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Suite aux avis de Patrice et Julien sur un autre fil :
http://www.forum.arbre-celtique.com/vie ... 0441#30441
Je pense qu'il peut être intéressant de situer la problématique.
"Il n’est guère, dans l’Antiquité, de figure plus mystérieuse que celle de Pythagore, ni qui ait posé de problèmes plus embarrassants aux historiens . Il passe pour n’avoir rien écrit, et sa pensée ne fut sans doute connue jusqu’à l’époque de Socrate que par une tradition orale, elle-même entourée de secret.
Les documents qui permettent de la conjecturer émanent pour la plupart des néo-pythagoriciens de la fin de la République et des quatre premiers siècles de l’ère chrétienne, eux-mêmes connus à travers le néo-platonisme.
En outre, Pythagore est devenu très tôt, peut-être même de son vivant, une figure de légende : on le dit fils d’Apollon, descendu aux Enfers, doué d’ubiquité, et faiseur de toutes sortes de miracles. Une extraordinaire affabulation, qui ne cesse de se développer au cours des siècles, entoure son personnage. Ainsi est-il déjà une énigme pour Aristote, qui évite le plus souvent de prononcer son nom, pour ne parler que de « ceux qu’on appelle pythagoriciens ». Imitant cette prudence, les historiens modernes doivent renoncer, sauf sur quelques points, à distinguer dans la tradition ce qui revient à Pythagore lui-même, et se résigner à parler seulement de « pythagorisme ancien ». Force est à l’historien actuel de conjecturer sa pensée à partir de son influence et de ses retombées, qui sont aussi considérables que sa figure historique est incertaine."
"L’existence de Pythagore au moins est assurée. Né dans la première moitié du VIe siècle avant J.-C. à Samos en Asie Mineure, où il fut probablement en contact avec la pensée milésienne, il quitte vers l’âge de quarante ans sa ville natale pour émigrer à Crotone, en Italie méridionale.
Il y entreprend une œuvre de prédication, visant à introduire une nouvelle règle de vie, et y fonde une communauté, à la fois religieuse et politique, dont le retentissement sera considérable, premier modèle pour d’autres associations qui se créeront à Tarente, Métaponte, Sybaris, Syracuse..., mais dont le destin sera de périr, peut-être avec son maître, lors d’une révolte populaire.
Les témoignages les plus anciens et les plus authentiques montrent en Pythagore un penseur essentiellement religieux. Il doit être rapproché de ces personnages étranges et à demi-légendaires que l’on trouve associés au courant mystique du VIe siècle, et qui ne sont pas sans évoquer les chamanes orientaux : tels Aristéas, Abaris, Épiménide, Phérécyde. Visionnaires inspirés, mages extatiques, purificateurs et guérisseurs, ils se donnent pour des « hommes divins », médiateurs entre l’homme et le dieu, et s’autorisent d’une faculté exceptionnelle de voyance qui leur permet d’entrer en contact avec l’invisible et de se remémorer leurs existences antérieures. Proche de l’orphisme dans cette orientation religieuse – dont témoignent des techniques visant à séparer à volonté l’âme du corps pour la mettre en contact avec le divin –, la pensée de Pythagore s’en distingue cependant par sa visée politique. Il ne s’agit pas tant pour lui d’affranchir l’individu de son existence terrestre que de réaliser un lien entre l’homme et le divin et, sur la base de ce lien, de transformer la cité. Ainsi la secte religieuse se prolonge-t-elle dans un groupement ouvert à vocation politique, organisé sur un modèle égalitaire et exaltant l’idéal civique, l’effort et la discipline collective."
Marcel Detienne.E.U.
Après cette introduction, je vous invite à revenir sur le fil sur "l'âme" :
http://www.forum.arbre-celtique.com/vie ... php?t=2307
"L’influence du chamanisme
Au début du VIe siècle, l’ouverture de la mer Noire au commerce et à la colonisation grecques amena pour la première fois la civilisation hellénique au contact du chamanisme. On peut reconstituer la ligne d’une tradition spirituelle de chamanisme grec qui part de la Scythie et de la Thrace (Abaris, Aristée, Orphée), traverse l’Hellespont, arrive en Asie Mineure (Hermotime de Clazomènes), se combine peut-être avec quelques traditions minoennes survivantes en Crète (Épiménide), émigre dans le «Far West» avec Pythagore, et achève son mouvement avec le Sicilien Empédocle. "
H.D. SAFFREY. E.U.
Pythagore est donné comme "l'inventeur" du mot philosophe, "Il s’agit d’une anecdote sur Pythagore racontée par Héraclide du Pont, qui, à la mort de Platon, aurait failli devenir le chef de l’Académie : « Pythagore fut le premier à s’appeler philosophe (philósophos) ; non seulement il employa un mot nouveau, mais il enseigna une doctrine originale. Il vint à Phlionte (cité du nord-est du Péloponnèse), il s’entretint longuement et doctement avec Léon, le tyran de Phlionte ; Léon, admirant son esprit et son éloquence, lui demanda quel art lui plaisait le plus. Mais lui, il répondit qu’il ne connaissait pas d’art, qu’il était philosophe. S’étonnant de la nouveauté du mot, Léon lui demanda quels étaient donc les philosophes et ce qui les distinguait des autres hommes. Pythagore répondit que notre passage dans cette vie ressemble à la foule qui se rencontre aux panégyries. Les uns y viennent pour la gloire que leur vaut leur force physique, les autres pour le gain provenant de l’échange des marchandises, et il y a une troisième sorte de gens, qui viennent pour voir les sites, des Å“uvres d’art, des exploits et des discours vertueux que l’on présente d’ordinaire aux panégyries. De même nous, comme on vient d’une ville vers un autre marché, nous sommes partis d’une autre vie et d’une autre nature vers celle-ci ; et les uns sont esclaves de la gloire, d’autres de la richesse ; au contraire, rares sont ceux qui ont reçu en partage la contemplation des plus belles choses et c’est ceux-là qu’on appelle philosophes (philósophoi), et non pas sages (sophoÃ), car personne n’est sage si ce n’est dieu... »
Luc Brisson Directeur de recherche au CNRS
@ suivre...
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