LA ROYAUTE SACREE
Argument : Les Celtes semblent avoir conservé une conception traditionnelle de la royauté. Le roi n'y est pas seulement le chef temporel de la communauté, mais occupe une place spirituelle et même métaphysique particulière. La société humaine devant être à l'image de la société divine, le roi est la projection sur terre de la royauté sacrée idéale.
Ces conceptions métaphysiques s'expriment par des mythes qui racontent la fonction royale. Elles sont en relation avec une géographie sacrée, qui les incarne dans le paysage.
I. Mediolanum Biturigum
Deux éléments de vocabulaire religieux et de géographie sacrée
Christian-J. Guyonvarc'h
in Ogam XIII, n° 73, février-mars 1961
résumé de Fergus, votre serviteur
1. Le nom des Bituriges
Tout d'abord, le Pr. Guyonvarc'h analyse le nom de la tribu gauloise des Bituriges (actuel Berry, capitale Bourges). Si la deuxième partie de ce nom ne fait pas mystère (il s'agit du suffixe répandu -rix, pluriel -riges, "rois"), en revanche le premier élément a donné lieu à quelques débats que l'auteur s'attache à résoudre. En effet, certains interprètent le mot *bitu- par "éternel", et d'autre par "monde".
Après avoir énuméré les noms contenant le radical BITU dans l'épigraphie continentale, Ch.-J. Guyonvarc'h constate qu'en celtique insulaire (irlandais), la forme bith exprime aussi bien la notion de monde (for bith ché "dans ce monde", tre bithu sir "à travers le grand monde") que celle d'âge, d'éternité, de siècle (isna bithu "pour toujours", tria bithu na m-betha "à travers les âges des âges", c'est-à -dire "pour les siècles des siècles"). Mais on trouve également une acception adjectivale signifiant "éternel" dans les expressions bith-anim "âme éternelle", bith aittreb "demeure éternelle", bithmaith "toujours bonne" (épithète de Sainte-Brigitte). On en conclut que les deux mots n'en font qu'un seul, issu d'un thème indo-européen *g(u)i qui désigne la vie (irl bethu, gall bywyd, du vieux celtique *biueto-, indo-européen *g(u)ieto-) .
Le nom des Bituriges peut donc être compris comme "toujours rois" si l'élément *bitu- est considéré comme un adverbe, et "rois du monde" s'il s'agit d'une composition de substantifs. C'est pourquoi le celtisant écrit : "Dans le principe métaphysique absolu (...), politiquement et religieusement, tout le peuple biturige est 'roi du monde' par rapport au reste du monde profane et surtout au reste de la Gaule. C'est en vertu de cette qualité intrinsèque que, insensible aux fluctuations de l'histoire humaine, sa royauté est universelle et perpétuelle. On pourrait aussi traduire par 'tout à fait rois, très royaux', (en ajoutant) : la royauté suprême perdure jusqu'à la fin des temps. Le traitement réservé à la Tara des rois dans la légende royale irlandaise en fournirait, si besoin était, un illustre exemple !".