Dans son important ouvrage : Histoire critique de l'établissement de la monarchie française dans les Gaules (livre VI, chapitre I), paru en 1734, l’abbé Dubos (1670-1742) tente de prouver que les premières vagues de Francs pénétrèrent en Gaule, non comme envahisseurs, mais comme invités et alliés des Romains : :?
[...] On voit encore le peuple d'une même contrée divisé en plusieurs nations dans les colonies que les européans ont fondées en Asie, en Afrique ou en Amérique, et principalement dans celles que les castillans ont établies dans cette derniere partie du monde. Je dis quelque chose de semblable, car il s'en faut beaucoup que la difference qui étoit entre les diverses nations qui habitoient ensemble dans les Gaules, dans l'Italie et dans l'Espagne durant le sixiéme et le septiéme siécles, fût aussi grande et pour ainsi dire, aussi marquée, que l'est par exemple la difference qui se trouve entre les diverses nations dont le Mexique est habité, soit par rapport aux usages et aux inclinations, soit par rapport à la condition de chacune d' elles, comme au traitement qu' elles reçoivent du souverain.
Les espagnols, les indiens et les negres libres dont est composé le peuple du Mexique, sont originairement des nations bien plus differentes par l'exterieur et par les inclinations que ne l'étoient les habitans de la Germanie et ceux des Gaules, lorsque les premiers germains s'établirent dans les Gaules. D'ailleurs les espagnols se sont établis dans le Mexique, en subjuguant les armes à la main les anciens habitans du pays, et les negres qui s'y trouvent, y ont été transportés comme esclaves achetés à prix d'argent, ou bien ils descendent d'ayeux qui ont eu cette destinée.
Au contraire les francs et les autres germains qui s'établirent dans les Gaules, s'y établirent non pas sur le pied de conquerans, mais sur celui d'hostes et de confederés
c' est-Ã -dire, pour y vivre suivant
les conventions qu'ils faisoient avec les anciens habitans du pays.
http://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_ ... CHAPITRE_1
Cette thèse défendue par Chateaubriand dans son Analyse raisonnée de l’histoire de France :
http://www.hightowertrail.com/midi/l-hi ... France.htm
sera réfutée particulièrement par Montesquieu dans son Esprit des lois (chapitre XXX) :
[...] Monsieur l'abbé Dubos veut ôter toute espèce d'idée que les Francs soient entrés dans les Gaules en conquérants: selon lui, nos rois, appelés par les peuples, n'ont fait que se mettre à la place, et succéder aux droits des empereurs romains.
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/ENC3/20.html
Qaunt à lui, Augustin Thierry (1795-1856), dans son Historiographie du XIXe siècle, apporte son point de vue :
Dubos et Boulainvilliers
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/ENC4/12.html
Jean-Baptiste Dubos, secrétaire perpétuel de l'Académie française, célèbre alors comme littérateur et comme publiciste, entreprit non-seulement d'abattre le système historique de Boulainvilliers, mais encore d'extirper la racine de tout système fondé pareillement sur la distinction des vainqueurs et des vaincus de la Gaule. C'est dans cette vue qu'il composa le plus grand ouvrage qui, jusqu'alors, eût été fait sur les origines de l'histoire de France, un livre encore lu de nos jours avec profit et intérêt, l'Histoire critique de l'établissement de la monarchie française dans les Gaules.
L'esprit de ce livre, où un immense appareil sert d'échafaudage à un argument logique, peut se formuler en très-peu de mots et se réduire aux assertions suivantes : "La conquête de la Gaule par les Francs est une illusion historique. Les Francs sont venus en Gaule comme alliés, non comme ennemis des Romains. -- Leurs rois ont reçu des empereurs les dignités qui conféraient le gouvernement de cette province, et par un traité formel ils ont succédé aux droits de l'empire.-- L'administration du pays, le droit des personnes, l'ordre civil et politique, sont restés avec eux exactement les mêmes qu'auparavant. -- Il n'y a donc eu, aux cinquième et sixième siècles, ni intrusion d'un peuple ennemi, ni domination d'une race sur l'autre, ni asservissement des Gaulois. -- C'est quatre siècles plus tard que le démembrement de la souveraineté et le changement des offices en seigneuries produisirent des effets tout semblables à ceux de l'invasion étrangère, élevèrent entre le roi et le peuple une caste dominatrice et firent de la Gaule un véritable pays de conquête."
Ainsi le fait de la conquête était retranché du cinquième siècle pour être reporté au dixième avec toutes ses conséquences, et, par cette simple opération, la loi fondamentale de Boulainvilliers, le droit de victoire, s'évanouissait sans qu'il fût besoin d'en discuter la valeur ou l'étendue. En outre, tout ce dont l'établissement des Franks se trouvait déchargé en violences, en tyrannies, en barbaries, tombait à la charge de l'établissement féodal, berceau de la noblesse, et de la noblesse seule, la royauté demeurant, comme la bourgeoisie, une pure émanation de la vieille société romaine (Considérations sur l'histoire de France, ch.II = Oeuvres, vol.VII, p.71-73).
e.