Forum consacré à l'étude de la civilisation celtique
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Sanctuaire de CorentModérateurs: Pierre, Guillaume, Patrice
Bonjour,
Un site arverne + un coup de main de Pierre pour avoir un "reader", c'est sûr je vais me réveiller..... 
Pour en revenir à l'arvernie justement, sais t'on quelle était la situation politique de cet "état" aux marches de la République et de sa Provincia après la défaite militaire de 121 av JC....m'est avis que l'influence de Rome devait être prépondérante, non ? Peux t'on considérer les arvernes comme des "clients" des Romains avant la révolte de Vercingetorix ?
Difficile de l'affirmer : la défaite de 121 ne s'est pas déroulée en territoire arverne, mais au confluent du Rhône et de l'Isère. Bituit, fils de Luern, est simplement présenté comme le leader de la coalition Arvernes-Allobroges : si mes souvenirs sont bons, les sources ne précisent pas clairement dans quelle mesure il agit au nom de l'ensemble de la Cité, ou d'une simple faction. Il ne semble pas, au vu des découvertes d'armement (militaria tardo-républicains) que les Arvernes aient été occupés militairement avant 52 av. J.-C. (contrairement, par exemple, à l'Aquitaine, au Toulousain et à l'Agenais). Le mobilier d'importation, en revanche, témoigne de liens économiques et culturels privilégiés avec le sud : monnaies républicaines, ibériques, amphores, récipients en verre, céramiques campaniennes et imitations, notamment, dont plusieurs lampes et plats à poisson, extrêmement rares au nord de la Narbonnaise...
Merci, à tout le moins on peut noter une influence méditerranéenne, économique, c'est sûr, culturelle probable (on le voit à travers l'allée à portique qui entoure le sanctuaire de Corent), politique, très certainement (présence attestée du vergobret avant la révolte de 52)
Le vergobret n'est pas en soi une création romaine mais la mise en place de l'institution est en soi le signe de la création d'une sorte de république aristocratique qui succéde à la royauté et qui rapproche des institutions romaines. Ces constats sont intéressants car l'Arvernie est incontestablement une "puissance" de la Gaule indépendante; puissance qui se manifeste avec un réseau d'alliance et de clentéle concurrent du système éduen, "groupe" culturel lui même très proche des Romains, diplomatiquement et économiquement. Connait-on l'étendue "géopolitique" de l'influence Arverne à cette époque charnière - fin 2° début Ier Siécle av JC ?
Les limites du territoire arvernes ont été définies de manière succincte par J. Collis, V. Guichard et Chr. Mennessier-Jouannet dans le catalogue : Vercingétorix et Alésia, Musée des Antiquités Nationales, St-Germain-en-Laye 2004. Elles englobent la totalité de l'Auvergne administrative actuelle et grignotent sur les marges (Vellaves, au sud-est). Les allusions textuelles à un "Empire arverne" s'étendant sur une majeure partie de la Gaule tempérée renvoient à des temps plus anciens (IVe, Ve s. av. J.-C.).
Reste l'énigmatique phrase de César, attribuant un "empire sur toute la Gaule" (principatus totius Galliae) à Celtill, père de Vercingetorix. Chr. Goudineau ("Le dossier Vercingétorix") l'interprète plutôt comme un « magistère, la présidence d’une assemblée réunissant certains peuples ». Ce pouvoir était fondé, au Ier siècle, sur des bases institutionnelles, puisque le même Celtill fut exécuté par ses pairs pour avoir aspiré à la royauté. D'autres sources écrites, corrélées aux découvertes de Corent, plaident effectivement pour l'instauration d'une "royauté institutionnelle" ou "démocratie aristoctatique" par les Romains vainqueurs en 121 av. J.-C. Le temps me manque pour des développements, mais on en reparle d'ici peu... 
Bonsoir
Je reviens sur ce fil avec plusieurs questions : Corent est-il sur une route commerciale importante à l'époque, ce qui signalerait que sa richesse viendrait aussi d'octroi ? Peut-on penser que c'était un lieu de pélerinage, présence "d'ex votos" ou simplement un lieu de réunion festif mais aussi "légal" pour la population la plus proche ? En fait j'ai du mal à "cerner" l'importance culturelle d'un tel lieu dans la société de l'époque. Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Que de questions !
Le plateau de Corent jouit effectivement d'une position remarquable, au sud de la Limagne d'Auvergne : il surplombe directement le cours de l'Allier, principal axe de communication avec la Gaule méditerranéenne. D'où les marchandises exotiques mises au jour par la fouille du sanctuaire : centaines d'amphores et céramiques à vernis noir italiques, verre syrien ou grec, monnaies ibériques, puniques et émissions originaires de tous les peuples de Gaule... Du fait de son importance géostratégique, le plateau a été occupé depuis le Néolithique (centaines de haches polies) et jusqu'à l'âge du Bronze (épée et poignards en bronze). Bien que jonchée d'ex-voto divers (parures, monnaies), l'enceinte du sanctuaire fouillée entre 2001 et 2004 n'est pas seulement un lieu de pèlerinage : l'élite de la Cité arverne s'y réunissait en armes pour festoyer, mais aussi, pour y frapper monnaie : près de la moitié des types monétaires émis aux 2e et 1er s. av. J.-C. l'ont été à Corent ! Cette intense activité monétaire identifie le site au principal (ou à l'un des principaux) pôle(s) de pouvoir politique, économique et religieux du territoire dans le siècle qui précède la conquête romaine. D'autres catégories d'objets, comme les "jetons" retaillés dans des céramiques, retrouvés par centaines parmi les monnaies, évoquent d'autres pratiques liées à la vie publique : à l'instar des rouelles en bronze des sanctuaires de Gaule Belgique (La Villeneuve-au-Châtelot, Baâlons-Bouvellemont), elles étaient peut-être utilisées comme "jetons" de présence lors des cérémonies publiques (recensement, élections ou votations). Le site de Corent se range dans la catégorie des grands oppida de Gaule occidentale identifiés à des chefs-lieu de Cité : Bibracte, chez les Eduens, Bourges, chez les Bituriges, Villeneuve-Saint-Germain, chez les Suessions, Boviolles, chez les Leuques...
Merci.
C'est des questions à tiroirs. 
Peut-on déduire des vestiges les principales productions économiques de cette société ? Je pense qu'en dehors du vin ils avaient un important besoin de sel, rien que pour la conservation, ils semblaient donc s'approvisionner en or blanc de la Méditerranée, quelle était leur principale industrie d'échange ? Utilisaient-ils déjà la monnaie ou était-elle encore objet de prestige ? Je m'interroge par ailleurs sur le statut du clergé et sur la quasi absence de sépultures significatives telles que celles de "grands prêtres" dans d'autres cultures. J'espère que ce n'est pas un sujet "trop" sensible... Muskull / Thomas Colin
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Réponses à tiroir :
La question des principales productions du territoire arverne susceptibles d'avoir été échangées contre du vin a déjà été abordée sur ce fil. On ne dispose, en fait, d'aucune information textuelle. La fouille de grands établissements ruraux laisse à penser qu'il s'agissait, comme ailleurs, de biens agricoles : céréales, salaisons... Restent les esclaves, contrepartie explicitement mentionnée par Diodore, qui se fonde sur les écrits de Posidonios. Le commerce du sel devait certainement jouer un rôle, mais marginal dans cette région relativement "proche" des sources d'approvisionnement. Selon K. Polanyi, le développement de la petite monnaie de faible valeur, bien marqué en Auvergne à la fin du IIe s. av. JC (potins, bronzes frappés), serait précisément liée aux échanges de biens agricoles (bétail, céréales). A Corent, la surabondance des monnaies et des restes de petit bétail (moutons, porcs) ne contredit pas ce schéma. Quant aux "prêtres" du lieu, il faudra attendre la découverte de sépultures privilégiées. Une première piste réside dans les sépultures anciennement fouillées sur la commune des Martes-de-Veyre, au pied de l'oppidum de Corent : casque étrusco-italique à bouton sommital, riches mobiliers d'époque augustéenne et gauloise... Sur un plan plus général, plusieurs tombes découvertes dans d'autres régions de la Gaule, comportant des ustensiles de nature liturgique (haches et/ou couteaux sacrificiels, bassins ou cuillers pour les libations) peuvent être identifiées à des sépultures de prêtres : Acy-Romance, La Chaussée-sur-Marne, Thugny-Trugny ou Tartigny en Gaule Belgique, Saint-Georges-les-Baillargeaux (Poitiers) ...
Merci Adcanaunos, le "paysage" commence à se dessiner.
Je suppose que "l'élite de la Cité arverne en arme" que tu cites précédemment sont de grandes familles, en général propriétaires fonciers gérant une multitude d'agriculteurs et éleveurs sur leur domaine dans une forme assez proche du système féodal mais avec des lois différentes de celles du moyen âge. J'avais noté il y a quelques temps sur le forum une organisation trinaire archaïque dans quelques hautes vallées de l'Afghanistan qui ne devait rien à la Sharia, elle s'était adaptée: Le "prince" (Amir) fournissait la terre, les outils, les premiers reproducteurs suffisants pour créer un troupeau, les soins médicaux et vétérinaires et en échange, les "métayers" lui rendaient les deux tiers de leur production. Il y a des systèmes moins équitables... L'esclavage notamment... Une société qui commerce avec des esclaves induit un article de droit (toujours religieux à l'époque) qui lui permet aussi de les utiliser. César note que le statut des "paysans" était plus bas que celui des esclaves de Rome, je ne sais pas si l'on peut généraliser ou s'il s'agissait encore d'une vantardise de "civilisé". Toujours est-il que la vitalité à se mobiliser quand c'est nécessaire et la démographie avérée semble contredire un tel avis. Muskull / Thomas Colin
Comme l'eau modèle la terre, la pensée modèle le possible. http://muskull.arbre-celtique.com/ http://thomascolin.fr
Info
L'inscription en ligne aux fouilles de Corent (campagne 2005) est ouverte :
http://luern.free.fr/ http://arvernie.org/article177.html Conditions : 18 ans, expérience de terrain requise, 4 semaines de participation minimum (2 pour les fouilleurs expérimentés). Site Internet : http://luern.free.fr
ADCANAVNOS
L’enclos cultuel de Corent (Puy-de-Dôme) :
e.
Euh... je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ta question, mais j'y répondrai volontiers, quoi qu'il en soit.
Site Internet : http://luern.free.fr
suprarégionale
Slt Adcanaunos,
Je recentre et précise la question (ou plutôt remarque candide) : tant sur le plan politique que religieux, à l’instar des hauts lieux plus moins mythiques, telle la forêt des Carnutes, c'est surtout cette vocation « suprarégionale » de Corent qui retient l’attention.
Peut’on, à ce jour, définir une zone d’influences tribales, géographiques, commerciales et religieuses?
e.
Le coin biturige ne doit pas être surestimé : la première explication qu'il convient d'envisager est celle d'une... mauvaise attribution (la carte de répartition du monnayage n'est as à jour).
Les monnaies retrouvées sur le site (dont beaucoup frappées sur place) sont majoritairement locales, même s'il a livré de nombreuses émissions étrangères (Marseille, Gaule du Nord ou du Sud-Ouest). Un sanctuaire comme Corent a d'abord vocation de lieu de rassemblement régional, à l'échelle de la Cité (ce qui est déjà pas mal en ce qui concerne la Cité arverne, qui s'étendait de l'Allier à la Haute-Loire). Sa taille et son plan, identique à celui des grands sanctuaires "confédéraux" de Ribemont-sur-Ancre, Fesques ou Naix-aux-Forges, n'excluent pas un rôle supra-régional, au moins à titre ponctuel: alliances politiques, monétaires, marchés, cérémonies religieuses inter-peuples, concours... Le nombre considérable de participants regroupés lors des cérémonies représente un autre critère qu'il conviendra d'affiner, de même que le problème de l'environnement immédiat du sanctuaire : l'exploration de l'oppidum figure au premier rang des objectifs de la fouille (de cette année et de celles à venir). A suivre, donc... Site Internet : http://luern.free.fr
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