Une ville romaine sort lentement de terre - Forêt normande

[Guillaume]

Une ville romaine sort lentement de terre dans la forêt normande
2006-09-28 11:34:47
EU (Seine-Maritime) (AFP)

Après plus de dix ans de fouilles du site antique du Bois l'Abbé à Eu (Seine-Maritime), des archéologues assurent avoir commencé à exhumer les vestiges d'une ville romaine qui pourrait être la capitale du peuple gaulois méconnu des Catuslugi.

De part et d'autre d'une route forestière, de larges murs de pierres et de briques d'un temple et d'une basilique ont été dégagés près d'une ferme. En contrebas, les vestiges d'un vaste théâtre émergent par endroits de la végétation en épousant les contours d'un vallon. Un peu plus loin, sous des tôles ondulées, sommeillent les restes de thermes bien conservés.

En août dernier, les archéologues ont encore fait une découverte majeure : une dédicace sur une pierre calcaire brisée en une cinquantaine de morceaux mentionnant un certain P Magnus Belliger ayant financé sur ses deniers une basilique sur le territoire des Catuslugi. "Il nous manque un morceau que nous ne désespérons pas de retrouver sur lequel est vraisemblablement écrit le nom de la ville", s'enthousiasme Etienne Mantel du service régional d'archéologie de Haute-Normandie.

Les archéologues, qui soulignent que ce genre de découverte est "rare" au nord de la Loire, ont aussitôt fait le rapprochement avec une autre dédicace découverte quelques années plus tôt dans le théâtre où il était également fait état des Catuslugi. "Cela confirme que les Catuslugi qui ne sont connus que par une mention dans un texte de Pline l'Ancien recensant les peuples gaulois étaient localisés dans cette région", soutient Etienne Mantel.


Exploré par intermittence depuis deux siècles, le site antique du Bois l'Abbé, découvert à l'occasion du percement d'une route, était jusqu'à ces dernières années considéré comme un lieu de culte et de convivialité isolé. "Cette thèse n'est plus aujourd'hui recevable avec les découvertes récentes qui montrent que les lieux de culte étaient associés à des bâtiments administratifs organisés autour d'un forum et à des maisons", dit M. Mantel.

Cet archéologue estime que la ville, dont les constructions s'échelonnent entre le Ier siècle avant JC et le IIIème siècle après JC, est vraisemblablement née de l'installation d'une garnison romaine à laquelle se sont agrégées des populations locales.

Le site, qui a été pillé par endroit, s'étend sur une trentaine d'hectares dont une toute petite partie a été pour le moment explorée. "Il nous reste pour cent ans de fouilles", assure Laurent Cholet, responsable du service municipal d'archéologie d'Eu.

Les archéologues vont s'employer en particulier à fouiller les zones d'habitat repérées jusqu'à maintenant uniquement par des sondages de manière à pouvoir estimer la taille de la ville. Ils notent simplement que le théâtre devait pouvoir accueillir environ 5.000 personnes.

A côté de ce travail de recherche et d'interprétation, ils veulent ouvrir le site au public autour d'un petit musée qui pourrait voir le jour dans les prochains mois.
© AFP.

Source & Photo (ici)

[Patrice]

Salut,

Merci pour l'info.
J'ai essayé de lire l'inscription sur la photo. Je ne pense pas qu'ils trouveront le nom de la ville, mais sans doute un surnom topique de Mercure et de Jupiter.

En tous cas, le formulaire est étonnant:

NVM(inibus) AVG(ustorum) PAG(i) CA[tuslougi]
IOVIO (sic!) MERCVRI[o ...]
SENSI P MAG[nus ...]
BELLIGER BASIL[ica]
D(e) S(uo) D(edit)

Au numen de l'empereur, au pagus Catuslougus
A Jupiter et à Mercure de ...
P. Magnus Belliger (a fait) cette basilique avec son propre (pécule).
De Suo Dedit est une variante rare de De sua pecunia dedit. On la retrouve à Lisieux, sur une colonne votive.
Intéressant!

A+

Patrice

[Pierre]

Salut Patrice,


Sur la 2ème photo, on y voit un M en fin de 4ème ligne ?

La photo est tronquée, mais une quatrième lettre en dernière ligne est prévisible, compte tenu du centrage ?

Idée ?


@+Pierre

[Patrice]

Salut,

Mea culpa...


Basilicam, bien sûr.

Par contre pour la dernière ligne, c'est certain: c'est bien le formulaire DSD.

On a là une forme de donation assez courante dans l'Empire (ce sont les élites qui construisent les monuments publics), mais ce qui est marrant est de voir l'Empereur en premier (ça c'est normal) mais immédiatement après le pagus, avant les dieux. On aurait attendu l'empereur / les dieux / le pagus...

A+

Patrice

[Patrice]

J'en profite pour ajouter une petite modération:
Tant que les archéologues qui fouillent le site n'auront pas d'idée exacte de sa superficie, il me semble délicat de parler de ville et de peuple.
Il vaudrait mieux en rester, à l'heure actuelle, à l'idée de pagus (bien attestée, donc) et de vicus.

A+

Patrice

[Thierry]

Le site d'Eu - Bois l'Abbé est connu et fouillé depuis longtemps déjà...Il était plutôt répertorié jusqu'à présente comme un vaste sanctuaire dont les origines remontent à l'époque de l'indépendance - on y a retrouvé un nombre très important de pièces gauloises dont des véliocasses et des calètes (des SVTICCOS et des CALEDV notamment) -mais aussi un statère ambien et même une pièce massaliote.

C'est un vaste sanctuaire à l'époque romaine et on peut aisément faire le parallèle avec le Ribemont d'époque impériale (Théâtres et thermes...). Ca n'en fait pas forcément une ville -chef lieu de civitas....Quant au Pagus catuslogi c'est un pagus qui se revendique comme tel...Plutôt que d'y voir un peuple indépendant, j'y verrai plutôt un pagus déconcentré de la cité des Calètes...D'ailleurs, ce coin -l'extrémité Nord Est de la Normandie, au dessus du pays de Bray, s'appelle toujours le Petit Caux, ce n'est peut être pas un hasard.

Je suis un peu désolé par les remarques effectuées à la fin de l'article où on nous parle de garnison romaine - Astérix a frappé chez les archéologues aussi ? - comme explication du site alors qu'il ya manifestement une présence laténienne dans une zone de confrontation et de rencontre majeure dès le III° av JC - Fesques n'est pas très loin non plus et puis les garnisons romaines à l'époque impériale ne sont pas là mais toutes tournées vers ou sur la frontière du Rhin.

Je vais vous chercher la première inscription, celle retrouvée dans le théâtre, si ça vous intéresse.

[Pierre]

Salut Thierry,

Un hic quand même, Calètes et Catuslougues commencent tous les deux par "CA" (manquerai plus qu'ils trouvent un "L" sur la partie manquante

AE 1978, 00501, Bois-l'Abbé, Seine-Maritime.
L(VCIVS) CERIALIS RECTVS SACERDOS R[OMAE ET AVG(VSTI)] IIIIVIR Q(VAESTOR) PRA[EFECTVS lATRO]CINIO [ARCENDO?] NVMINIBVS AVG(VSTORVM) PAGO CATVSLOV(GO) DEO [MARTI THEATRV]M CVM PROSCAENIO [ET SVIS ORNAMENTIS] D(E) S(VA) [P(ECVNIA) F(ECIT)]

Pas d'Asterix attesté dans l'antiquité. Mais si tu veux, j'ai un Obélix


@+Pierre

[Patrice]

Merci Thierry pour la mise au point.

Parfois les gens s'emballent quand ils font une découverte. Il faut le comprendre. Il y a eu la même chose avec la pseudo-Lutèce de Nanterres.

Pierre, du fait qu'il y ait PAG(i) avant CA[ empêche d'y voir les Calètes qui formaient un cité.

A+

Patrice

[ejds]

Une ville romaine sort lentement de terre dans la forêt normande

Et ben dit donc ! 200 ans qu’elle prend le temps de sortir et dans une forêt normande en plus ! Faut le faire ! :lol:

Un petit reportage filmé de France3 :

Une découverte majeure
Reportage de Virginie Ducroquet et Stéphane l'Hôte

* Découverte d'une ville romaine (JT 19/20 le 28/09/2006)*

Tout comme Carhaix, la ville romaine, ou plutôt gallo-romaine, a sans nulle doute été implantée ex nihilo et c’est développée en plein territoire Gallia Belgica pacifiée.

De cette "découverte majeure" qui remonte au XVIIIème siècle, la tribu des Catoslugi, Catuslugi, Catuslogi..., francisée en Catuslogues Catusiuges… n’a pas laissé grande trace dans les écrits. Pourtant une profusion de monnaies n’a pas laissé indifférents les collectionneurs de « Bronze Pagus Catuslugi type Bois l'Abbé dans la catégorie Monnaies, Pièces antiques, Gauloises » sur les nombreux eBay et autres Numishops ou les forums de détecteurs, tel que : :?

http://www.la-detection.com/dp/message-24909.htm

On retrouvera dans le livre en latin de Gaius Plinus Secundus (Pline l’ancien), chapitre IV :

106 a Scaldi incolunt [texero] Texuandri pluribus nominibus, dein Menapi, Morini ora Marsacis iuncti pago qui Gesoriacus vocatur, Britanni, Ambiani, Bellovaci, Bassi. introrsus Catoslugi, Atrebates, Nervi liberi, Veromandui, Suaeuconi, Suessiones liberi, Ulmanectes liberi, Tungri, Sunuci, Frisiavones, Baetasi, Leuci liberi, Treveri liberi antea et Lingones foederati, Remi foederati, Mediomatrici, Sequani, Raurici, Helveti, coloniae Equestris et Raurica. Rhenum autem accolentes Germaniae gentium in eadem provincia Nemetes, Triboci, Vangiones, in Ubis colonia Agrippinensis, Guberni, Batavi et quos in insulis diximus Rheni.

http://penelope.uchicago.edu/Thayer/L/R ... er/4*.html

Et en français, sur le site Remacle :

[2] A l'Escaut, l'extérieur est habité par les Toxandres, divisés en plusieurs peuplades; puis viennent les Ménapiens, les Morins, les Oromansaques, attenants au bourg appelé Gessoriacum (IV, 30); les Bretons, les Ambianiens, les Bellovaques (21); dans l'intérieur, les Catusiuges (22), les Atrébates, les Nerviens, libres ; les Véromanduens, les Suécons, les Sassions, libres; les Ulmanètes, libres; les Tongres, les Sunuques, les Frisiabons, les Betases, les Leuciens, libres; les Trévères, libres auparavant, alliés maintenant; les Lingons, alliés; les Rèmes, alliés; les Médiomatriques, les Séquanes, les Rauriques, les Helvétiens: colonies, Équestris et Raurica (23); sur le Rhin, peuplades germaniques habitant la Gaule Belgique : les Némètes, les Triboques, les Vangions; puis les Ubiens, la colonie d'Agrippine (Cologne), les Gubernes, les Bataves, et ceux dont nous avons parlé à propos des îles du Rhin (IV, 29).

http://remacle.org/bloodwolf/erudits/pl ... livre4.htm

e.

[frédérique]

En tous cas on aura fait un tour de la question, dramatique ou enrichissant. Merci à tous pour vos commentaires...

[ejds]

Les potins du net : Eu encore !

Pas loin d’Eu, à “L’Orée de la forêt”, l’INRAP se perd en conjonctures : :lol:

Fouilles préventives au Mont-Vitot

Les Mérovingiens s’invitent sur le chantier

Publié le: 21 décembre 2006



http://www.linformateur.com/news/fullst ... Vitot.html

Le service archéologique de la ville d’Eu mène, jusqu’à la mi-février, un chantier de fouilles préventives sur le site du futur lotissement “L’orée de la forêt” au Mont Vitot. Des diagnostics de l’INRAP (Institut National de Recherche Archéologique Préventive) avaient révélé la présence d’un enclos gaulois. Les fouilles ont fait apparaître des tombes mérovingiennes. Surprenante découverte.

Le chantier de fouilles préventives du Mont Vitot, entrepris par le service municipal d’archéologie, a débuté le 4 décembre. En deux mois et demi, une parcelle de 13 000 m2, sur laquelle se dressera dans un avenir proche le lotissement pavillonaire “L’Orée de la forêt”, doit être explorée pour évaluer la présence gauloise (250 avant J-C) repérée lors de sondages par l’INRAP (Institut National de Recherche en Archéologie Préventive) en mai dernier.

Les fouilles préventives confiées au service archéologique de la ville d’Eu, qui a l’agrément des services de l’Etat pour mener un tel chantier, ont connu des débuts difficiles en raison des fortes pluies. “Les fouilles préventives sont une course contre la montre or le régime d’intempéries que nous avons connu la première semaine n’était pas optimal”, remarque Laurent Cholet, archéologue responsable du service municipal.

Présence gauloise

... et mérovingienne

Les sondages de l’INRAP révélaient des structures fossoyées qui laissaient supposer la présence en ces lieux, à l’époque gauloise, d’une ferme indigène. D’où la prescription de fouilles préventives. Les premières fouilles ont confirmé ces hypothèses: des fossés délimitant un enclos et un four domestique sont apparus sous une couche de terre de près de 80 à 90 cm. La découverte de plusieurs tombes gauloises à incinération, avec leurs urnes en terre cuite, est également venue appuyer les premières suppositions.

En fin de semaine dernière, les archéologues ont cependant été interpellés par l’apparition de sépultures en longueur, bien différentes des tombes gauloises de forme ronde. En creusant, ils ont mis à jour des ossements et des céramiques mais aussi des armes en fer, tel qu’un scramasaxe, un glaive fin et long, ou des accessoires en “bronze” de type ceintures. Avec leur expérience, les archéologues comprennent vite qu’ils ont affaire à des sépultures mérovingiennes, sans doute datées des VIe ou VIIe siècle après J-C.

Que faisaient-ils là?

Ravis de la découverte, les archéologues ne cachent pas pour autant leurs interrogations:. “Que faisaient-ils là?”, se questionne par exemple Sophie Devillers, du service archéologique municipal, particulièrement au fait de l’époque mérovingienne puisqu’elle est aussi la présidente de la FATRA (association à l’initiative du village mérovingien reconstitué à Blangy-sur-Bresle).

La présence mérovingienne sur le site est assez limitée, “sans doute un noyau familial”, supposent les archéologues. Il faudra attendre les résultats des études post-fouilles pour établir véritablement des hypothèses.

Ce travail sera mené durant trois mois et fera suite au chantier. A partir du plan global du site, établi par des géomètres topographes, mais aussi le traitement du mobilier (lavage et datation des différentes pièces), son inventaire et la réalisation de dessins, les archéologues pourront établir leur rapport de fouilles, lequel sera ensuite intégré à la carte archéologique nationale, document utile et nécessaire pour les chercheurs.

La découverte de ces sépultures ne va pas, pour autant, retarder le lancement de la construction du futur lotissement. Les fouilles préventives restent des fouilles dans l’urgence où l’expérience est capitale: que ce soit pour établir les relevés, faire les coupes des structures étudiées ou comprendre, dans les plus brefs délais, l’organisation du site. C’est en tout cas un atout supplémentaire pour les archéologues eudois, déjà gâtés avec le site gallo-romain du Bois l’Abbé.

I. Flutre

e.