Gargantua et les géants

[Muskull]

Bernard Sergent, les géants, l'ours et... Mélusine.

La mythologie comparée "enseigne d'abord que les mythes recueillis même dans les temps les plus récents, dans certaines populations, sont d'une antiquité incalculable : le grand nombre de mythes communs à l'Asie du nord et à l'Amérique du nord (comme le plongeon cosmogonique, la fuite magique, le personnage du Corbeau démiurge, l'origine du monde par découpage d'un être colossal, etc.) remontent nécessairement au Paléolithique, vers 10-12 000 avant notre ère au plus près. Et, lorsqu'il s'agit de mythes communs à l'Amérique du nord ou du sud et à l'Asie dans son ensemble, il y a lieu de remonter encore beaucoup plus haut.

Le thème de l'origine des plantes qui poussent du corps d'un héros ou dieu, ou héroïne ou déesse, tué (on parle de divinité-dema), est commun à toute l'Amérique et à toute l'Asie orientale. Le thème du dénicheur d'oiseaux, étudié par C. Lévi-Strauss, est commun à des régions d'Amérique du sud et d'Amérique du nord, et se retrouve sporadiquement en Asie. Etc.

Ce sont des faits analogues qui engagent à faire " remonter " certains mythes attestés en France à une époque aussi ancienne. Un exemple est fourni, d'une part par le personnage de Gargantua, d'autre par celui du héros de conte Jean de l'Ours. "
http://www.mythofrancaise.asso.fr/2_myt ... eltiq.html

[Muskull]

Et si...

Et si ce bon Gargantua "tailleur de paysages" n'avait été que le fils de sa mère ?

Fragments asturiens :

"Mais il existe au moins une légende asturienne. On décrit la Griega comme une vieille femme de taille et de force gigantesques, qui a parcouru le monde en des temps anciens, ouvrant le lit des rivières avec les talons de ses sabots, créant des accidents du relief, tout en filant avec son fuseau. Il faut admettre que les histoires traitant de ce personnage sont christianisées, mais l’'identité avec la « Vieille » est absolue."

"La Griega.

Il y a une série de toponymes « Griega » ou « Griego », répandus dans de grandes zones du nord de la péninsule. Ils sont habituellement en relation avec des lieux de cultes de l’'époque pré-romaines : Il existe un îlot (dans les Asturies) appelé La chaise de la Griega, des ruisseaux (des digues) de la Griega, des grottes de la Griega, etc. Ils correspondent aux mêmes accidents de relief qui pourraient s'’appeler « Deva ». Le meilleur exemple en est la grotte de la Griega, à Pedraza (Segovia).

C’est une grotte, en haut d'’une montagne, d'’où s’'écoule un petit ruisseau. Cette conjonction de deux éléments avait un caractère sacré pour les peuples pré-romains du nord de la péninsule. Covadonga par exemple, est un sanctuaire de ce type, et ce n'’est pas pour rien que le ruisseau qui sort de la grotte sainte porte le nom de « Deva ». Covadonga est avec certitude, un sanctuaire païen christianisé. Pedraza a aussi eu un caractère sacré, et dans ce cas, la déduction devient conviction puisqu’on a trouvé dans la grotte des pierres gravées dédiées à des divinités pré romaines locales. L’'une d'’elles est une des rares de la péninsule à être dédiée à Deva. Cela confirme que le toponyme actuel de « Griega » dérive de quelque chose (ou de Quelqu'’un) de grande signification religieuse pour les peuples pré-romains du nord de la péninsule ibérique.

Les philologues font dériver « Griega » de « Briga ». Briga (ou Brighid, ou Brigit) était une déesse celte, adorée en Irlande et en Grande-Bretagne. Dans ces pays ont survécu des textes qui décrivent en détail ses attributs. C’était une déesse de grande importance, à qui on avait consacré un sanctuaire semblable à celui de Vesta, dans un « omphalos » irlandais. De plus, il y avait dans l'’île de Britania , toute une nation qui se considérait comme vouée à la déesse : les Brigantes."
.../...
"Na silla de la Griega taba una vieya filando,
la ma`l diañu, quien sacó cola dea`l pia`
l fusu que-y cayera nel pozu`l ríu”.
(Sur la chaise de la Griega, une vieille filait, la mère du diable qui sortit du fond du ruisseau le fuseau qui lui avait échappé).

Et voici un moyen de christianiser les anciens dieux : celui qui auparavant était le fils de Briga, un dieu puissant, devient maintenant le Diable. Dans d’'autres exemples que je mentionnerai plus loin, le processus est exactement inverse : l’'ancienne déesse devient la Vierge, et son fils, l’'enfant Jésus. L’'histoire asturienne est, en plus, très évocatrice : sans doute, en d’autres temps se rappelait-on de la vieille fileuse qui s'’asseyait sur les différents rochers qui portait son nom dans toutes les Asturies."

Où l'on retrouve de vieux amis.

"La légende a deux particularités, elle mentionne de mystérieux « moros », et attribue à l'’Enfant un certain caractère solaire. Les « moros » de l’'histoire semblent étroitement liés à la mer. La Vierge qui les fuit, a un pouvoir sur les roches, sur ce qui est sec. Si on admet une origine mythologique à cette légende, il ne sera pas difficile d'’identifier ces « moros » avec les titans de l’'obscurité, des êtres antérieurs à la création, des incarnations du chaos. Dans la mythologie irlandaise ils seraient les Fomoriens, finalement envoyés par les dieux sur une île du nord-ouest (rappelons-nous l’importance symbolique des points cardinaux dans la mythologie celte). Dans les Edda, ils seraient les Vanes, qui n'’ont été créés par personne mais qui surgirent du corps de Ymir, le géant primitif. En Grèce, ils seraient les Titans combattus pas Zeus.

De même, dans les légendes asturiennes, les « moros » sont les créatures de l’'obscurité, ennemis de la Dame et de son Fils (qui les terrassera à son tour). Leur royaume est la mer et la nuit, c’'est à dire le chaos (cette opposition jour-nuit, terre-eau est fondamentale dans toute la mythologie asturienne). La Dame crée la terre ferme et apporte avec elle la fin de l’'obscurité. Le Fils s'’identifie sans problème avec un dieu solaire."

Oualà, je vous laisse "éplucher" soigneusement l'analyse de Cristobo de Milio Carrín :
http://64.233.183.104/search?q=cache:a2 ... alos&hl=fr


Note : Ce fil trouve un complément sur celui du "paganisme slave" où l'on retrouve des études sur les mythes de "la vieille Europe".
http://www.forum.arbre-celtique.com/vie ... php?t=2726