Fergus a écrit:Je dois avouer que je trouve celà assez surprenant et des plus contraires au "chemin ascendant". Tout effort serait donc vain ?
Ce n'est ni mon sentiment ni ma lecture, mais comme celà outrepasse les limites de ce forum, nous en resterons là .
Je trouve au contraire que pour une fois, le débat dépasse un peu l'ordinaire. Je n'en resterai donc pas là .
Comme je le disais, toutes les doctrines des âges (ou des cycles cosmiques) de toutes les traditions postulent un éloignement progressif du Principe (voir par exemple la Cosmogonie d'Hésiode, ou la doctrine des âges hindoue, qui mène à notre Kali Yuga).
Ce n'est en rien contradictoire avec la possibilité de remonter jusqu'au Principe, évidemment, cette possibilité est offerte à tous les âges, et dans certains textes (j'ai oublié lesquels), on dit même qu'on demandera moins à l'homme des âges sombres qu'à ceux des âges plus fortunés...
Libre à toi de ne pas admettre une telle doctrine, bien sûr, mais alors, ne prétends pas défendre une vision traditionnelle des choses.
Désolé, Bodu, j'étais au Sri Lanka, dont je suis rentré hier matin... Je te soutiens donc tardivement, mais le fais sans aucune hésitation : d'accord avec toi à 100 %.
Tout est cycle, l'approche linéaire que l'on retrouve dans l'abrahamisme et dans les idéologies matérialistes (sens de l'Histoire, fin de l'Histoire, aboutissement final, Jugement Dernier, etc...) est pour moi aussi une "hérésie", bien que tu ne me rejoindras sans doute pas sur le rejet de l'abrahamisme islamo-chrétien, mais soit.
Alors est-ce que tout est vain ? Tout naît, vit et meurt. L'attachement (excessif) au monde corporel est effectivement vain. La poursuite de la réalisation matérielle est vaine, oui, sans aucun doute.
La société dans laquelle nous évoluons est probablement la fin d'un cycle de civilisation. La société actuelle mourra, la civilisation judéo-chrétienne disparaîtra. Et quelque chose d'autre naîtra, puis vivra, puis mourra. Ni plus, ni moins. Une certaine antiquité fut bien plus avancée techniquement que ne le fut le christianisme du XVIe siècle, par exemple, et il n'est pas exclu, il est même probable, qu'un jour l'humanité aura oublié l'existence du laser, avant d'entreprendre un nouveau cycle, de vivre, puis de tomber à nouveau. Le monde corporel est fondamentalement impermanent et s'attacher à sa finalité est effectivement vain.
L'approche traditionnelle inclut la connaissance non-seulement de la vanité de la réalisation matérielle, mais également de la mort de toute civilisation, de toute forme du Sacré. Le Sacré reste, ses multiples formes sont toutes appelées à mourir, sans exception. La société matérialiste occulte le Sacré, elle ne l'a pas tué et elle ne le peut. Le Sapiens naît, vit et meurt lui aussi, son erreur est de croire que ses oeuvres, elles, sont immortelles, mais aucune oeuvre d'origine mortelle ne peut être immortelle. Elle peut survivre mille ans ou un million d'années, mais elle mourra et disparaîtra finalement.
Les Egyptiens savaient qu'un jour plus personne ne connaîtrait les rites, la symbolique, le sacré de leur tradition, que les temples seraient désertés et que quelque chose viendrait les remplacer (voir "Le Livre des morts égyptien", Pascal Bancourt, Dangles, 2001). Le christianisme, par exemple, refuse d'admettre cette hypothèse et veut croire qu'un jour les églises d'Europe se rempliront à nouveau...
Seule l'erreur linéaire croit en sa perpétuation et en un aboutissement final, en une lumière définitive, éternelle, supposée ponctuer définitivement un processus progressif. Cette approche, chère aux adeptes des "Jugement Dernier" et autres "fin de l'Histoire" est totalement illusoire à mon sens, en effet.
Si je suis très circonspect à l'égard des idéaux matérialistes qui croient en leur progression vers un bien matériel définitif (communisme, fascisme, démocratie...) et également vis-à -vis des deux abrahamismes prosélytes (christianisme et islam) qui croient en un Jugement Dernier final et également définitif, puis-je dire pour autant que l'abrahamisme linéaire est non-traditionnel et que le non-abrahamisme cyclique est traditionnel, sans exception ? Difficile question. Car on ne peut nier le caractère traditionnel du judaïsme qui est une religion nationale, enracinée, et on ne peut nier non plus l'approche cyclique du bouddhisme qui est prosélyte (quoique non-agressif ou peu agressif, à l'inverse du prosélytisme islamo-chrétien) et non-enraciné. De plus, l'accession au nirvâna, c'est-à -dire l'extinction finale ou encore la fusion avec le Brahman dans le brahmanisme, ne sont-ils pas également une forme de "fin de l'Histoire", quelque chose de définitif. Ce sont des questions essentielles et délicates qui ont opposé nombre d'écoles et de courants dans les sociétés traditionnelles elles-mêmes et il n'est nullement dans mon intention de les développer ici, ce qui nous mènerait bien trop loin dans un sujet qui n'est qu'indirectement en rapport avec l'objet de ce forum et de ce site, comme l'a dit Muskull.
Toutefois, comme Bodu, je souhaitais "ne pas en rester là " et tenter d'apporter ma pierre à l'édifice même si cela nous éloigne quelque peu du sujet principal.
Approfondir et développer, dans une certaine limite, n'est pas forcément se disperser.
Dulovios...