Voici deux textes concernant la fontaine de Barenton. Le premier est l'oeuvre de Wace et est extrait du Roman de Rou (commencé après 1160). Le second est extrait de l'édition du cartulaire de Redon par Aurélien de Courson (1863) ; il s'agit du titre 10 des usements et coustumes de la forêt de Brécelien , manuscrit du 30 août 1467 écrit au château de Comper par ordre du comte de Laval.
Si Wace est assez vague quant à la localisation de Brecheliant (en Bretaigne), le second texte ne laisse aucun doute : il s'agit de la forêt de Paimpont
Wace, Roman de Rou
E cil devers Brecheliant,
Donc Breton vont sovent fablant,
Une forest mult longue et lee,
Qui en Bretaigne est mult loee.
La fontaine de Berenton
Sort d’une part lez un perron.
Aller soleient veneor
A Berenton par grant chalor,
E a lor cors l’eve espuisier
E le perron desus moillier.
Por co soleient pluie aveir ;
Issi soleit jadis ploveir
En la forest e envirun,
Mais jo ne sai par quel raison.
La seut l’en les fees veeir,
Se li Breton nos dient veir.
E altres merveilles plusors,
Aires i selt aveir d’ostors
E de granz cers mult grant plente ;
Mais vilain ont tot deserte.
La alai io merveilles querre,
Vi la forest e vi la terre,
Merveilles quis, mais nes trovai,
Fol l’en revinc, fol i alai,
Fol i alai, fol m’en revinc,
Folie quis, por fol me tinc.
Titre 10 des usements : de la décoration de la dicte forest et des merveilles estans ycelle :
« …Item auprès du dit breil, il y a un breil nommé le breil de Bellanton, et auprès d’yceluy, il y a une fontaine nommée la fontaine de Bellanton…[…] Item joignant la dite fontaine, il y a une grosse pierre qu’on nomme le perron de Bellanton, et toutes les fois que le seigneur de Montfort vient à ladite fontaine, et de l’eau d’icelle arrose et mouille le perron, quelque chaleur, temps sur de pluie, quelque part que le vent soit, soudain et en peu d’espace, plutôt que le dit seigneur n’aura pu recouvrer son chasteau de Comper, ains que soit la fin d’iceluy jour, plera en pays si abondamment que la terre et les biens estant en icelle en sont arrousées, et moult leur profite. » (Aurélien de Courson, Cart. Redon, Prolégoménes, p. CCCLXXXVI)
Même si le passage de Wace est antérieur de trois siècles aux usements de Brécelien, j'ai du mal à croire qu'un recueil de coutumes ait pu prendre modèle sur un écrivain : la coutume existait certainement déjà à Paimpont du temps de Wace.
Il semblerait bien que certains rituels celtiques, utilisés par la littérature arthurienne, avaient cours en forêt de Paimpont bien avant la vague celtomane du 19ème siècle.
Est-ce qu'on mouille le perron des fontaines dans d'autres forêts bretonnes ?