Et si l’on se penchait un peu plus autrement que sur les querelles tribales et chefferies territoriales pour les beaux yeux d’une mam’selle ou pour quelques bovidés égarés ou volés, sur les invasions celtiques, les raisons et l'oubli pourquoi on fait la guerre.
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Si certaines tribus sont plus connues pour leur animosité, certains éléments épars sans foi, ni loi, échappent à tout contrôle. Le terme de « gaesate » – ou mercantile mercenaire en échange d’un salaire –, se déploie le mieux. Finalement chassés de leur propre pays par leurs compatriotes unis contre eux, pour manquement à leur foi à l’égard de leurs proches et de leurs parents! La notion d’appartenance à un clan à une religion, ici n’apparaît pas.
N’ayant plus rien à perdre et tout à gagner, ils allèrent grossir les rangs des petites bandes de brigands désœuvrés se livrant à des rapines, raids, razzia d’abord inter-celtiques, puis à plus grande échelle condamnés à aller chercher fortune hors les frontières, à se livrer à des invasions "barbares", simplement mûs par l’appât du gain et du pillage facile.
Invasions par vagues fragmentées au fil des décennies, selon des laps de temps et de nécessité, de soubresauts, d’attaques massives et de contre attaques, de préméditations, de préparations stratégiques, de mésalliances, de vengeance, d’alliance et de retournement de situations…, et apportant une compréhension plausible de la formation tribale des peuples et oppidum celtiques avec constitution d’une armée défensive de métier.
Les invasions celtiques vers l’Italie et les Celtes d’Italie
De ce qu’on pourrait appeler le « Moyen-âge celte », qui eut son heure de gloire, quelques trois cent ans avant JC, les faits et gestes des Celtes transfrontaliers du Nord nous sont moins connus, et passés quasiment et bien compréhensiblement sous silence, par contre ceux frontaliers avec l’Italie, et ceux vivant par-delà les Alpes en territoire italien et ceux pouvant avoir un lien de parenté (Boïes, Insombres, Sènôns, Saunites, Ananes, Tarantins, Tyrrhènes, Vénètes, Gonomans…) nous sont mieux décrits encore une fois par les écrivains grecs et romains.
Démonstrations par l’historien grec, Polybe de Mégalopolis (vers 200 – 125/120 av JC). Déporté comme otage à Rome, il se lia d’amitié avec Scipion Emilien, et l’accompagna dans ses campagnes contre Carthage (146) et Numance (133). Ses œuvres, dont il nous reste plusieurs livres, ont une valeur scientifique et critique.
Ses observations serviront de base aux récits plus édulcorés et détaillés des descriptions des batailles de son époque et plus anciennes que l’on a déjà pu lire dans les pages précédentes de ce topic.
Son livre Histoires, livre premier (traduction par EDM Cougny, Extraits des auteurs grecs concernant l’histoire et la géographie des Gaules, tome I…) nous rappelle bien à propos qu’avant d’être envahis, les Celto-Galates venus de la Gaule étaient les redoutés envahisseurs. Lente mais remarquable logique donc des Romains d’envahir à leur tour le pays de ce peuple dont l’éclat de l’or et les vapeurs du vin firent perdre la raison.
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Mais avant un découpage des meilleurs morceaux en triptyque, tout d’abord la définition même de transalpin :
XV. De chaque côté des Alpes, du côté qui penche vers le Rhodan et du côté des plaines ci-devant décrites, les régions des collines et celles des vallées sont habitées, sur le versant du Rhodan et des Ourses, par les Galates, nommés Transalpins; sur le versant des plaines, par les Taurisques et les Agôns et plusieurs autres nations barbares. Les Transalpins sont ainsi nommés à cause d’une différence, non de race, mais de lieu, car le mot trans, se traduit par au delà, et c’est pour cela que les peuples delà les Alpes s’appellent les Transalpins. Les sommets, en raison de l’âpreté du sol et de la qualité des neiges qui y séjournent sans cesse, sont tout à fait inhabités.
Premier tableau : les Celto-Galates soumettent l’Italie
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VI. … Les Galates (2) occupaient, après l’avoir prise de vive force, Rome entière à l’exception du Capitole. Les Romains ayant fait avec eux un traité, un marché tout au gré des Galates (3), redevenus ainsi contre tout espoir maîtres de leur patrie, prirent de là, en, quelque sorte, le point de départ de leur agrandissement, et dans les temps qui suivirent firent la guerre à leurs voisins. Devenus les maîtres de tous les Latins grâce à leur courage et à leur bonheur dans les combats, ils firent après cela la guerre aux Tyrrhènes, puis aux Celtes, ensuite aux Saunites (4) qui du côté du levant et du côte des ourses confinent au pays des Latins.
Quelque temps après les Tarantins, à cause de leur insolence envers des ambassadeurs de Rome, et de la crainte qui était la conséquence de leur conduite, attirèrent Pyrrhos, l’année d’avant l’invasion des Galates qui furent défaits près de Delphes et qui passèrent en Asie. Les Romains qui avaient soumis les Tyrrhènes et les Saunites; qui avaient vaincu déjà dans plusieurs batailles les Celtes de l’Italie, se portèrent alors pour la première fois vers les autres parties de l’Italie; et c’était comme il s’agissait pour eux non de terres étrangères, mais en grande partie de domaines à eux propres et déjà leur appartenant, qu’ils allaient y faire la guerre. Ils étaient devenus de véritables athlètes dans les choses de la guerre par suites de leurs luttes contre les Saunites et les Celtes. Ayant donc bravement soutenu cette guerre et finalement rejeté Pyrrhos et ses troupes hors de l’Italie, ils recommencèrent la guerre et soumirent les peuples qui avaient pris fait et cause pour Pyrrhos. Après s’être, contre toute attente, rendus maîtres de tous ces peuples, et avoir soumis ceux qui habitaient l’Italie, à l’exception des Celtes, ils entreprirent après cela d’assiéger ceux des Romains qui alors occupaient Règium.
XIII. …..Il est temps de traiter notre sujet après avoir exposé en bref et d’une façon sommaire les faits appartenant au Préambule. De ces faits les premiers dans l’ordre des temps sont ceux qui se rapportent aux Romains et aux Carchèdonies (5) durant la guerre de Sicélie (6); ils se continuent par la guerre libyque, à laquelle se rattache ce qui a été fait en Ibérie par Amilcas et ensuite pas Asdrubas et les Carchèdonies.
Livre II. VII. …..Qui donc, tenant en suspicion les Galates d’après leur commune renommée, n’aurait pris ses mesures pour ne pas leur mettre entre les mains une ville opulente avec les mille occasions qu’on y trouve de violer sa foi? En second lieu, qui ne se serait mis en garde contre les desseins d’un corps de troupes comme celui-là? Des gens qui, dans le principe, avaient été chassés de leur propre pays par leurs compatriotes unis contre eux, pour manquement à leur foi à l’égard de leurs proches et de leurs parents!
XIII. ….. Faire des sommations ou déclarer la guerre aux Carchèdonies, les Romains ne l’osaient à cause de la terreur que les Celtes tenaient suspendue sur eux-mêmes, et des attaques auxquelles presque chaque jour ils s’attendaient de leur part. Ils résolurent donc de flatter d’abord, de caresser Asdrubas pour tourner leurs efforts contre les Celtes et se jeter en ces hasards, ne croyant pas pouvoir jamais, je ne dis pas être les maîtres en Italie, mais habiter sans danger leur propre patrie, avec ces hommes là établis auprès d’eux.
XIV. De ces peuples il me paraît utile de faire une description qui sera toute sommaire, pour conserver à cet Avant-propos son propre caractère suivant le plan indiqué dès le principe, et de remonter dans le temps à l’époque où les peuples susdits commencèrent de posséder cette contrée. Je pense que cette histoire mérite d’être connue et retenue, mais qu’elle est tout à fait nécessaire à qui désire savoir en quels hommes, en quel pays Annibas avait mis sa confiance pour entreprendre de détruire l’empire des Romains. Mais il faut d’abord parler de ces contrées, en décrire la nature et la situation par rapport au reste de l’Italie. Ainsi l’on se mettra mieux dans l’esprit les principaux détails des faits, quand on aura une description exacte des lieux, de tout le pays, de ce qu’ils ont de particulier.
XVII. Les contrées qui se rapprochent de l’Adrias étaient occupées par une autre nation tout à fait ancienne, les Vénètes, comme on les nomme, différant peu des Celtes par les coutumes et le vêtement, mais parlant une autre langue. Les faiseurs de tragédie ont fait sur ces peuples maints récits avec maints détails merveilleux.
Les contrées transpadanes, celles qui avoisinent l’Apennin, eurent d’abord pour habitants les Ananes, et puis les Boïes, à la suite desquels et près de l’Adrias viennent les Lingons, et enfin, près de la mer, les Sènons. Les plus illustres des peuples qui occupèrent les lieux susdits sont ceux-là. Ils habitaient des bourgades isolées, sans murailles, dans un état dépourvu de toute autre commodité. Couchant sur un lit (de foin ou de paille), mangeant de la chair, n’exerçant d’autre métier que la guerre et l’agriculture, toute autre science, tout autre art leur était inconnu. L’avoir de chacun consistait en bétail et en or, parce que ce sont les seules choses qu’ils pouvaient, suivant les circonstances, emmener partout et déplacer à leur volonté. Ils donnaient la plus grande attention à leurs compagnies, parce que chez eux celui-là est le plus redoutable et le plus puissant qui passe pour avoir le plus d’hommes empressés à le servir et à lui faire cortège (7).
XVIII. Dans les commencements, non seulement ils furent maîtres du pays, mais ils soumirent plusieurs peuples de leur voisinage, effrayées de leur audace. Quelque temps après, ayant vaincu dans une bataille les Romains et ceux qui s’étaient mis avec eux, ils poursuivirent les fuyards, et trois jours après la bataille, ils s’emparèrent de Rome elle-même, à l’exception du Capitole. Mais une diversion eut lieu; les Vénètes s’étaient jetés sur leur pays; ils firent alors un accommodement avec les Romains, et leur ayant rendu leur ville, ils se retournèrent dans leurs foyers. Après cela, ils se trouvèrent engagés dans des guerres civiles, et quelques-uns des peuples habitant les Alpes se coalisèrent souvent pour les attaquer, en comparaison l’opulence qui régnait chez eux. A cette époque les Romains recouvrèrent leur puissance et réglèrent leurs rapports avec les Latins.
Les Celtes s’étant derechef avancés jusqu’à Albe avec une grande armée (8 ), trente ans après la prise de la ville, les Romains n’osèrent pas envoyer des troupes à leur rencontre, parce qu’ils avaient été surpris de cette invasion faite à l’improviste et n’avaient pu réunir et mettre en ligne les forces de leurs alliés.
Mais douze ans après cette seconde irruption, ces peuples étant revenus avec une grande armée, les Romains, prévenus, réunirent leurs alliés et marchèrent à leur rencontre tout pleins d’ardeur, pressés d’en venir aux mains et de risquer le tout pour le tout. Les Galates, effrayés de ce mouvement en avant et divisés entre eux, firent, la nuit venue, une retraite assez semblable à une fuite et rentrèrent chez eux. Par suite de cette crainte, ils restèrent treize ans en repos; puis, voyant grandir la puissance des Romains, ils firent avec eux la paix et des traités.
XIX. Ils les observèrent fidèlement durant trente années, mais un nouveau mouvement des Transalpins leur fit craindre qu’une guerre, lourde pour eux, n’éclatât; ils détournèrent donc l’irruption de ces peuples qui déjà se levaient, en leur offrant des présents et en mettant en avant leur parenté; bien plus, ils les excitèrent contre les Romains et prirent part à leur expédition. Ils firent leur invasion par la Tyrrhénie, ayant dans cette expédition les Tyrrhènes avec eux, et, chargés d’un riche butin, ils sortirent, sans avoir été inquiétés, des domaines de Rome.
Revenus dans leur pays, leur convoitise au sujet des dépouilles engendra des séditions, au milieu desquelles se perdit la plus grande partie de leur butin et de leurs forces. D’ailleurs les Galates ont accoutumé d’en user ainsi après s’être approprié le bien d’autrui, surtout quand ils ont perdu la raison dans les fumées du vin dont ils sont gorgés.
Après un nouvel intervalle de dix ans, les Galates vinrent avec une grande armée pour assiéger la ville des Arrètins. Les Romains, venus à son secours, engagèrent la bataille sous ses murs et furent défaits. Leucius, leur général, étant mort dans ce combat, ils mirent à sa place Manius Corius, lequel envoya en Galatie au sujet des prisonniers de guerre des députés qui, contre le droit des gens, y furent mis à mort. Les Romains en colère marchent contre eux sans désemparer; les Galates appelés Sènôns viennent à leur rencontre et engagent le combat : les Romains, vainqueurs en bataille rangée, en tuèrent le plus grand nombre, chassèrent le reste et se rendirent maîtres de tout le pays. C’est là qu’ils envoyèrent leur première colonie en Galatie, dans la ville appelée Sènè, dont le nom est le même que celui des Galates qui l’avaient précédemment habitée (9). Nous avons donné au sujet de cette ville un renseignement clair et précis, en disant qu’elle est située près de l’Adrias, à l’extrémité des plaines que traverse le Pade.
XX. Les Boïes, à la vue de l’échec subi par les Sènôns, craignant pour eux et leur pays un sort semblable, se mirent en campagne tous en masse, après avoir appelé à leur aide les Tyrrhènes. S’étant réunis près du lac appelé Oadmon, ils se rangèrent en face des Romains. Dans ce combat, les plupart des Tyrrhènes furent taillés en pièces et bien peu des Boïes échappèrent (10).
Cependant, l’année suivante, les peuples susdits s’étant concertés de nouveau et ayant armé leurs jeunes gens, même ceux qui venaient d’atteindre la puberté, ils se rangèrent encore en face des Romains. Complètement défaits dans ce combat, ils cédèrent à grand‘peine à l’amour de la vie (11), et ayant envoyé des ambassadeurs pour faire un traité et un accommodement, ils conclurent un pacte avec les Romains.
Ces événements s’accomplirent trois ans avant l’arrivée de Pyrrhos en l’Italie et cinq ans après le désastre des Galates à Delphes. Car la fortune, en ces temps-là, avait répandu, comme un mal pestilentiel, je ne sais quelle humeur guerrière chez tous les Galates.
– Des luttes que nous avons dites il resta deux précieux avantages : ayant été d’habitude battus par les Galates, ils ne pouvaient rien voir ni rien attendre de plus terrible que ce qui leur avait été déjà fait.
Mais, par suite de ces épreuves, étant devenus des athlètes consommés dans les œuvres de la guerre, ils tinrent tête à Pyrrhos, et après avoir abattu à temps l’audace des Galates, d’abord ils achevèrent, sans en être distraits, la guerre contre Pyrrhos pour l’Italie, et ensuite ils luttèrent contre les Carchèdonies pour l’empire de la Sicélie.
XXI. Les Galates, par suite des pertes que nous avons dites, restèrent en repos pendant quarante-cinq ans et gardèrent la paix avec les Romains. Mais après que ceux qui avaient été les témoins de ces calamités furent, avec le temps, sorties de la vie, et que des jeunes gens furent venus qui étaient pleins d’une ardeur inconsidérée, et n’avaient ni éprouvé ni vu aucun de ces malheurs, aucune de ces vicissitudes, ils recommencèrent d’ébranler l’ordre établi – ce qui arrive naturellement, – de s’exaspérer sur les premiers prétextes venus contre les Romains et d’attirer à eux les Galates des Alpes (12). D’abord ce fut en dehors de la multitude et par les chefs eux-mêmes que se faisaient dans le secret les menées en question. Aussi, quand les Transalpins furent arrivés à Ariminum avec une armée, les multitudes chez les Boïes, en défiance d’abord, puis en pleine sédition contre leurs chefs et contre les nouveaux venus, tuèrent leurs propres rois Atis et Galatos et se taillèrent en pièces les unes les autres dans une bataille en règle. Alors les Romains, ayant pris peur de cette invasion, entrèrent en campagne avec une armée; mais, informés de la défaite que les Galates s’étaient infligée à eux-mêmes, ils se retirèrent dans leurs foyers.
Cinq ans après cette alerte, sous le consulat de M. Lépidus, les Romains partagèrent en lots dans la Galatie le pays appelé Picentin, d’où, après leur victoire, ils avaient chassé les Galates appelés Sènôns. Ce fut Gaius Flaminius qui introduisit ce procédé démagogique, et ce régime politique qui, il faut bien le dire, fut pour les Romains en quelque sorte le premier principe de la dépravation des mœurs publiques et la cause de la guerre acharnée qu’ils eurent ensuite avec les nations dont nous parlons. Plusieurs de ces peuples Galates entrèrent dans la querelle, – principalement les Boïes parce qu’ils se trouvaient sur les limites des Romains, – à la pensée que les Romains ne leur faisaient plus la guerre pour l’hégémonie et la domination, mais pour la ruine et la destruction totale de leur race (13).
(2). Gaulois.
(3). Comp. le récit tout différent de Tite-Live, V, 49.
(4). Samnites.
(5). Carthaginois.
(6). Sicile.
(7). On peut voir ici quelque usage analogue au patronage et à la clientèle germaniques, dont Tacite (Germ. 13, 14) parle à peu près dans les mêmes termes que le fait Polybe de ces hétairies celtiques.
(8 ). An de Rome 393, av J.-C. 361.
(9). Cf. Tite-Live, Epitomé, XI : Coloniae deductae sunt, Castrum, Sena, Adria; Sil. Italic. XV, 556 et s. – La fondation de cette colonie est de l’an de Rome 470, av. J.-C. 284.
(10). An 471 de Rome, 283 av. J.-C.
(11). L. Maigret : « Parquoy leur orgueil s’abaissa. »
(12). An de Rome 516-518, av. J.-C. 238-236.
(13). Bossuet, Disc. s. l’Hist. univ. I part. VIII: « La guerre entre les Romains et les Gaulois se fit avec fureur de part et d’autre : les Transalpins se joignirent aux Cisalpins : tous furent battus….. »
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