bataille réduit son rang à celui du commun, sauf s'il reçoit cette blessure en traversant les lignes ennemies), ne pas présenter de disgrâce physique ni enfreindre ses geisi (voir plus loin). La conséquence normale et bien connue d'une infraction à la justice du roi est le soulèvement de la terre contre le roi. Il y a alors stérilité et de mauvaises conditions naturelles, ainsi qu'une instabilité politique. * La législation La législation ne semble pas faire partie des droits royaux selon la loi irlandaise ancienne. Cependant le roi peut publier une ordonnance (rechtgae) en cas d'urgence. * L'application de la loi A l'évidence l'application de la loi avait lieu grâce à un système élaboré de cautionnement, de plaidoirie et de saisie, si bien que le roi n'était pas impliqué dans les procédures ordinaires d'application de la loi. Cependant, en cas d'ordonnance d'urgence et dans les problèmes juridiques dépassant la compétence d'une seule túath, le roi était sollicité afin d'appliquer la loi à ses sujets. * Le jugement Bien sûr, le roi devait être présent dans les plus importantes affaires judiciaires (de même que l'évêque et le chef-poète), et d'approuver les jugements rendus dans de tels cas, si ce n'est de juger les cas lui-même. Il semble également que si un juge refuse de jurer à l'appui de son jugement, l'affaire était présentée au roi, si bien que celui-ci semble avoir fonctionné comme l'institution suprême dans les affaires judiciaires ne pouvant pas être traitées par des juges subalternes. * L'observation de la loi Bien sûr le roi devait observer la loi comme tout autre membre de la túath. Cependant, si pour quelque raison une plainte légale était déposée contre le roi, celui-ci peut se faire représenter par un "manant-substitut" (aithech fortha), personne de bas rang dépendant du roi qui peut être saisi sans affecter l'honneur du roi. Si le roi n'a pas de tel "manant-substitut", le plaignant peut alors saisir le roi, mais seulement par une procédure très particulière. _________________ Fergus
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* Le seigneur : flaith
Les droits du seigneur sont fondamentalement basés sur ses clients, car ceux-ci déterminent son statut. Un seigneur doit avoir un certain nombre de client pour être un seigneur, dont le plus bas niveau est le aire déso "seigneur de vasselage", qui a 5 clients libres et 5 clients de base (les concepts de client libre et client de base seront expliqués plus loin). Cependant un seigneur se doit d'être juste avec ses clients ; il perd son honneur s'il ne remplit pas ses obligations envers eux, et peut également perdre son prix de l'honneur pour diverses infractions comme le refus d'hospitalité, le recel de hors-la-loi, la tolérance de la satire, le fait de manger de la nourriture notoirement volée, et de trahir son honneur. De plus, il y avait des descriptions relativement détaillées de ce qu'il devait posséder, en plus du nombre requis de clients, jusqu'à la taille de sa maison et le nombre de lits qui s'y trouvent. De plus, un seigneur peut avoir des subordonnés non-libres (contrairement aux clients qui sont des hommes libres). Ceci comprend le fuidir (tenancier demi-libre, qui ne peut conclure un contrat légal sans la permission de son seigneur et qui doit remplir les tâches fixées par son seigneur - contrairement au client qui a un nombre fixe de tâches à remplir). Le fuidir doit être entretenu par le seigneur qui doit également payer pour toute infraction, mais qui récolte aussi lui-même les amendes dues pour des infractions contre le fuidir. Cependant le fuidir peut quitter la propriété de son seigneur, à la condition qu'il ne laisse aucun engagement ni dette et qu'il restitue deux tiers des produits de sa ferme à son ancien seigneur. Ensuite nous avons le bithach, littéralement "paysan, celui qui vit dans une hutte", qui est habituellement comparé au fuidir, la différence étant peu claire. Enfin il y a le senchléithe, qui est un bithach ou un fuidir dont les ancêtres ont occupé la même terre depuis au moins trois générations. Senchléithe signifie littéralement "vieux résident". Une telle personne n'est pas un esclave, mais est attachée à la terre et ne peut renoncer à son fermage. Si la terre change de propriétaire, le senchléithe aussi. * L'hospitalier : briugu Tous les maîtres de maison sont tenus dans une certaine mesure de fournir l'hospitalité à tout homme libre. Cependant pour un hospitalier cette obligation est dite sans limite (KELLY 1988, 36). Il a l'obligation de fournir l'hospitalité à quiconque, aussi souvent qu'il vienne, et de ne pas tenir de compte envers quiconque vient. Un hospitalier conserve ce rang tant qu'il ne refuse pas l'hospitalité. "La charge de briugu semble avoir été l'une de celles par lesquelles un homme riche de naissance non-noble pouvait acquérir un haut rang" (KELLY 1988, 36). * Les clercs Il n'y a pas grand chose à dire des clercs, si ce n'est qu'ils devaient être des hommes d'Eglise et en remplir les obligations. De plus, une amende supplémentaire était due pour toute infraction sérieuse contre les clercs ou la propriété de l'Eglise. Quand l'Eglise agissait en tant que seigneur (c'est-à-dire comme propriétaire terrien ou en ayant des clients) toutes les lois relatives aux seigneurs et clients s'appliquaient comme si l'Eglise était un seigneur. * Les poètes : fili ou éces Les seuls derniers professionnels qui avaient le plein statut de nemed était les poètes, dont la principale fonction est évidemment de louer et de satiriser. Selon le texte Bretha Nemed, un poète tient son statut de trois savoir-faire : imbas forosna "connaissance qui illumine", teinm láeda "bris de moelle " ? et díchetal di chennaub "chant des têtes" ? (KELLY 1988, 44). Le principal droit du poète était de recevoir, pour chaque poème commandé par un patron, une commission (dúas) dépendant de son rang et de la nature de la composition. On lui demande cependant de faire de la qualité, sans quoi il peut perdre son statut de nemed. Si le poète n'est pas payé il peut satiriser son patron. La loi irlandaise reconnaît deux catégories de poètes, le fili et le barde - inférieur en statut et en talent -qui ne reçoit que la moitié du prix de l'honneur pour un fili du même rang. * La femme-poète : banfili Il semble avoir été possible pour des femmes de devenir poètesses à part entière. Il semble cependant que c'était considéré comme inhabituel, cela n'arrivant peut-être que lorsqu'un poète n'avait aucun fils, l'une de ses filles présentant une aptitude pour sa profession. Fergus
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LES GENS DE STATUT DOERNEMED OU NON-NEMED
Dans cette catégorie se trouvent tous les hommes libres et les artisans qui ne sont pas spécifiquement mentionnés au rang de nemed, aussi bien que les juristes, médecins, et druides. Fondamentalement, toutes ces personnes possèdent une capacité juridique indépendante, ils peuvent conclure des contrats, faire des promesses ou agir comme cautions pour des affaires qui ne dépassent pas leur prix de l'honneur. Certains d'entre eux peuvent aussi se réunir pour accomplir des transactions allant jusqu'à la somme de leurs prix de l'honneur (par exemple pour le fait de jurer en cour ensemble, ce qu'on appelle la compurgation). * Les artisans Les artisans, et ici j'inclus également les juristes, les médecins et les druides, ont certains privilèges supplémentaires du fait de leur profession. Ils fixent les sommes qui leur sont dues quand ils font leur travail (comme le 1/12 de la réclamation légale qui va au juriste, ou le repas dû au médecin qui soigne une personne blessée ou malade), et inversement établissent les règles de ce qu'ils doivent payer comme amende s'ils commettent une erreur en faisant leur travail (comme un juge prononçant un mauvais jugement). * Les serviteurs Les serviteurs de la maison d'un roi ou d'un seigneur seront traités à part, car ils ont quelque capacité juridique indépendante (bien que l'extension de cette indépendance n'est pas connue avec certitude)., mais leur prix de l'honneur (et donc les amendes et pénalités dues pour des infractions contre eux) sont des fractions (en général la moitié) du prix de l'honneur de leur seigneur. LES PERSONNES JURIDIQUEMENT INCOMPETENTES Enfin nous avons un groupe de personnes légalement incompétentes (aussi appelées "insensées", irlandais báeth ou éconn). Ces personnes n'ont pas de capacité juridique indépendante et ne peuvent donc conclure un contrat sans l'autorisation de leur tuteur légal, elles ne peuvent poursuivre une saisie, agir comme témoin ou sûreté, ni donner une promesse. Cependant, certaines d'entre elles peuvent avoir quelque capacité juridique personnelle limitée, en particulier la femme et le fils d'un père vivant. * Les femmes Même si les femmes n'ont habituellement pas de droit légal indépendant, il y a quelques exceptions à cette règle, dont la plupart concernent le mariage et le divorce. Une femme avait toujours une influence limitée sur le bien commun qu'elle partageait avec son mari et, en fonction de son statut dans le mariage, pleine influence sur son bien propre si elle en avait un, la seule limitation étant que son mari opuvait toujours dénoncer un contrat conclu par elle s'il estimait qu'il était préjudiciable aux intérêts de leur maisonnée, capacité que la femme avait également à l'égard des contrats conclus par son mari. Généralement, le prix d'honneur d'une première femme (cétmuinter) est la moitié de celui de son mari, les concubines (et les femmes suivantes) étant évaluées en général à la moitié de la première femme. Cependant, les concubines peuvent choisir si elles veulent être placées sous l'autorité légale de leur parenté, de leur mari ou de leur fils. Une première femme est normalement sensée être du même rang social que son mari. Dans le droit irlandais, les femmes devaient plus ou moins être achetées en donnant un prix de la mariée (coibche) au père, dont la mariée garde une part. Contrairement à beaucoup de systèmes juridiques anciens, le droit irlandais ne semble pas s'occuper de la virginité de la mariée, même si quelques indices montrent que la virginité était exigée dans le cas de la femme du chef. Les divorce était autorisé pour de nombreuses raisons, et suivant le type de mariage et en fonction de celui ou celle qui était responsable de la rupture du mariage, il ou elle recevait moins, voire rien du tout, du partage de la communauté. La séparation sans amende ni pénalité était également possible. En outre, une femme a la capacité juridique sur "son" bien, elle peut prêter serment pour quelqu'un d'autre sur son bien 'par exemple ses outils à broderie, son sac de travail, une robe), et elle peut aussi être témoin dans le cas d'affaires concernant sa maisonnée ou les travaux de femmes comme le tissage. Les infractions commises par des femmes étaient prises en main par leur tuteur légal, qui devait payer dettes et pénalités, et toute dette ou pénalité due pour une infraction contre elles devait être payée au tuteur légal. * Les héritières : banchomardae Si un homme n'avait pas de fils, ses filles peuvent hériter d'une participation a vie dans ses terres, ce qui les installent dans la même pleine capacité légale qu'un homme. Dans le cas où elle épouserait un homme sans terre ou un étranger, les rôles légaux dans le mariages sont inversés : elle paye les taxes pour lui et prend les décisions pour la maison commune. Toutefois, à sa mort, la propriété n'est pas héritée par son mari ou ses fils, mais elle est reversée à sa propre parenté. * Fils d'un père vivant Un fils adulte sont le père est encore vivant n'a en général aucune capacité juridique de son propre fait. Toutefois, il peut annuler tout contrat de son père qui endommagerait ou diminuerait son futur héritage, tant qu'il remplit ses devoirs de fils (c'est-à-dire qu'il ne quitte pas la terre paternelle sans obtenir congé, qu'il lui obéisse, etc...). * Les enfants Les enfants de moins de 14 ans n'ont aucune responsabilité ni capacité légale. Entre 14 et 20 ans, les jeunes garçons acquièrent quelque capacité légale dans leur terre héritée, mais elle est assez limitée. Réciproquement, le rang d'un homme de plus de 20 ans qui n'a pas encore hérité reste limité dans la même mesure. Les délits commis par ou contre les enfants sont généralement traités par le père ou la parenté. L'éducation des enfants est habituellement la responsabilité des deux parents, sauf dans le cas où l'enfant a été conçu par mésalliance, auquel cas lui seul est responsable. Généralement les enfants sont envoyés en " fosterage " quand ils sont encore très jeunes. Le fosterage est un contrat considéré comme bénéfique aux deux parties. Pendant le fosterage, le " parrain " est pleinement responsable légalement de tout délit commis par l'enfant. Les malades mentaux Tout délit commis par, ou contre les malades mentaux est traité par son tuteur légal. Ils n'ont aucune capacité légale indépendante. Cependant, l'exploitation d'un malade mental est contraire à la loi. Les personnes incapables Certaines incapacités physiques peuvent également limiter les capacités légales d'une personne (par exemple telle personne ne peut être roi, où une personne stérile ne peut se marier). Se moquer de quelqu'un pour son incapacité physique est punissable d'une lourde amende. Les esclaves Fondamentalement, ils n'ont aucun droit légal du tout. Fergus
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LES LOIS SUR LA PROPRIETE
Les principaux objets de la propriété mentionnés dans les lois sont : la terre, les immeubles, le bétail, les outils de maison et de ferme, les armes, les vêtements et les objets décoratifs. La terre La terre est probablement la plus importante sorte de propriété dans la loi irlandaise, car quiconque n'a pas de terre ne peut être légalement indépendant. L'unité terrienne de base qui est mentionnée dans les textes de loi est appelée " cumal ", un terme juridique qui signifie littéralement " femme esclave ", qui vint à être utilisé comme unité légale dans différents buts, comme dans celui-ci. Un tel cumal de terre devait avoir la taille d'environ 13,85 hectares, et valait entre 8 vaches sèches pour une tourbière, et 24 vaches à lait pour la meilleure terre arable. La plus grande partie de la terre cultivée semble avoir été " fintiu " (terre familiale), qui était divisée entre tous les membres adultes mâles de la parenté, pour être cultivée. Chacun d'entre eux cultive individuellement, mais la parenté dispose encore d'un droit de regard sur ce qu'il fait de sa terre, c'est-à-dire qu'il ne peut la vendre, entière ou par morceaux, sans la permission de la parenté. Si quelqu'un a acquis des terres supplémentaires (par la réussite dans la culture, dans une autre profession ou pour toute autre raison, et tant qu'elle est acquise légalement et pas de sa propre parenté), il peut en disposer plus librement selon ses vœux. Cependant, la parenté en retient une certaine partie (d'un tiers à deux tiers, selon la raison de l'acquisition), qui devient une partie de la terre familiale à sa mort. Une certaine partie du territoire de chaque túath est attachée à la fonction royale, elle devient la propriété du roi à son avènement. La terre qui appartient à un homme est habituellement héritée par ses fils, le processus de partage étant le suivant : le plus jeune fils divise la propriété en parts égales, puis le fils aîné a le premier choix, le second fils en deuxième, etc. Chaque fils issu d'un mariage légal (c'est-à-dire approuvé par la parenté) a le droit d'en avoir sa part, et les fils de secondes épouses ou de concubines héritent de la même façon que ceux de la première épouse. Les fils de mariages illégaux ou inhabituels (par exemple si une banchomarbae épouse un homme d'un pays étranger) n'héritent pas, en général, ou au mieux obtiennent une plus petite part que les enfants " légaux ". Dans certains cas la terre familiale peut être redistribuée dans la parenté, en donnant une plus grande part à une branche plus prolifique avec de plus larges domaines. Cependant, une surface minimale de 14 cumal (la propriété minimale pour un bó aire) sera allouée à chaque héritier, et c'est seulement ce qui reste qui sera redistribué aux autres groupes de la parenté. L'héritage féminin de la terre n'était possible qu'en cas d'absence d'héritier mâle. Sous certaines conditions, l'adoption pouvait également autoriser l'héritage de la terre. L'exploitation coopérative entre voisins était habituelle dans le cas de fermiers qui n'avaient que de petites propriétés, et la forme la plus commune en était le co-labourage, mais l'élevage commun était fréquent. De telles coopérations devaient être conclues par contrats (les contrats seront expliqués en détail ci-dessous). De plus, il existait d'autres droits sur la terre. La propriété privée de la terre est très importante dans le droit irlandais, et s'étendait même à la mine et au droit de la pêche, mais il y avait aussi des droits banaux sur la terre, comme le fait de couper assez de bois pour faire un feu, de plonger rapidement un filet pour pêcher dans une rivière, la collecte d'une poignée de noisettes quand on a faim, etc. tant qu'on est une personne de statut légal. Il y avait probablement aussi des droits de chasse limités sur la propriété d'autrui, cependant le propriétaire avait droit dans tous les cas à une part de ce qui était pris, cette part augmentant s'il n'avait pas donné son autorisation au chasseur. En plus de cela, les propriétaires terriens avaient des droits explicites sur la propriété de leurs voisins immédiats. Si nécessaire, ils pouvaient creuser un bief à travers les terres du voisin, à condition de payer une compensation pour la valeur de la terre. Quand il n'y avait pas d'autre accès, ils avaient le droit de conduire leurs troupeaux à travers la terre voisine, sous réserve de bien les surveiller. Même la question des fruits de l'arbre d'un voisin tombant sur la terre d'un autre était légiférée. Causer des dommages à la terre d'autrui était considéré comme un délit, que ce soit le fait d'une personne ou d'animaux domestiques. Dans le cas où cela se produisait, l'auteur (le propriétaire en cas d'animaux) devait payer une amende. Fergus
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* Les immeubles
Il y a un certain nombre de lois qui traitent des immeubles et des dommages qui leur sont infligés. Tout d'abord, à chaque rang social correspondait une certaine taille de maison et un certain nombre d'immeubles. Par exemple, le bó aire type devait avoir une maison de 27 pieds de diamètre, des dépendances de 15 pieds, un four, une grange, une porcherie, un enclos à vaches et un enclos à moutons. Les dommages infligés à toute partie de la maison entraînent une lourde pénalité, les délits commençant avec la traversée sans permission de la cour de quelqu'un, l'ouverture de sa porte ou le fait de regarder à l'intérieur. Il y a aussi des amendes détaillées pour les dégradations infligées aux parties de la maison, des modulations du montant de l'amende pour des dégradations faites aux montants de la porte de devant ou de celle de derrière, et ainsi de suite. Les biens meubles Comme pour les autres formes de propriété déjà mentionnées, il y a également des exigences en matière de biens meubles pour assurer un certain statut social. Ainsi, nous avons une description très complète de ce qu'on attendait qu'un bó aire possède, en commençant par les outils agricoles, ses animaux, jusqu'aux vêtements de sa femme et les siens. Certaines parties de l'équipements étaient particulièrement importantes, comme les objets décoratifs, les armes, les vêtements et les récipients, qui étaient souvent utilisés comme gages (pour les gages, voir plus loin). Les biens meubles pouvaient être transférés de différentes façons, principalement par contrat. Cependant, il faut dire ici quelques mots sur la monnaie irlandaise. Dans tous les textes juridiques, un système monétaire très complexe est utilisé, fondamentalement parce qu'il n'y a pas de système fiduciaire fixe en Irlande avant le 11ème siècle. La plupart des textes juridiques furent mis par écrit à une époque où il n'existait pas de système monétaire unique.Cependant, comme en fait tous les délits peuvent être compensés par le paiement d'amende, des unités monétaires sont fréquemment utilisées à travers les textes. Cumal : comme noté par ailleurs, le sens de base du mot Cumal était " femme esclave ". Il est cependant le plus souvent utilisé dans les textes juridiques comme unité de valeur. On peut admettre qu'à l'origine il devait réellement s'agir de femmes esclaves, mais à l'époque où les textes furent écrits on peut être sûr que ce n'était plus en vigueur, et qu'à la place on payait une valeur équivalente d'une autre nature. Bétail : Le bétail était probablement le principal moyen de paiement utilisé, c'est le plus fréquemment cité dans les textes. L'unité de base est la vache laitière (lulgach ou bó mlicht), généralement accompagnée de son veau. A deux tiers de sa valeur on trouve la vache pleine (bó inláeg), la génisse sèche de trois ans (samaisc) vaut la moitié de la vache laitière, la génisse de deux ans (colpthach) un tiers, la génisse de l'année (dairt) un quart, et finalement le bouvillon de l'année (dartaid) un huitième. En-dessous, les valeurs sont données en moutons, en peaux ou en sacs de grain. L'once (d'argent) : Même si les pièces de monnaie semblent avoir été rares, deux mots ont été empruntés au latin dans le système monétaire irlandais : ungae (du latin uncia, " once "), qui était faite de 24 screpul (du latin scrupulus, " scrupule "). Sét : Utilisé habituellement pour les prix d'honneur inférieurs au roi, le sét (trésor, joyaux, valeur) est aussi utilisé pour les amendes. Rapport entre les valeurs Le rapport qui semble avoir eu cours entre les différentes valeurs semble avoir été le suivant : un cumal = 3 vaches laitières = 3 onces d'argent = 6 sét. Cependant, dans certains textes il existe aussi des variations de ce rapport, comme dans le Cáin Aicillne où un cumal = 20 sét. Propriété perdue Les biens meubles peuvent bien entendu être perdus. Fondamentalement, le droit irlandais traite de la perte de bien de telle façon que plus on le trouve près du domicile de son propriétaire, moins grande est la part de celui qui l'a trouvé. La part de l'inventeur (celui qui trouve) est accrue si l'objet est trouvé dans un endroit fréquenté. L'inventeur devait clamer sa découverte dans tout le pays. Si le bien est déposé (d'une manière ou d'une autre, et pour une raison ou une autre) sur la terre d'autrui, le propriétaire de la terre a droit à l' " autsad " (droit de stock ?). Le même principe est appliqué dans le Bechbretha, quand le possesseur d'une terre sur laquelle s'installe un essaim d'abeilles, a droit à la possession des abeilles ou à une part de leur production. Fergus
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DROIT DES CONTRATS
Le droit des contrats est une des parties les plus importantes du droit irlandais (à mes yeux LA plus importante). Pour ainsi dire, tout ce que fait quelqu'un au-delà de la simple agriculture pour subvenir à ses besoins, doit être lié par un contrat. Le texte fondamental sur le droit des contrat irlandais ancien, Di Astud Chor, a été édité et traduit tardivement par Neil McLeod, et publié dans les Sidney Series for Celtic Studies I, 1995. * Les contrats Tout d'abord, on peut dire que l'acte juridique le plus courant dans la société irlandaise ancienne était le contrat verbal ou " cor bél " (littéralement " dit des lèvres "), souvent appelé simplement " cor ". Les contrats étaient considérés comme l'échange de " féich " (obligations). Les parties engagées dans un contrat étaient appelées " féchem ". L'obligation acceptée par chaque partie contractante est de rendre le " folud " (la " considération " à l'autre partie). L'acceptation de cette obligation crée à son tour un droit (" dliged ") à la " contre-considération " (" frithfolud ") promise par l'autre partie (McLEOD 1995, 14). La règle de base considérant le contrat est qu'une personne ne peut s'engager pour un montant supérieur à son prix de l'honneur. S'il tient à conclure un tel contrat, il doit obtenir la permission de sa parenté. De même, les témoins et garants ne peuvent garantir des contrats (ou des parties de contrats) qu'à hauteur de leur prix de l'honneur (ou des parties de contrats) (KELLY 1988, 158). Pour un contrat formel, il y avait certaines exigences légales. * Les témoins Pour qu'un contrat devienne formel, il était nécessaire de désigner des témoins qui étaient particulièrment chargés de noter et de garder en mémoire les termes du contrat. Le terme technique pour ce témoin contractuel est " roach ", bien que le mot de témoin oculaire " fíadu " soit souvent utilisé dans les textes. Dans le droit d'Eglise ces témoins étaient souvent remplacés par la preuve écrite. Les garants Chaque partie d'un contrat devait normalement apporter un garant pour leur part du marché. Les garants avaient pour rôle de faire appliquer le contrat, de deux manières. Premièrement, les garants étaient généralement de rang social supérieur aux parties contractantes, et ainsi étaient plus vulnérables au déshonneur si le contrat n'était pas rempli par la partie qu'ils soutenaient. En second lieu, ils étaient dans une meilleure position pour faire respecter l'adhérence au contrat que l'autre partie. Habituellement le garant était le supérieur du contractant, qu'il s'agisse du père pour son fils, du seigneur pour son client, de l'abbé pour ses subordonnés monastiques. Il y avait trois types de base de garants. Le premier est le " naidm " ou " macc ", le " garant d'application ", qui promettait sur son honneur que la partie l'ayant invoqué comme garant remplirait son contrat. Si elle ne le faisait pas, il devait saisir la partie défaillante et, de plus, avait droit au montant de son prix de l'honneur de la part du défaillant. Le second type de garant est le " ráth ", le " garant payant ". Le garant payant garantissait qu'il compenserait sur ses propres ressources les dettes de sa partie si elle faisait défaut, et si le naidm échouait à faire appliquer le paiement. Dans un tel cas, cependant, le ráth avait droit lui aussi à percevoir le montant de son prix de l'honneur et de recouvrer, avec des intérêts, le montant qu'il avait payé pour satisfaire les revendications du créditeur (McLEOD 1995, 17). Le troisième type de garant était l' " aitire ", le " garant-otage ", qui était très probablement invoqué dans le cas où le statut des personnes contractantes était si élevé qu'il aurait été problématique de les appliquer, ou dans le cas où les contrats avaient pour but d'éviter les dettes de sang, ou encore dans le cas d'entretien de malade. Si, dans ce cas, la partie du garant-otage faisait défaut, il devait se soumettre à la partie lésée. Le défaillant avait alors dix jours pour racheter l'otage, après quoi la liberté et la vie de l'otage étaient perdues. L'otage pouvait se racheter lui-même en payant le corp-dire (prix du corps) pour un corps humain dans le droit irlandais (7 cumal), qu'il avait le droit, bien sûr, de recouvrer sur le défaillant, qui restait néanmoins lié par le contrat. Les contrats sans naidm et sans ráth étaient généralement considérés comme inapplicables. * Les serments Cependant, au cas où quelqu'un invoquait " les hommes du ciel et l'évangile du Christ ", c'est-à-dire si'il faisait un serment spirituel, le contrat était également valide. * Formes et serrements de mains Il y avait certaines formes à respecter pour conclure des contrats, et un serrement de mains en faisait probablement partie. Le temps Cependant, les parties contractantes avaient un certain délai pendant lequel ils pouvaient annuler le contrat. Ce délai courait jusqu'au crépuscule du jour où le contrat était fait (délai qui semble avoir été porté plus tard à vingt-quatre heures). Une fois que ce laps de temps était dépassé, le contrat devenait contraignant, à moins qu'il présente des défauts susceptible de fonder sa résiliation. * Les contrats invalides Il y a quelques situations qui rendaient un contrat invalide. Parmi celles-ci, par exemple, les contrats conclu sous la contrainte, la peur, ou l'ivresse (dans ce dernier cas cependant ceci ne s'appliquait pas au co-labourage, qui étaient pleinement valides même quand ils étaient conclus en état d'ivresse). De même, les contrats les plus anciens avaient préséance sur les plus récents. Si un contrat contient une faute qui ne pouvait raisonnablement être découverte par la partie désavantagée, il pouvait être résilié ou réajusté. De même, certaines personnes ne pouvaient conclure de contrat de leur propre chef, comme les mineurs, les malades mentaux, les esclaves, les captifs ou les étrangers, en conséquence tout contrat conclu avec ces personnes est invalide. De plus, dans les relations sociales proches, c'est-à-dire mari-femme, père-fils (adulte), abbé-moine, il existait quelques règles additionnelles et limitations à la capacité d'une personne à conclure des contrats légaux. Fondamentalement dans ces cas, le supérieur peut annuler presque tout contrat de son subordonné (c'est-à-dire le père du fils, le mari de la femme, ...), alors que le subordonné ne peut annuler des contrats de son supérieur que ceux qui sont à son détriment (ainsi si le père veut vendre toute sa terre, le fils peut objecter, car ce projet diminue son statut social à l'héritage, car nous savons que le statut social dépend en partie de la terre possédée). * Les gages Une part importante de la procédure contractuelle est réalisée par les gages (" gell "). Un gage est un objet de valeur remis par son propriétaire pour une période déterminée à la garde d'un autre (KELLY 1988, 184). Fondamentalement, un gage montre la volonté d'une personne de satisfaire la revendication d'autrui dans un certain délai, ou de soumettre l'affaire à arbitrage où elle est débattue. Habituellement, le gage est un objet étroitement lié à la vie de son possesseur ; ainsi un champion engagerait son arme, un fermier l'un de ses outils, un noble une broche précieuse, etc. Seul un roi, un dignitaire de l'Eglise ou un seigneur pouvait engager un objet en or. Des gages peuvent être offerts avant qu'aucune offense n'ait été faite. Par exemple, on comptait sur des fermiers voisins pour échanger des " pré-gages " (" tairgille ") pour montrer leur volonté de soumettre à l'arbitrage au moins leurs affaires de blessures d'animaux et de divagations d'animaux (voir plus loin). De même qu'on pouvait offrir des gages pour son propre comportement, une personne pouvait aussi offrir des gages sur le comportement d'autrui. Dans ce cas, il est susceptible de recevoir un intérêt (" fuillem ") tant que l'objet n'est pas en sa possession. Au cas où l'objet engagé était perdu, l'intérêt s'accroit et une lourde compensation doit être payée à l'ancien propriétaire. Fergus
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LES DELITS
En plus des droits et obligations légales mentionnées, certains actes étaient considérés comme des délits (offenses légales). DELITS CONTRE LA PERSONNE * Le meurtre La plus sérieuse offense contre autrui, c'est de le tuer. Cependant, à la différence de beaucoup d'autres systèmes juridiques, le meurtre n'était pas puni en faisant subir à l'auteur la même fin que sa victime, mais la loi autorisait le meurtrier à réparer son crime par paiement. A ce qu'il semble, ce paiement était composé de deux types fondamentaux d'amende, et devait généralement être payé à la parenté de la victime. Le premier type d'amende est la pénalité fixée pour homicide, qui se monte à sept cumal pour chaque humain libre, quel que soit son rang. Elle est généralement appelée " éraic " (remplacé en vieil irlandais tardif par " cró "). Elle va à la derbfine de la victime, sauf pour le tiers d'application (trian tobaig) qui peut être déduit s'il est nécessaire pour le paiement de faire appel à un seigneur ou une autre personne de pouvoir (KELLY 1988, 126). La deuxième sorte d'amende est basée sur le prix de l'honneur (" lóg n-enech ") de la parenté de la victime. Chaque membre de la parenté de la victime obtient une fraction de son prix de l'honneur, en commençant par le prix de l'honneur total s'il s'agit d'un très proche parent (père, mère, fils, fille, frère et sœur), la moitié s'il y a un degré (oncles et tantes paternels et maternels), jusqu'à un septième pour le meurtre d'un frère de lait ou d'un " parrain ". Il en ressort clairement que le meurtre pouvait être extrêmement cher si la victime était de haut rang. Si pour quelque raison le paiement n'était pas effectue, la parenté de la victime peut tenir le meurtrier captif et en faire à sa convenance, le vendre comme esclave ou le mettre à mort. Si le meurtrier est en fuite et si sa parenté ne paie pas l'amende, la parenté de la victime se doit d'accomplir une vendetta jusqu'à parfaite vengeance (dígal) vis à vis de la victime. Si la victime était un seigneur de quelque sorte, ses clients doivent se joindre à la vendetta. * Fingal (le meurtre de parenté) De ce qui précède, il est clair que dans le cas de meurtre à l'intérieur de la parenté, le système de rachat par paiement ne fonctionne pas (la parenté devant alors se compenser soi-même). De plus, le meurtre ne peut pas être vengé par d'autres membres de la parenté, car ils commettraient alors eux-mêmes le fingal en mettant le meurtrier à mort. La peine habituelle pour cet acte est donc que l'auteur est rejeté de sa parenté et perd donc tout droit légal. Il devient plus ou moins une non-personne. * Le meurtre secret Le meurtre secret est fondamentalement le même délit que le meurtre simple, mais dans ce cas le meurtrier cache le corps, le laisse dans la nature, ou bien refuse de reconnaître son crime. Comme dans beaucoup de sociétés anciennes, c'est considéré comme un crime plus grave que le meurtre simple et, s'il est confondu, le meurtrier devra payer le double du montant normal. * Le meurtre légal Le droit irlandais reconnaît certaines formes de meurtre qui n'entrînent aucune pénalité, et qui doivent donc être considérées comme des " meurtres légaux ". Cela va du meurtre dans une bataille jusqu'au fait de tuer un voleur pris sur le fait, jusqu'à tuer un captif dont la rançon n'est pas payée (cimbid), qui peut être tué par un individu ou une parenté à qui il a fait tort. Il est également autorisé de tuer en légitime défense (bien que ce soit une matière assez complexe). Fergus
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* Les blessures
Pour les blessures on devait aussi payer des compensations qui variaient selon la gravité, et les séquelles durables. Si une personne n'était pas pleinement guérie après neuf jours, un médecin jugeait si elle guérirait un jour ou non. Dans la négative, l'auteur devait payer la lourde pénalité pour " crólige báis " (ang. : blood-lying of death), plus élevée que l'amende habituelle pour meurtre. Toutefois, cette amende le libèrait de toute obligation ultérieure, que la victime meure ou guérisse. * L'entretien de malade Si la victime n'était pas entièrement guérie après neuf jours, mais si le médecin pensait qu'il allait se remettre, l'auteur des blessures devait le prendre en " folog n-othrusa " (entretien de malade, souvent désigné simplement comme " othrus "). Cela impliquait qu'il emmène la personne blessée dans la maison d'une tierce partie où il serait soigné aux frais de l'auteur jusqu'à guérison. L'entretien de malade était considéré comme un contrat formel et devait donc être conclu avec gages et garants. De plus, un lot de provisions était constitué pour ce qui était nécessaire à l'entretien du malade. Cela allait du nombre de personnes que la victime pouvait prendre comme suite, s'il en avait le droit, jusqu'à la quantité de nourriture que lui et sa suite devraient prendre pendant l'entretien de malade. Cependant, même à l'époque où les textes furent écrits, cette pratique était en train d'être remplacée par le paiment, car elle était sans aucun doute lourde pour toutes les parties concernées. * Les blessures légales Dans certaines circonstances, les blessures également pouvaient ne pas être illégales et aucune pénalité ne devait alors être payée. Parmi celles-ci, l'effusion de sang par un médecin compétent pendant une opération autorisée, ou par un enfant pendant un jeu (tant qu'aucun jeu fautif n'était en cause), ou par les adversaires d'un duel, etc. * Le viol Le droit irlandais distinguait deux sortes de viol (" forcor " et " sleth "), même si les mêmes peines s'appliquaient aux deux. Le forcor concernait le viol [forible ?], alors que le sleth couvrait toutes sortes de situation où une femme était soumise à des relations sans consentement. Quel que soit le genre de viol, le violeur devait payer le prix de l'honneur au supérieur de la victime (généralement le père, le mari, le fils ou le tuteur), et le éraic complet si la victime était une fille en âge de mariage, une femme chef ou une nonne qui n'avait pas renoncé au voile, et la moitié pour toute autre femme. Si la victime devenait enceinte à la suite du viol, le violeur était entièrment resposable de l'éducation de l'enfant. Cependant, il y avait certains cas où le viol n'entraînait aucune pénalité, quel que soit le genre de viol. Dans la plupart des cas cela s'appliquait lorsque la femme violée était de mœurs légères ou adultère, comme les prostituées ou une femme mariée qui acceptait de rencontrer un autre homme. Cependant, si la femme dissimulait le viol, il n'y avait pas non plus de pénalité. Si le viol avait lieu dans une ville ou un village, la femme était obligée d'appeler à l'aide, mais pas si l'assaut a lieu dans la nature. * Le harcèlement sexuel Le prix de l'honneur au complet devait être payé à une femme qu'on avait embrassée sans son consentement. Si sa robe était soulevée, elle devait aussi être dédommagée (bien que nous ne sachions pas comment, car ce n'est pas spécifié). Un assaillant ( !) devait payer dix onces d'argent pour avoir touché une femme ou mis sa main dans son corsage et sept cumal et trois onces pour avoir sa main sous sa robe pour la souiller. * La satire Pour avoir satirisé une personne (" áerad ", frapper, ou " rindad ", couper), la pénalité était le paiement du prix d'honneur complet de la victime. Ceci incluait tout un éventail d'insultes verbales, comme de se moquer de l'apparence physique d'une personne, inventer un sobriquet qui reste, ou composer ou répéter une satire. Même le fait de se moquer par gestes des défauts de quelqu'un pouvait rendre un individu coupable de satire. Même si quelqu'un faisait l'objet d'une satire après sa mort, le prix d'honneur complet était payé à sa parenté, comme s'il était encore vivant. Cependant, une satire pouvait être légale, et était utilisée comme instrument légal, car c'était une forme de pression pour faire obéir à la loi, en particulier contre les gens de haut rang. Si une personne, surtout un roi ou un noble, tolérait une satire, il perdait son prix de l'honneur. Ainsi, si la satire était illégale, il devait obtenir compensation de l'offenseur, sinon il devait offrir un gage assurant qu'il paierait toutes amendes dues. La satire pouvait également être publiquement retirée en composant un poème de louange. Un tel acte annulait la satire originelle. * Le refus d'hospitalité L'hospitalité était considérée comme un devoir pour tout homme libre. Refuser à quelqu'un à manger et un abri était donc constitutif du délit de " esáin " (littéralement " chasser ", aussi appeler " etech ", le refus), et demandait une compensation appropriée au rang de la partie lésée. Les seules exceptions à cette pratique étaient les rangs de midboth et ócaire, qui à cause de leur manque de propreté devait seulement l'hospitalité à leur seigneur, comme stipulé dans leur contrat de clientèle. D'un autre côté, dans certains cas, l'hospitalité devait être refusée. Un criminel notoire ne devait pas être puni ni protégé. Si une personne oblige indirectement autrui à refuser l'hospitalité (par exemple en ne rendant pas de la nourriture empruntée après le délai voulu), il doit lui-même payer le prix de l'honneur à l'hôte embarassé. * La violation de protection Un des principes importants du droit irlandais était le droit d'un homme libre à offrir protection légale (" snádud ", ou " turtugud ") pour une certaine période à une autre personne de rang égal ou inférieur. Tuer ou blesser une personne placée sous une telle protection constituait le délit de " díguin " (violation de protection), pour laquelle l'auteur devait payer le prix de l'honneur du protecteur, en plus de toute autre amende payable pour son acte. De plus , tout homme libre était sensé exercer une protection permanente sur sa propre maison et ses environs, connue sous le nom de " maigen dígona ". Ceci couvrait généralement la surface qu'il avait clôturé pour faire sa cour. Si quelqu'un était tué ou blessé à l'interieur de cet espace, cette action rendait l'auteur coupable de díguin contre le maître de maison. Cependant il était illégal d'offrir sa protection à diverses sortes de fugitifs, par exemple une épouse ou un esclave évadés, un meurtrier en fuite, un fuyard de sa parenté, etc. (KELLY 1988, 141). Fergus
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LES DELITS CONTRE LA PROPRIETE
Bien sûr, les lois ne s'occupaient pas seulement des délits contre la personne, mais aussi des délits contre la propriété des personnes. Il y avait un large éventail de textes traitant des dommages causés à l'herbe, aux cultures, aux arbres, aux bris de clôture, jusqu'à la construction d'un bâtiment sur la terre d'autrui. * L'intrusion animale L'intrusion d'animaux était probablement l'un des problèmes juridiques les plus courants de l'ancienne Irlande. Le texte " Bretha Comaithchese " (jugements de voisinage) traitait abondamment de telles situations. Il était recommandé par ce texte que les voisins s'offrent des pré-gages l'un à l'autre pour diminuer les risques de disputes provenant de telles affaires. Bien sûr, le propriétaire terrien ne pouvait revendiquer aucun dommage à sa propriété par les animaux de son voisin s'il n'avait pas clôturé efficacement sa terre. Les quatre types de clôture légale sont donc décrites en détail dans le Bretha Comaithchesa. Cependant, s'il arrivait qu'un homme ait sa terre convenablement clôturée, et qu'un animal de son voisin vienne quand même sur sa terre (en brisant la clôture d'une manière ou d'une autre), la principe général de la loi était d'adapter le montant de la compensation au montant du dommage causé. Consécutivement, la pénalité due lorsque un bétail entrait dans une prairie était deux fois plus forte que lorsqu'il entrait dans une terre marécageuse. De même, l'effraction d'une pâture était plus sévèrement puni en hiver, quand l'herbe était rare, qu'en été, où elle existait en abondance. De plus, certaines sortes d'intrusion d'animaux devaient être particulièrement pénalisées. Par exemple, si des porcs non seulement mangeaient l'herbe, mais aussi retournaient le sol, leur propriétaire devait prêter une terre de rechange jusqu'à ce que le dommage causé soit réparé. De même, il y avait des pénalités particulières lorsqu'un chien déféquait sur la terre d'un voisin. S'il y avait mauvaise intention, ou négligence de la part du propriétaire d'un animal divaguant, la pénalité était plus élevée, car alors c'était considéré comme " intrusion humaine " (duine-chaithig) plutôt que intrusion animale (rop-chaithig). Ceci s'appliquait également lorsqu'un fermier conduisait son troupeau sur les terres de son voisin, ou brisait délibérément une clôture. Egalement lorsque le fermier laissait ses animaux divaguer à travers trois ou quatre propriétés. De même, divaguer la nuit impliquait une pénalité double que le jour, car " le bétail devait être enfermé dans un enclos la nuit " (KELLY 1988, 143). Les animaux qui ne pouvaient pas raisonnablement être retenus par les clôtures, comme les taureaux, les vaches en chaleur et autres, n'entraînaient pas de pénalité. Couper des arbres était considéré comme intrusion humaine si cela avait lieu sur la terre d'autrui. (note de Fergus Bodu : J'ai traduit par "intrusion" le terme anglais de "trespassing", qui induit l'idée de franchissement de limite, de clôture) * Délits contre les bâtiments Fondamentalement, le même principe s'appliquait ici qu'à l'intrusion. La pénalité était en rapport avec le dommage causé. De plus, si des bâtiments étaient utilisés sans le consentement du propriétaire, la même pénalité s'appliquait. En exception à cette règle, si le moulin d'un individu était utilisé illégalement, le prix de l'honneur du propriétaire devait lui être payé en plus de la répération des dommages. Comme la plupart des bâtiments, à l'époque des textes juridiques, étaient construits en bois, il semble y avoir eu des considérations particulières sur l'incendie criminel. Cependant, le texte spécifique à ce sujet, "Bretha Forloiscthe" (Jugements d'Incendie) ne nous est pas parvenu, et son contenu ne peut donc qu'être entrevu à partir des quelques commentaires restants. Apparemment, le texte distinguait entre les feux causés par la négligence et ceux allumés délibérément, et fixait les amendes pour l'incendie de différents bâtiments et pour l'homicide ou les blessures causés aux personnes ou aux animaux qui se trouvaient dedans. Néanmoins, un roi était autorisé à perpétrer des incendies pendant son circuit royal si ses sujets s'étaient affranchis de leurs devoirs envers lui (KELLY 1988, 145). * Les dommages causés à la propriété meuble On connaît peu de choses, à partir des textes juridiaues irlandais restants, des dommages causés à la propriété meuble, mais on peut admettre de ce que nous savons qu'une réparation devait être payée, à hauteur de la valeur de l'objet endommagé, comme dans le droit gallois. Aucune amende ne devait être payée si les dommages avaient été causés à des objets précieux, car le propriétaire était sensé les garder en sécurité. Dans le droit irlandais, on accorde plus d'attention aux dommages causés au bétail. Ici, le principe qui s'applique est le même que pour la divagation. De plus, il existait un texte séparé sur les chiens, "Conslechta", où il était traité des blessures faites aux chiens, ou par les chiens, mais seuls quelques commentaires ont survécu. * Le vol Une fois de plus, le principal texte à ce sujet, "Bretha im Gata" (Jugements de Vol) nous manque. Nous pouvons cependant deviner ce qu'il contenait, grâce aux autres différents textes. Le principe de base est que, si vous voliez quelque chose, vous deviez rendre deux fois le prix de l'objet volé, sauf quand le vol concernait le grand bétail, où le montant devait être de quatre ou cinq fois la valeur. De plus, si vous voliez quelque chose appartenant à une troisième personne (par exemple un objet appartenant à A mais prêté à B), vous deviez payer en plus le prix de l'honneur de la personne d'où l'objet avait été volé, dont un tiers allait à celui à qui appartenait l'objet, et deux tiers à la personne à qui il avait été volé. Autant que nous puissions le deviner des autres textes, il était également distingué entre le vol par ruse (gat) et le vol par violence (brat). Nous ne savons pas s'il y avait concordance avec le droit gallois, où le vol par ruse impliquait une plus forte amende que le vol par violence. De plus, l'endroit où l'objet avait été volé était pris en considération. La règle était que, plus l'endroit était loin du domicile de la victime, moins la pénalité était forte. Cependant, quelques cas de "vol" étaient autorisés à tout homme libre, comme de prendre quelque chose d'un bâtiment en feu, d'un cadavre sur un champ de bataille, les chutes de métal d'une forge, les balayures d'un sol et autres semblables ordures. La vente d'objets volés était comprise dans la liste des contrats invalides, et l'homme qui recevait ces biens était considéré comme un "fer medóngaite" (homme de demi-vol), mais seulement s'il avait connaissance de l'origine frauduleuse des biens. Si un voleur apportait des objets volés dans la maison d'autrui, il devait payer la moitié du prix de l'honneur du maître de maison; s'il ne les apportait que dans l'airlise (la surface enclose autour de la maison), il devait en payer un septième. Les biens volés ne pouvaient êtr réclamés s'il franchissaient une frontière en tant que part de restitution pour la violation d'un traité. Un voleur habituel perdait tous ses droits dans la société. S'il devait être puni, la peine habituelle était la pendaison. Fergus
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LA REDUCTION DE RESPONSABILITE POUR LES DELITS
Il y avait un certain nombre de situations où la responsabilité pour un délit pouvait être réduite ou même annulée. * Les accidents Bien que d'habitude les délits entraînent des pénalités, dans certains cas il n'y avait aucune responsabilité de la part de l'auteur, l' "offense" survenant accidentellement. Ainsi, aucune compensation ne pouvait être revendiquée si l'on était blessé en restant trop prêt d'un artisan au travail, ou dans les cas où la personne ou l'objet endommagé était resté consciemment exposé à une situation dangereuse. Ainsi, aucune pénalité ne pouvait être réclamée par une personne blessée par des chevaux durant un "óenach" (assemblée), ou par des garçons pendant un jeu (hurling). (note spéciale pour nos fans d'entraînement aux armes : "Cependant, si un garçon est blessé pendant les très dangereux "fíanchluichi", (jeux paramilitaires), comme par un jet de lance ou de pierres, la parenté du coupable doit apparemment fournir l'entretien des malades" [KELLY 1988, 151]). Normalement, le propriétaire d'un animal était resposable de tout dommage causé par lui, mais il y a des cas où cela ne s'appliquait pas, les dommages étant considérés comme un accident. * L'ignorance "Anfis" (ignorance) devait diminuer de moitié la pénalité pour un délit, comme dans les cas de saisie illégale, ou dans le fait de tuer un étudiant-clerc dont le statut était ignoré du meurtrier. Cela pouvait même aprfois annuler toute pénalité. Par exemple, un seigneur mangeant de la nourriture volée sans le savoir ne commet aucun crime. D'habitude, si un délit est commis, la partie offensée devait prendre les mesures adéquates contre le coupable. Si elle y manquait dans une période donnée, l'affaire "mourait par négligence", mais l'ignorance des dommages subis pouvait étendre ce délai. * La négligence Ici, le principe légal semble avoir été : "un délit commis par négligence entraîne seulement restitution" (CIH 2195.12-3). Cependant, dans certains cas la négligence demande plus que la restitution, par exemple lorsqu'on conduisait le troupeau d'autrui. Si une blessure ou la mort était causée par négligence, ceci pouvait diminuer la pénalité de moitié. * La contrainte ou la nécessité La pénalité pour un délit pouvait être annulée s'il était commis sous la containte physique ou mentale. Ainsi, la première épouse jalouse est légalement autorisée à infliger des blessures à la deuxième femme de son époux sous certaines circonstances (KELLY 1988, 153). De même, un invalide pouvait prendre des herbes médicinales, ou une femme enceitne de la nourriture, sans aucune pénalité. * L'ivresse Il n'y a aucun indice que les dommages ou les blessures aient été traités avec plus d'indulgence lorsqu'ils étaient commis en état d'ivresse. Toutefois, les contrats conclus lorsque l'une des parties était ivre étaient généralement invalides, sauf pour les contrats de co-labourage, de clientèle ou en ce qui concerne le droit de voisinage. * L'aliénation mentale Habituellement, le tuteur légal était responsable des actes de l'aliéné mental. Cependant, certaines choses comme les blessures causées par des objets lancés par un aliéné étaient traitées comme des accidents, et aucune compensation n'était due. * Responsabilité des témoins oculaires et complices Une personne qui est témoin d'une offense pouvait être coupable de "aircsiu" ou de "forcsiu" (les deux signifiant : "regard"). Il y avait un certain nombre de cas où cela pouvait arriver. De plus, il y avait des cas où le témoin pouvait devenir complice du crime. Ceci entraînait différentes pénalités, allant de la pleine pénalité pour celui qui était l'instigateur d'un crime, qui accompagnait le criminel et qui se réjouissait de la commission du crime, jusqu'à un quart de l'amende pour quelqu'un qui assistait à un crime et ne tentait pas de l'empêcher. Evidemment, ceux qui tentaient de l'empêcher, ainsi que ceux dont on n'attendait pas qu'ils puissent le faire, comme les membres du clergé, les femmes, les enfants et les personnes faibles d'esprit, ne devaient aucune pénalité. De plus, tout informateur qui trahissait une entreprise criminelle se dégageait de toute responsabilité, même s'il était lui-même impliqué. Une personne accordant l'hospitalité ou sa protection à un criminel notoire était également considéré comme complice. * Responsabilité après la mort Habituellement, les délits personnels d'une personne mouraient avec lui et ne passaient pas à ses héritiers. Cependant, si un homme mourait en commettant un délit, ses héritiers devaient payer les amendes pour ce délit. Si un homme était "garant-otage" (aitire), ses responsabilités ne passaient pas à ses héritiers. Cependant, s'il était "garant payant" (ráth), les responsabilités qu'il avait acquise par sa garantie passaient à ses héritiers dans la derbfine (KELLY 1988, 157). De telles responsabilités et dettes sur la propriété d'une personne ne devenaient pas prescrites avant la quatrième génération. Les héritiers, cependant, n'avaient pas droit aux objets prêtés à la mort du propriétaire. Fergus
-------------- - Ceist, a gillai forcetail, cia doaisiu mac ? - Ni ansa : macsa Dana, Dàn mac Osmenta, (...) Ergna mac Ecnai, Ecna mac na tri nDea nDàna Extrait du Dialogue des Deux Sages
LA PROCEDURE LEGALE
Après avoir traité des prescriptions de la loi, nous allons maintenant parler de la procédure légale pratique. Pour ainsi dire, que se passe-t-il lorsqu'une des lois mentionnées ci-dessus est violée ? LA SAISIE (ATHGABÁL) Fondamentalement, la procédure légale en Irlande n'était pas directement du ressort de l'administration publique qui était encore, à l'époque où les textes furent rédigés, à l'état embryonnaire. Ainsi, il était demandé à l'individu lésé ou à sa parenté de prendre soin par lui-même de ses droits légaux dans la plupart des cas. Pour cela, il devait normalement procéder par un cursus légalement défini, afin d'établir ses revendications. Dans le droit contractuel, ceci était généralement fait en déclarant perdu le gage de l'autre partie, et donc en obligeant l'autre partie soit à perdre l'honneur, soit à régler l'affaire en cour. Cependant, dans les cas où aucun gage n'avait été offert, il y avait d'autres méthodes exigées si la partie offensante ne satisfaisait pas les revendications du demandeur, et l'affaire devait être amenée devant une cour légale. La forme la plus courante pour établir ses revendications et par-là d'enclencher une procédure est la saisie, c'est-à-dire en général l'enlèvement d'un certain nombre d'animaux appartenant au défendeur (ou dans certain cas à un substitut du défendeur), la plupart du temps du bétail, équivalent à la valeur de la revendication Ceci est décrit avec beaucoup de détails dans "Di Chetharslicht Athgabála" (Les quatre sections de la saisie). Le texte décrit la procédure normale dans laquelle la saisie doit avoir lieu. Premièrement, et ceci est en réalité le commencement de la procédure, le plaignant doit formellement notifier (airfócre ou apad) au défendeur qu'il compte le saisir. Ceci étant fait, il y a un délai (anad) de un à cinq jours pendant lequel on donne au défendeur le temps de réagir, soit en remplissant ses obligations envers le demandeur (dans le cas de contrat violé), soit en payant les amendes dues, soit en donnant un gage pour signifier qu'il est prêt à céder aux conditions. Si le défendeur manque à réagir dans le délai, le plaignant est habilité à entrer sur les terres du défendeur et à emporter des animaux de la valeur du montant contesté (tóchsal). Ceci doit être fait au petit matin, en la présence d'un "aigne" (avocat). Ces animaux doivent être placés dans une "fourrière" sûre, qui peut appartenir au plaignant ou à n'importe qui d'autre. Toute blessure infligée aux animaux pendant qu'ils sont dans cette fourrière sont de la responsabilité du plaignant. A partir de là, un nouveau délai commence à courir, appelé "díthim" (délai de fourrière), probablement de la même durée que le premier délai. Si le défenseur règle l'affaire, il récupère ses animaux et rien d'autre n'a lieu. Toutefois, si le défendeur, une fois de plus, ne réagit pas, le stade final de la saisie commence. A partir de la fin du second délai, les animaux comemncent à être perdus, procédé appelé "lobad" (litt. dépérissement) ou "athgabál íar fut" (saisie avec sursis). Le premier jour, des animaux de la valeur de 5 sét sont perdus, puis des animaux pour la valeur de 3 sét chaque jour, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus. Quand un animal est perdu, il ne peut pas être récupéré par le défenseur, qui cependant peut encore régler l'affaire à tout moment pendant ce "dépérissement", en payant le reste du montant promis et une taxe pour les dépenses du plaignant pour la nourriture des animaux en fourrière, et qui peut ainsi regagner tous les animaux encore disponibles. Il existe également une forme spéciale de saisie appelée "athgabál immleguin", où un substitut du défendeur est saisi, probablement souvent un membre de la même parenté que le défendeur, même s'il peut aussi s'agir d'un ráth (garant) qui avait garanti un contrat rompu par le défenseur. Dans le cas de saisie d'un substitut, la période de notification est doublée et le substitut doit être formellement informé de l'offense pour laquelle il est saisi, de l'endroit où les animaux seront retenus, et de l'identité d'un "fethem" (représentant légal du plaignant). Quand le substitut est un parent du défendeur, la façon dont il pourra récupérer ses animaux saisis ou l'équivalent sera une affaire intérieure à la parenté; s'il s'agit d'un ráth, il sera habilité à exiger du défendeur le double du montant saisi plus son prix de l'honneur (et il pourra lui-même ensuite saisir le défendeur dans ce but, si nécessaire). Dans certains cas, la saisie peut également prendre une forme ritualisée. Par exemple, un forgeron peut être saisi en attachant un ruban blanc autour de son enclume, l'empêchant ainsi "magiquement" de travailler dessus. Les procédures décrites ci-dessus fonctionnent normalement contre quiconque d'un rang inférieur à nemed. Dans le cas où la personne à saisir est de plein rang nemed, des actes spéciaux doivent être entrepris. * Le jeûne Si le défendeur est de plein rang nemed, le demandeur doit jeûner (troscud) contre lui pour le contraindre à la justice. Le jeûne a lieu face à la demeure du nemed, et, au moins selon certains commentaires, ne dure que du coucher au lever du soleil (et ainsi le demandeur manque le principal repas du soir), pendant une certaine période, plutôt que jusqu'à la mort. S'il y a jeûne, le nemed doit garantir de se soumettre à la justice, soit en désignant un garant, soit en offrant un gage. S'il mange pendant le jeûne, il devra payer deux fois le montant originellement promis. S'il résiste à un jeûne jusitifié et proprement conduit, il perdra son statut et tous ses droits légaux. * Le manant substitut Une personne de rang nemed peut avoir un "aithech fortha" (manant substitut). Au cas où, un plaignant devra saisir le manant substitut plutôt que le nemed lui-même; s'il le fait malgré tout, il devra payer une amende pour saisie illégale. * Les limitations et la saisie illégale Il y a certaines restrictions dans la pratique de la saisie. Différentes circonstances, comme la mort d'un membre de la famille, peuvent autoriser un ajournement; certains animaux ne peuvent pas être saisis (comme les vaches qui viennent de vêler). Bien sûr, les motifs de tels ajournements doivent être sincères et prouvés par témoins. Si le demandeur ne respecte pas un ajournement légal, ou s'il saisit des animaux non autorisés, ou s'il saisit pendant un jour saint ou en violation de la protection (turtugud) d'une tierce partie ou dans certains autres cas, il est coupable de saisie illégale. L'amende pour saisie illégale est de 5 sét. Comme de nombreuses et difficiles considérations doivent être prises en compte en cas de saisie, et comme une procédure formelle doit être suivie, il est important d'avoir un juriste professionnel (aigne) qui conduise la saisie au nom du demandeur. Ce juriste reçoit en paiement un tiers du montant de la saisie. * L'entrée légale (tellach) L'entrée légale est la procédure pour revendiquer un terrain. C'est également une procédure très formaliste, qui est détaillée dans le texte "Din Techtugad" (De l'entrée légale) La procédure est la suivante : au départ, le demandeur entre sur le terrain en tenant deux chevaux, accompagné par un témoin et des garants. Il se retire immédiatement après cet "céttellach" (première entrée) La personne qui occuper actuellement le terrain peut maintenant soumettre le conflit à arbitrage pendant une période de cinq jours. Si l'occupant ne réagit pas, le demandeur entre à nouveau sur le terrain, dix jours après la première entrée, accompagné de quatre chevaux dételés (et donc libres de paître) et de deux témoins et garants, puis se retire à nouveau immédiatement. C'est ce qu'on appelle "tellach medónach" (entrée du milieu). Une fois de plus, l'occupant actuel peut soumettre l'affaire à arbitrage, et cette fois il a un délai de trois jours. Vingt jours après l'entrée initiale, si l'occupant actuel n'a toujours pas réagi, le demandeur fait le "tellach déidenach" (entrée finale), cette fois accompagné de huit chevaux qu'il peut nourrir et mettre à l'écurie, et de trois témoins. Si l'occupant veut maintenant soumettre l'affaire à un juge, on accorde au demandeur l' "arbitrage rapide", ce qui signifie que l'affaire sera entendue dès le prochain jour possible. Si cependant l'occupant actuel continue à ne pas se soumettre à arbitrage, le demandeur acquiert la propriété légale du terrain disputé (KELLY 1988, ,187). Il doit alors passer une nuit sur ce terrain, allumer un feu et y garder ses animaux. * Entrée de femme (bantellach) La procédure pour l'entrée de femme est fondamentalement la même que la procédure habituelle, sinon que les périodes sont ramenées à 4, 8, 10 et 16 jours pour les entrées et réactions des occupants actuels du terrain, et que les chevaux sont remplacés par des brebis. A l'entrée finale, elle doit apporter avec elle un pétrin et un tamis à grain. * Entrée illégale Il est bien sûr illégal d'opérer une telle entrée sur une propriété où on n'a aucun droit. En outre, un nombre d'animaux incorrect ou d'autres erreurs de procédure rendent l'entrée illégale. L'entrée illégale est sévèrement punie d'amende et fait partie, avec la saisie illégale et le duel illégal, des trois occasions où les Féni (les hommes libres de pleine capacité légale) poursuivent l'illégalité. Fergus
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LA PROCEDURE AU TRIBUNAL
Pour enclencher un procès, la victime (ou un de ses parents) doit indiquer publiquement qu'une offense a été commise, et entreprendre l'action légale en engageant un avocat pour plaider en son nom. Si un procès a été formellement enclenché de cette manière, une audience doit avoir lieu. Il s'agit d'un acte fomalisé, divisé en huit phases qui seront décrites ci-dessous. * Fixer une date pour l'audience C'est la première phase de la procédure en cour. De ce que nous pouvons déduire de certains textes, l'audience était probablement fixée au cinquième jour après l'annonce, le défendeur offrant un gage garantissant qu'il assistera, le troisième jour. * Le choix du "sentier correct de jugement" par l'avocat du plaignant Il y a cinq différents sentiers, à savoir fír (vérité), dliged (obligation), cert (justice), téchtae (propriété) et Cóir n-athchomairc (juste enquête), qui fixent des procédures et obligations spécifiques pour la suite du procès. Si l'avocat choisit un mauvais sentier, ou s'il en change durant le procès, il doit payer une taxe d'une vache, mais l'affaire ne semble pas affectée par cette erreur. Les cinq sentiers traitent principalement de différentes sortes d'offense.
* L'apport de garanties Maintenant, avant que quoi que ce soit d'autre arrive, les deux parties en litige doivent être liées, soit par un gage ou un garant qui subsisteront jusqu'au jugement. La nature de cette garantie dépend du sentier choisi ci-dessus. * Plaidoierie (tacrae) La plaidoierie a lieu face à un ou plusieurs juges, dans un tribunal (airecht) Plus le cas est compliqué, plus il faudra de juges. Le lieu pourra être la maison du juge, ou, en cas de nombreux témoins ou assistants, un lieu en plein air est choisi, probablement régulièrement le même. Devant le tribunal, les deux parties plaident, ce qui inclut certainement aussi l'audition de témoins et de garants. * Contre-plaidoierie (frecrae) L'étape suivante est la contre-plaidoirie, dans laquelle les deux avocats tentent de réfuter les arguments de l'autre partie. Là aussi, cela peut impliquer l'audition de témoins et de garants. * Jugement (breth) Après que les deux parties aient fait leurs plaidoieries et contre-plaidoiries, le juge prononce un jugement. * Annoncement (forus) Après que le ou les juges aient pris une décision, le jugement est annoncé, ce qui comprend certainement aussi l'exposition des motifs sur lesquels se fonde le jugement. * Conclusion (forbae) Enfin, l'affaire est conclue. Cela impliquait certainement quelque cérémonie, et il est probable que l'entrée en vigueur du jugement faisait partie de cette étape. LA COMPOSITION DU TRIBUNAL Il est possible de reconstruire à partir des textes juridiques la composition d'un tribunal (probablement un seul tribunal pour les cas les plus importants ; dans les autres cas, les dignitaires mentionnés ci-dessous seront probablement remplacés par des personnes de moindre rang). Au centre du tribunal se trouvent les juges, dans "la cour elle-même" (airecht fodesin). Derrière la cour, (cúl-airecht) siège le roi, l'évêque et le chef-poète (mais ils peuvent certainement être remplacés par le seigneur, le prêtre et le poète du seigneur ; l'un ou l'autre peut d'ailleurs aussi bien manquer). D'un côté de la cour, dans la "cour latérale" (táb-airecht) siègent les historiens, les rois suprêmes, les garants-otages, ráth ou aitire. A l'opposé se trouve la "cour séparée" (airecht fo leich), où siègent les garants naidm et ráth, les témoins et les garants de contrats (maic cor mbél). En face de la cour, (à l'opposé de l'arrière-cour) se trouve la cour d'attente, où siègent le plaignant et le défendeur (tous deux désignés par le nom de féchemain) et leurs avocats respectifs. LES SERMENTS L'un des éléments les plus importants de la procédure au tribunal était la prestation des serments; c'était plus ou moins de cette manière que les affaires étaient décidées. * Le serment supérieur Si un cas n'est pas clair, et si les deux parties prêtent serment sur un fait, ou apportent des témoins qui prêtent serment, c'est le serment de la personne du plus haut rang qui l'emporte automatiquement sur celui de la personne de moindre rang. * Le déni par serment (díthech, díthach) En prêtant serment, on peut écarter les accusations élevées contre soi. * Le serment au nom d'autrui (airthech) On peut aussi prêter serment au nom d'une autre personne, jouant alors le rôle d'un véritable substitut. Ainsi par exemple, certains saints jurèrent au nom de leur peuple tout entier. * Le serment compurgatoire (imthach) Cette pratique est l'une des plus importantes du droit celtique, car elle permet à chaque partie d'un procès de soutenir la valeur d'un serment par le serment d'autres personnes, afin de dépasser la valeur du serment de l'autre partie. Chaque personne supplémentaire qui prête serment au nom de l'une des parties, ajoute au serment initial une valeur égale à son prix de l'honneur. La partie qui a finalement le plus haut prix de l'honneur total dépasse l'autre partie. De tels serments compurgatoires ne font que renforcer le serment du principal intéressé, contrairement à l'airthech qui est un substitut complet. * La répudiation (fretech) Si un mari veut répudier sa femme (ou l'inverse), ou une parenté l'un de ses membres, ou encore un débiteur qui a remboursé sa dette et dénonce toute autre réclamation de son créditeur, il utilise alors ce genre de serment. * Le faux serment (éthech) Une personne qui prête un faux serment ne peut plus apporter son témoignage en faveur de quiconque (KELLY 1988, 201). * Serment de femme (bannoíll) Normalement, le serment d'une femme est invalide. Toutefois, dans certains cas spéciaux le serment de femme est valide, et parfois même il ne peut être contredit (comme dans le cas d'une femme en danger de mort en accouchant, et qui nomme le père de son enfant). LE TEMOIN (FÍADU) Normalement, un témoin doit apporter sa preuve par serment. Il ne peut normalement témoigner que de ce qu'il a vu ou entendu. La preuve par un seul témoin est habituellement considérée comme insuffisante, deux témoins au moins sont nécessaire à une affaire juridique. Il y a quelques exceptions à cette règle, par exemple un seul témoin digne de foi est préféré à deux témoins qui ne le sont pas. Tout homme libre peut habituellement témoigner à hauteur de son prix de l'honneur. * Le témoignage écrit Bien que certainement rare avant le christianisme, le témoignage écrit est considérée comme un "roc immuable", qui dépasse n'importe quel nombre de témoins. * Le témoignage indirect Bien qu'en général seule le témoignage direct soit utilisable au tribunal, on peut parfois utiliser le témoignage indirect. Cela consiste principalement à dénoncer le comportement du suspect, par exemple en démontant un alibi qu'il avait donné, ou en montrant ses évidents signes de nervosité devant la cour. Cependant, le témoignage indirect n'est pas définitif en soi, il doit également y avoir d'autres éléments pour lui donner assez de poids pour justifier la poursuite du suspect. * Le témoignage inadmissible Certaines personnes ne peuvent témoigner, quoi qu'ils aient vu. Cela va des esclaves aux personnes séniles, en passant par les prostituées ou les voleurs. D'autres sortes de témoins ne sont exclus que pour certaines affaires, comme l'homme qui courtise et qui ne peut témoigner dans une affaire impliquant la famille de la femme qu'il aime. De même, un homme ne peut témoigner si cela lui procure un avantage personnel. * Le témoignage des femmes Une fois de plus, les femmes sont généralement exclues du témoignage dans les affaires juridiques, mais il y a des exceptions à cette règle. Ainsi, les femmes peuvent apporter leur témoignage en cas d'entrée de femmes (bantellach), ou lorsqu'une femme témoin accompagne un femme en entretien de malade, ou en cas de problème sexuel dans un mariage, où une femme est examinée par un témoin féminin. * Les faux témoins Une personne qui donne un faux témoignage (gú fíadnaise) ou une fausse déclaration (gúthestas) perd son prix de l'honneur. LA DECISION DANS LES CAS INDECIS Il peut arriver que dans une affaire il n'y ait pas de témoin, ou que les serments des deux parties s'équilibrent. * Le sort Le tirage au sort était surtout utilisé dans les affaires sans témoins de violences aux animaux domestiques, comme dans le cas d'un nimal tué dans un pré commun, et dans les affaires de division de terres entre héritiers qui n'arrivent pas à s'entendre. * Les ordalies Un autre moyen de décider de ce genre de choses sont les ordalies, qui impliquent quelques formes de violence. La plus fréquente ordalie du droit irlandais semble être la "preuve du chaudron" (fír coin), où le suspect doit mettre sa main dans un chaudron d'eau bouillante; si sa main présente des signes de brûlure, il est sensé être coupable. Mais il y avait d'autres sortes d'ordalies. * Le duel (roé) Le duel formel est une ordalie acceptée dans le droit irlandais ancien. Cependant, les termes d'un tel duel doivent être agréés auparavant et confirmés par des garants des deux parties, sinon il est invalide. Un duel ne peut être utilisé pour résoudre un litige juridique, mais seulement pour des cas comme le fait d'amener un fils dans une parenté, la contestation de la propriété d'un bâtiment, ou une fausse accusation. Normalement, si l'une des parties ne comparaît pas au duel, son cas est considéré comme perdu, sauf s'il y a motif à ajournement. Les blessures infligées lors d'un duel ne sont pas poursuivables, et les duels n'ont pas à être livrés jusqu'à la mort. Même un petit revers peut être le motif de décider que la justice est du côté de l'autre combattant. Ceci comprend le simple fait de tomber ou de lâcher son arme accidentellement. Fergus
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