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lien entre la femme, l'eau et la Lune...Modérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
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Amnaël,
Le lien (symbolique) entre la femme et l'eau est assez simple à établir, de nombreuses cultures l'ont fait ; le lien avec la Lune est plus difficile à comprendre... D'ailleurs, dans ta question initiale, il y en a au moins deux (questions), sans grand rapport entre elles. mikhail
Oui mais dans les autres livres, ils n'en tiennent pas compte.... Alors pourquoi là oui ?
Ce lien entre la femme et l'eau qui te parraît si évident, Mikhail, pourrais-tu me l'expliquer ? Je tiens à vous dire que je ne sais pas beuacoup encore sur la culture Celte, car ça ne fait pas longtemps que je m'y intéresse (un an peut-être?) et c'est pour ça que je voudrais récolter le maximum de réponses, et que je pose des questions parfois sans beaucoup de sens
![]() Désolée... ![]()
Je n'ai pas dit "évident", j'ai dit "symbolique" ; et je ne suis pas spécialiste de cela ; peut-être plutôt Muskull ? Quelques indications : * chez les Grecs de l'Antiquité, Aphrodite est "née de la mer" ; * chez les Celtes, "Morgane" a le même sens : http://www.arbre-celtique.com/approfond ... n&pregen=F * la grossesse s'effectue dans l'eau, la "perte des eaux" indique la naissance en cours. * sur le forum, voir le fil "La Vouivre"... Il y est également beaucoup question de la femme. * etc... mikhail
"Souvent femme varie..." :
Selon la tradition, François 1er aurait écrit ces deux vers, à l'aide d'un couteau, sur la vitre d'une fenêtre du château de Chambord. http://perso.wanadoo.fr/jean.levant/histo/fra2.htm. Personne ne parle allemand ? Sans aller chercher l'ancien saxon, en allemand d'aujourd'hui, on dit DIE Sonne ("la soleil") et DER Mond ("le lune"). Mikhail, le rapport entre femme et lune est certain et à plusieurs niveaux. Le plus évident est lié aux cycles menstruels. A un niveau plus symbolique, la lune ne fait que refléter la lumière du soleil. Elle est comme un miroir. Au soleil et à la lune, correspondent l'homme et la femme, ainsi que l'or et l'argent... Fergus
-------------- - Ceist, a gillai forcetail, cia doaisiu mac ? - Ni ansa : macsa Dana, DÃ n mac Osmenta, (...) Ergna mac Ecnai, Ecna mac na tri nDea nDÃ na Extrait du Dialogue des Deux Sages
Bonsoir
![]() Bien au delà de l'antiquité, la femme s'est rendue compte qu'elle était "règlée" sur la lune, cycles de 28 jours, et non pas sur le soleil au cycle plus long. Dans de très nombreuses mythologies la femme est ainsi "lunaire" dans différentes interprétations de la place de l'humain dans l'univers "visible". Et comme l'on connait l'effet de la lune sur l'eau et la végétation, tout s'ensuit... En persan ancien on dit aussi le lune et la soleil mais je n'ai jamais rien lu de convainquant sur une interprétation possible. Les néo-païens glosent beaucoup sur ces faits linguistiques pour mettre en valeur une forme de féminisme, mais je pense qu'il s'agit de tout autre chose à relier au concept de la shakthi de la pensée mystique indienne... Mais c'est un tout autre sujet... Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
La Shakti... Personnification féminine de la "puissance" d'un dieu. Je comprendrais à la rigueur la féminisation du Soleil, mais pourquoi alors la masculinisation de la Lune ?
Fergus
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Muskull,
Ce réglage sur le cycle lunaire est au mieux une approximation valable pour 10 à 15 % des femmes, qui auraient leur cycle tombant à peu près en même temps que celui de la Lune (à quel quartier ???) ET qui vérifieraient ça sur la Lune elle-même. Restons dans le symbolique, qui n'a pas à être scientifique ni statistique, heureusement ! AUCUNE étude scientifique, AUCUNE statistique n'ont jamais prouvé une régularité entre soit le cycle des femmes, soit des vagues de naissances en rapport avec la lunaison. Il s'agit pourtant là de "vieilles lunes" des maternités (tout au moins de leurs clientes) et des discours de commères... Fergus, Justement, c'est la question que je (me) posais plus haut : Madame Soleil, Monsieur Lune. Quel symbolisme ??? mikhail
C'est très complexe et des plus aléatoires.
Il faudrait remonter à un concept paléolithique où l'amant de le terre mère aurait été la lune et l'enfant le soleil... ![]() Il y a quelques signes fugaces dans les mythes mais rien de bien tangible à ce sujet... Il faudrait supposer aussi que l'homme ignorait alors sa participation à la conception et voyait dans une naissance un "don" de la Mère. Donc une "liaison" directe entre le pré-divin et la femme. Le caractère cyclique du "maître des animaux" est en effet plus lunaire que solaire. Mais tout celà est bien flou, je suis très loin même de l'hypothèse... Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Hello,
Dans la mythologie romaine, la lune était représentée par la déesse Luna. Elle avait un temple sur l’Aventin mais était considérée comme divinité secondaire. Elle fut assimilée assez tôt à Diane. (Même les grecs avaient assimilé Artémis à la Lune, et son frère Apollon au Soleil – on connaît les rapports entre Apollon et l’eau) L’autre nom de la déesse personnifiant la lune est Sélène. On la représente comme une femme jeune et belle qui parcourt le ciel sur un char d’argent traîné par 2 chevaux. Elle est célèbre par ses amours : Zeus tout d’abord avec qui elle eut une fille : Pandia En Arcadie, elle eut pour amant Pan qui lui avait donné en cadeau un troupeau de bœufs blancs. Le plus souvent on la présente comme l’amante du beau berger Endymion dont elle aurait eu 50 filles et selon les sources Naxos (héros éponyme de l’île homonyme) Sélène est considérée la fille du titan Hypérion et de Théia, et parfois considérée fille du titan Pallas voire d’Hélios (soleil). Du coté greco-romain : pas de triple lien évident. Dans le domaine celtique, la lune n’est pas souvent évoquée… Les vertus de l’eau dans le domaine celtique – que les textes rien que les textes…. : - L'eau permet le traitement de la stérilité : Dans le texte Convenance des Noms, Findchoem, la femme d'Amorgen, rencontre un druide qui lui propose de traiter sa stétilité : « Le druide dit : « viens demain à la fontaine et je t'accompagnerai ». Le lendemain matin, ils se rendirent tous deux à la fontaine et le druide dit : « Lave-toi avec cette eau et tu engendreras un fils ... ». La jeune femme but une gorgée d'eau de la fontaine. Avec la gorgée elle avala un ver » . ... Et Findchoem mit au monde un fils, Conall Cernach. L'eau n'est pas ici directement fécondante ; elle est un vecteur. - L'eau permet aussi le traitement d'autres pathologies : Les textes mythologiques relatent principalement des combats ; ainsi, les pathologies les plus fréquemment observées sont les blessures par armes blanches. Les eaux semblaient être très efficaces pour leur traitement. Le thème irlandais de la "fontaine de santé", illustre bien le pouvoir guérisseur de l'eau. Ayant été blessé, "Goibniu alla à la fontaine et il fut guéri. Il y avait chez les Fomoire un guerrier, Octriallach, fils d'Indech, fils de Dé Domnann, fils du roi des Fomoire. Il dit que chacun d'eux devait apporter une des pierres de la Drowes pour la jeter dans la fontaine de santé à Achad Abla devant Mag Tured à l'ouest et devant Loch Ailoch à l'est. Ils y allèrent donc et chaque homme jeta une pierre dans la fontaine. On appela le carn Carn d'Octriallach. Un autre nom de cette fontaine est cependant Lac des Plantes car Diancecht y mettait un plant de chacune des herbes qui poussent en Irlande" . La fontaine, le lac ou la source peuvent être remplacés par un fleuve, une rivière ou un ruisseau : "Des gens d'Ulster vinrent isolément pour aider et réconforter Cuchulainn, à savoir Senoll Uathach et les deux Mac Gégge, Muridach et Cotreb. Ils l'emmenèrent avec eux aux ruisseaux et aux rivières de la Conalle de Murthemme, pour frotter et laver ses coupures, ses coups, ses blessures, ses meurtrissures et ses nombreuses plaies dans les fleuves et les rivières. Car les Tuatha De Danann mettaient des herbes et des plantes, ainsi qu'une bénédiction de guérison dans les ruisseaux et les fleuves de la Conalle de Murthemme pour aider et réconforter Cuchulainn, si bien que les eaux en furent bariolées et vertes à la surface". Dans les deux textes cités, l'eau n'agit toujours pas seule, elle est le vecteur des pouvoirs thérapeutiques des plantes. - L'eau permettait l'immortalité : L'eau primordiale est capable d'initier la vie : elle peut permettre une naissance, elle peut aussi permettre une renaissance. Le récit de la Seconde Bataille de Mag Tured place sous la responsabilité de Diancecht, l'Apollon irlandais une source aux propriétés merveilleuses : "On fit alors ceci : mettre du feu dans les guerriers qui avaient été bléssés là afin qu'ils fussent plus brillants le lendemain matin. C'est pour cette raison que Diancecht et ses deux fils et sa fille, c'est-à -dire Octruil, Airmed et Miach, chantaient des incantations sur la source dont le nom est Santé. Leurs hommes blessés mortellement y étaient cependant jetés tels qu'ils avaient été frappés. Ils étaient vivants quand ils en sortaient. Leurs blessures mortelles étaient guéries par la force de l'incantation des quatres médecins qui étaient autour de la fontaine". Par extension, les vertus de l'eau sont transférées au récipient qui la contient. Ainsi, le chaudron du Dagda, le dieu-druide, possède ce pouvoir de résurrection. Dans le texte gallois Mabinogi de Branwen, Matholwch, le roi d'Irlande, offre à Bran, roi du Pays de Galles, un chaudron à la même propriété : "Je vais te donner un chaudron, dont voici la propriété : si tu perds un homme au combat aujourd'hui, et qu'on le jette dans ce chaudron, dès demain il sera dans la forme la meilleure qu'il n'ait jamais connue, sauf qu'il ne pourra plus parler" . Dans la mythologie grecque on a cette notion de fontaine distillant un eau conférant l’immortalité : Le mythe de Glaucos, fils de Sisyphe qui ayant bu cette eau, pour persuader les hommes de son immortalité, se jeta dans les flots. Là il devint un dieu errant dans les mers : tout marin qui le voyait était sûr de mourir aussitôt. - L'eau est aussi un moyen de révélation et de divination : Le texte intitulé Dialogue des Deux Sages nous illustre cette vertu de l'eau : "Adnae, fils d'Uthider, des cantons du Connaught, était docteur en science et en poésie. Il avait un fils, Nede. Celui-ci alla apprendre la science en Ecosse chez Eochu Echbel. Il resta longtemps chez Eochu, jusqu'à ce qu'il fût expert en science et, un jour que le garçon se promenait sur le bord de la mer, car le bord de la mer était un lieu de révélation et de science pour les poètes, il entendit dans les vagues un bruit qui lui semblait étrange. Il mit donc une incantation sur les vagues. Il lui fut alors révélé que c'était son père que la vague pleurait, que la robe du mort avait été donnée au file Ferchertne, à qui la dignité de docteur avait ainsi été accordée à la place de son père Adnae" . A+ Lopi PS : Pour les références sur le matriarcat L’envers du décor Etnopsychiatrie en Bretagne et autres terres Celtes Philippe Carre Ed Coop Breizh 1999 Le Matriarcat breton Agnès Audibert PUF 1984
Salut,
Dans certaines versions grecques des cultes à mystères, la Lune est un des domaines des âmes. Plutarque pense ainsi, mais il n'est pas le seul. Certains papyrus orphiques s'y réfèrent. Après la mort, le corps retourne à la terre, l'âme va à la Lune et l'entendement ou intellect au Soleil. Car chacune de ces parties de l'être en serait originaire. A+ Patrice
Hello,
La première chose qui vient à l'esprit quand on veut décrire une chose excessivement belle et en montrer l'extrème perfection, c'est de dire : une face semblable à la lune... Ibn al Mottaz Pour répondre plus précisément à Amnael, le rapport entre femme lune et eau se manifeste explicitement dans le système chinois puisque ces trois « éléments » sont considérés comme yin. La polarité yin de la femme se change en yang lors du rapport sexuel, en considérant que les orgasmes masculin et féminin soient synchronisés…. Mais rien n’a filtré dans notre culture… Plus proche de nous, mais c’est plus une interprétation : Dans la kabbale, la lune qui se cache et se manifeste, dans une alternance de phases visibles et invisibles, est assimilée à la « fille du roi ». Le lien avec l’eau devient alors évident : flux et reflux… La notion de Mater magna évoquée par Muskull pourrait être également un piste puisque le symbolisme de la lune associe la puissance fécondante de la vie, tout comme l’eau. Ou alors encore par Hécate (magie)... Mais le lien le plus fort serait celui de la lune noire : point fort de l’astrologie et de l’ésotérisme La Lune Noire est un point fictif dans le ciel, dont l'importance s'avère capitale dans le thème astrologique. Son hiéroglyphe est figuré par une faucille barrée ou par deux croissants de lune formant un soleil central ponctué d'un point: l'ceil même de la licorne, lieu métaphysique s'il en est. La Lune Noire, que l'on associe à Lilith, la première femme d'Adam, dont le sexe s'ouvrait dans le cerveau, est liée essentiellement à des notions d'intangible, d'inaccessible, de présence démesurée de l'absence (et l'inverse), d'hyperlucidité douloureuse à force d'intensité. Plus qu'un centre répulsif occulte, la Lune Noire incarne la solitude vertigineuse, le Vide absolu qui n'est autre que le Plein par Densité. Cette force immatérielle, c'est aussi la tache aveugle auréolée de flammes noires qui néantise le lieu où elle gravite. Mais elle peut cependant transfigurer la maison astrologique où elle se trouve dans le thème natal, grâce au don absolu de soi ou la sublimation. D'autres fois, lorsqu'elle reçoit de mauvais influx, c'est la désintégration qui la guette. Hadès associe la Lune Noire à l'élément lourd, ténébreux de Tamas : elle symboliserait alors l'énergie à vaincre, l'obscurité à dissiper, le karma à purger. Elle est toujours liée à des phénomènes extrêmes, oscillant entre le refus et la fascination. S'il n'atteint pas l'Absolu qu'il cherche éperdument, l'être marqué par la Lune Noire préfère renoncer au monde, fût-ce au prix de sa propre destruction ou de celle d'autrui. Mais s'il sait transmuter le poison en remède, la Lune Noire fait accéder à la porte étroite qui ouvre sur quelle libération, quelle lumière... Jean Carteret, théoricien des luminaires noirs, souligne le rapport entre la Lune Noire et la Licorne, qui déchire ou féconde divinement, si l'être est purifié de ses passions. La Lune Noire désigne une voie dangereuse mais qui peut conduire de manière abrupte au centre lumineux de l'Être et à l'Unité. La Lune Noire est l'aspect néfaste de la lune: symbole de l'anéantissement, des passions ténébreuses et malfaisantes, des énergies hostiles à vaincre, du vide absolu, du trou noir à l'effrayante puissance d'attraction et d'absorption. Donc pour la lune un double aspect clair et sombre, comme pour l’eau, comme pour les femmes… On connaît l’intérêt des Gaulois pour l’astre lunaire, mais je crois que dans ce domaine, on ne peut rien extrapoler… Patrice : la Lune est un des domaines des âmes. Hermes n'y est-il pas étranger? A+ Lopi[/quote]
Je parlais seulement de la durée 'normale" du cycle menstruel, qui est de 28 jours, à ma connaissance. C'est bien plus de 10 à 15 % des femmes qui ont dûr constater que leurs règles revenaient à peu près toujours au même moment de la lune. Fergus
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Un avis d'auteur :
Extraits de Structures anthropologiques de l’imaginaire de Gilbert Durand – grand maître de Sagremor… PP 112 – 120 extraits Ce qui constitue l'irrémédiable féminité de l'eau, c'est que la liquidité est l'élément même des menstrues. On peut dire que l'archétype de l'élément aquatique et néfaste est le sang menstruel. C'est ce que confirme la liaison fréquente, quoique insolite au premier abord, de l'eau et de la lune. Eliade explique ce constant isomorphisme d'une part parce que les eaux sont soumises au flux lunaire, d'autre part parce qu'étant germinatives elles rejoignent le grand symbole agraire qu'est la lune. Nous ne retiendrons que la première affirmation : les eaux sont liées à la lune parce que leur archétype est menstruel, quant au rôle fécondant des eaux comme de la lune, il n'est qu'un effet secondaire decette motivation primordiale. La plupart des mythologies confondent les eaux et la lune dans la même divinité, aussi bien chez les Iroquois, les Mexicains, que chez les Babyloniens ou dans fArdvisûra Anâhita iranienne. Les Maori et les Eskimo, comme les anciens Celtes, connaissent les liaisons existant entre la lune et les mouvements marins. Le Rig Véda affirme cette solidarité entre la lune et les eaux. Mais nous pensons que l'historien des religions a tort de ne chercher à cet isomorphisme que l'explication cosmologique courante. Car nous allons voir converger sous le symbolisme lunaire deux thèmes qui vont réciproquement se surdéterminer et incliner ce symbolisme tout entier vers un aspect néfaste qu'il ne conserve pas toujours. La lune est indissolublement conjointe à la mort et à la féminité, et c'est par la féminité qu'elle rejoint le symbolisme aquatique. En effet, nous aurons l'occasion de revenir longuement sur ce sujet, la lune apparaît comme la grande épiphanie dramatique du temps. Alors que le soleil reste semblable à luimême, sauf lors de rares éclipses, alors qu'il ne s'absente qu'un court laps de temps du paysage humain, la lune, elle, est un astre qui croît, décroît, disparaît, un astre capricieux qui semble soumis à la temporalité et à la mort. Comme le souligne Eliade, c'est grâce à la lune et aux lunaisons que l'on mesure le temps : la plus ancienne racine indo-aryenne se rapportant à l'astre nocturne me, qui donne le sanscrit mas, l'avestique mah, le menâ gothique, le mene grec et le men.ri.r latin, veut également dire mesurer. C'est par cette assimilation au destin que la «lune noire o est la plupart du temps considérée comme le premier mort. Pendant trois nuits elle s'efface et disparaît du ciel, et les folklores imaginent qu'elle est alors engloutie par le monstre. Pour cette raison isomorphe, de nombreuses divinités lunaires sont chtoniennes et funéraires. Tel serait le cas de Perséphoné, d'Hermès et de Dionysos. En Anatolie le dieu lunaire Men est également celui de la mort, de même le légendaire Kotschei, l'immortel et le malin génie du folklore russe. La lune est souvent considérée comme le pays des morts que ce soit chez les Polynésiens Tokalav, chez les Iraniens ou les Grecs, que ce soit dans l'opinion populaire de l'Occident à l'époque de Dante . Plus remarquable encore du point de vue de la convergence isomorphe, cette croyance de la population des Côtes-du-Nord qui veut que la face invisible de la lunerecèle une gueule énorme qui sert à aspirer tout le sang versé sur la terre. Cette lune anthropophage n'est pas rare dans le folklore européen . Rien n'est plus redoutable pour le paysan contemporain que la fameuse «lune rouge » ou «lune rousse » plus brûlante que le soleil dévorant des tropiques. Lieu de la mort, signe du temps, il est donc normal de voir attribuer à la lune, et spécialement à la lune noire, une puissance maléfique. Cette maligne influence se recense dans le folklore indou, grec, arménien, comme chez les Indiens du Brésil. L'Évangile de saint Matthieu utilise le verbe .rélénia~e.rthaï « être lunatique » lorsqu'il fait allusion à une possession démoniaque. Pour les Samoyèdes et les Dayak, la lune est le principe du mal et de la peste, dans l'Inde on la surnomme « Nirrti », la ruine. Presque toujours la catastrophe lunaire est diluviale. Si souvent c'est un animal lunaire - une grenouille par exemple - qui dégurgite les eaux du déluge, c'est que le thème mortel de la lune se marie étroitement à la féminité. Car l'isomorphisme de la lune et des eaux est en même temps une féminisation. C'est le cycle menstruel qui en constitue le moyen terme. La lune est liée aux menstrues, c'est ce qu'enseigne le folklore universel-. En France, les menstrues s'appellent « le moment de la lune », et chez les Maori la menstruation est la « maladie lunaire ». Très souvent les déesses lunaires, Diane, Artémis, Hécate, Anaïtis ou Freyja ont des attributions gynécologiques. Les Indiens d'Amérique du Nord disent de la lune décroissante qu'elle « a ses règles ». « Pour l'homme primitif, note Harding s, le synchronisme entre le rythme mensuel de la femme et le cycle de la lune devait sembler la preuve évidente qu'il existait un lien mystérieux entre elles. » Cet isomorphisme de la lune et des menstrues se manifeste dans de nombreuses légendes qui font de la lune ou d'un animal lunaire le premier mari de toutes les femmes; chez les Eskimo, les jeunes vierges ne regardent jamais la lune de peur de se trouver enceintes, et en Bretagne les filles font de même, de peur de se trouver « lunées ». C'est quelquefois le serpent, en tant qu'animal lunaire, qui passe pour s'accoupler avec les femmes. Cette légende, encore vivace dans les Abruzzes, était courante chez les anciens si l'on en croit Plutarque, Pausanias et Dion Cassius ; elle est universelle car on la retrouve, à quelques variantes près, chez les Hébreux, les Indous, les Persans, les Hottentots, en Abyssinie comme au japon. Dans d'autres légendes le sexe de la lune s'inverse, elle se transforme en belle jeune fille, séductrice par excellence. Elle devient la redoutable vierge chasseresse qui lacère ses amants, et dont les faveurs, comme dans le mythe d'Endymion, confèrent un sommeil éternel, hors des atteintes du temps. Déjà dans cette lune menstruelle s'esquisse l'ambivalence de l'être « enfant malade et douze fois impur ». Nous réservons pour plus tard l'étude complète des épiphanies lunaires euphémisées 5; ne retenons pour l'instant que la sauvagerie sanguinaire de la chasseresse, meurtrière des filles de Léto comme d'Actéon, prototype de la féminité sanglante et négativement valorisée, archétype de la femme fatale. C'est à cet isomorphisme qu'il faut rattacher ce symbole que les psychanalystes relient à une exaspération de l'Œdipe, l'image de la « Mère Terrible ", ogresse que vient fortifier l'interdit sexuel. Car la misogynie de l'imagination s'introduit dans la représentation par cette assimilation au temps et à la mort lunaire 6, des menstrues et des périls de la sexualité. Cette « Mère Terrible " est le modèle inconscient de toutes les sorcières, vieilles hideuses et borgnes, fées carabosses qui peuplent le folklore et l'iconographie. L'auvre de Goya, très misogyne dans son ensemble, fourmille de caricatures de vieilles décrépites et menaçantes, simples coquettes démodées et ridicules mais aussi sorcières qui vénèrent «Maître Léonard» le grand Bouc, et préparent d'abominables cuisines. Quarante planches sur quatre-vingt-deux de la série des Caprices représentent des vieilles femmes caricaturales et des sorcières, et à la « Maison du Sourd » les hideuses Parques font pendant à l'ogre Saturne. ……. Le sang menstruel, lié comme nous l'avons dit aux épiphanies de la mort lunaire est le symbole parfait de l'eau noire. Chez la plupart des peuples, le sang menstruel, puis n'importe quel sang, est tabou. Le Lévitique I nous enseigne que le sang du flux féminin est impur et prescrit minutieusement la conduite que l'on doit suivre pendant la période menstruelle. Chez les Bambara le sang menstruel est le témoignage de l'impureté de la Sorcière-Mère primitive Mousso-Koroni et de l'infécondité momentanée des femmes. C'est « l'interdit principal des puissances surnaturelles créatrices et protectrices de la vie". Le principe du mal, le wan~,,o, a pénétré dans le sang du genre humain par une circoncision originelle faite par les dents de l'ogresse Mousso-Koroni. D'où la nécessité réciproque d'un sacrifice sanglant, excision ou circoncision, afin de débarrasser l'enfant de son wanr,,o . Il est à remarquer que cet impérialiste tabou a un caractère plus gynécologique que sexuel: non seulement dans la plupart des peuples les rapport: sexuels sont interdits en période des règles, mais encore il est interdit de rester dans l'entourage d'une femme réglée. Aux époques menstruelles on isole les femmes dans les huttes, et la femme ne doit même pas toucher la nourriture qu'elle absorbe. De nos jours encore les paysans européens ne permettent pas à une femme « indisposée » de toucher au beurre, au lait, au vin ou à la viande, de peur que ces aliments ne deviennent impropres à la consommation. Des interdits semblables peuvent être relevés dans La Bible, les lois de Manu ou Le Talmud. Ce tabou est essentiel, et Harding note que le terme polynésien tabar ou tapu est apparenté à tapa, qui signifie « menstrues ". Le fameux Wakan des Dakota signifie également « femme indisposée n, et le sabbat babylonien aurait également une origine menstruelle. Le « sabbat s o était respecté pendant les règles de la déesse lunaire Ishtar, « le sabbat n'était observé au début qu'une fois par mois, puis à chaque partie du cycle lunaire », et .rabattu signifierait « mauvais jour d'Ishtar o. Dans toutes ces pratiques l'accent est mis sur l'événement gynécologique bien plus que sur une «faute » sexuelle, signification qui ne sera donnée que par le schème de la chute. Le sang menstruel est simplement l'eau néfaste et la féminité inquiétante qu'il faut éviter ou exorciser par tous les moyens. De même chez le poète E. Poe, l'eau maternelle et mortuaire n'est rien d'autre que du sang. Poe lui-même n'écrit-il pas : «Et ce mot sang, ce mot suprême, ce mot roi, toujours si riche de mystère, de souffrance et de terreur... cette syllabe vague, pesante et glacée » C'est cet isomorphisme terrifiant, à dominante féminoïde, qui définit la poétique du sang, poétique du drame et des maléfices ténébreux, car, comme le note Bachelard , « le sang n'est jamais heureux ». Et si la «lune rousse » est si néfaste c'est parce que la lune « a ses règles » et que les gelées qui en résultent sont « le sang du ciel ». Cette valorisation excessivement négative du sang serait même, si l'on en croit l'anecdote célèbre rapportée par James, un archétype collectif, phylogénétiquement inscrit dans le contexte somatique de l'émotion et se manifesterait spontanément avant toute prise de conscience claire. Sans préjuger de cette origine quasi-réflexe de la crainte du sang, contentons-nous de conclure à l'isomorphisme étroit qui relie le sang comme eau sombre à la féminité et au temps cc menstruel ». L'imagination, grâce à cette constellation, va s'acheminer insensiblement par le concept de la tache sanglante et de la souillure vers la nuance morale de la faute que précipitera, nous le verrons au paragraphe suivant, l'archétype de la chute. Przyluski a établi remarquablement la corrélation linguistique qui pouvait exister entre Kali ou Kala, divinité de la mort, et Kâla d'une part, qui signifie « temps, destin n, kâlaka d'autre part, dérivé de Kâla et signifiant « taché, souillé » au physique comme au moral. La même famille de mots sanscrits donnant par ailleurs k,alk,a, saleté, faute, péché, et kalu.ra, sale, impur, trouble. De plus kali signifie la « malchance », le côté du dé qui n'a aucun point. C'est ainsi que la racine préaryenne kal, noir, obscur, se dévide donc philologiquement vers ses composés nyctomorphes...
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