Le vase d'Alésia

[Marc'heg an Avel]

"... nous ignorerons à jamais si c’était un légionnaire qui a donné sa vie pour la grandeur de Rome et pour celle de César ou un guerrier gaulois tombé pour délivrer ses compatriotes assiégés et pour défendre la liberté de sa patrie ..."

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On a l'impression d'entendre parler de la guerre 1914-1918 !



Monument aux Morts de Plourin-Les-Morlaix. Photo JC Even. copyright.

JCE

[Jacques]

Admirons l'exploit qui consiste à sculpter dans le granit des nattes dégagées de la tête : aux Ponts-de-Cé, près d'Angers, sur un pont qui enjambe la Loire, nous avons un Dumnacos beaucoup plus massif http://www.thesaumag.fr/modules/phpwebg ... dumnac.jpg

[Jacques]

:oops: PUB/INTERLUDE : bien entendu, pour Jacques et ceux désireux de répondre et continuer directement sur le fil, c'est par ici : >> L'emblematique Nemed !

Oui, eh bien ! ça peut arriver à tous le monde, et puis il fallait bien s'extraire de ce sujet vaseux !

[DT]

Salut,
JCE, ta photo doit être un montage, il n'y a pas de ciel bleu en Bretagne
A+

[Marc'heg an Avel]

SI !

JUSTEMENT !

PARLONS EN !

En Bretagne, il fait beau deux fois par jour.

Vous ne pouvez pas en dire autant ailleurs.

Et j'ai profité qu'il faisait beau.

JCE

[ejds]

L'umbo, le "porte-monnaie" antique !
Une manière de régler ses comptes ?

Mérimée, qui participa aux fouilles, n’est pas très prolixe sur le net concernant le vase d’argent.

Voici ses propos :

[21] [...] Les ignorants demandent pourquoi, lorsque l’on regarde à ses pieds, on trouve tant de deniers romains, tant de monnaies antiques et si peu de pièces d’un franc et même de sous. Les érudits répondent que les anciens n’avaient pas de poches. Sans discuter ici cette grande question nous nous contenterons de rapporter un fait assez curieux ; c’est que plusieurs fois, autour d’Alise, on a trouvé de petits amas de médailles dans la concavité d’un umbo de bouclier. Il paraît que les soldats portaient ainsi leur pécule.

Nous citerons encore parmi les trouvailles faites dans les fouilles d’Alise des pointes de pilum, des épées légionnaires avec leurs fourreaux en bronze, des balles de fronde en plomb et plusieurs échantillons de ces chausse-trappes, stimuli, semés par les Romains en avant de leurs lignes ; enfin un magnifique vase d’argent, de travail grec, recueilli dans un fossé, du côté de la plaine des Laumes.

HISTOIRE DE JULES CÉSAR

e

[ejds]

En cherchant un peu !

On reconnaîtra des vases semblables à celui d’Alésia au décor végétal au musée du Louvre :


Photo : louvre-passion.over-blog.com

En effet, celui-ci présente la centaine d'objets en argent du remarquable Trésor d'orfèvrerie romaine découvert en 1895 à Boscoreale, non loin de Pompéi, et qui fut enfoui probablement par son dernier propriétaire à la veille de l’éruption du Vésuve en 79 après J.-C. On peut aussi y voir d'autres pièces d'argenterie trouvées en Gaule.

Appelés "Kantharos" (cantharus) ou "skyphos" (scyphus), on les retrouvera, ainsi que celui d'Alésia, parmi la collection proposée sur le site suivant :

silver cup in the Museum of Saint Germain en Laye France (from 'The History of Silver')


skyphos: embossed silver with animals and floral motifs
Treasure of Boscoreale
Louvre Museum

skyphos: embossed silver with plane tree branches
Treasure of Boscoreale
Louvre Museum

http://www.ascasonline.org/ARTICOLOSKYPHOSING.html

e.

[Marc'heg an Avel]

Un dessin du vase de Boscoreale se trouve à la page 2627, en compagnie d'autres dessins, encyclopédie Tout l'Univers, tome 12.

Boscoreale se trouve au pied du Vésuve.

JCE

[Leucobena]

C'est limpide !

(salut tout l'monde !)

[ejds]

Il y a trois graffites gravés sous le pied avec une pointe : l’un d’eux est sans doute une indication de poids, que l’on comprend mal ; quant aux deux autres, personne n’a réussi à les lire vraiment ni même à dire avec certitude s’ils étaient en cursive grecque ou en cursive latine, nous ne pouvons donc en tirer aucune indication.

Il existe aussi un trésor de 118 pièces découvert à Pompéi en 1930 dans la maison de Ménandre et dont certains vases sont semblables en style à celui d’Alésia.

Skyphos avec paysages, Kantharos avec rameau d'olivier... les vases pour boire (argentum potórium) venaient généralement en paires, aussi les inscriptions sur leurs bases indiquent le poids total (pondus) des deux pièces.

Un livre à consulter :

The Insula of the Menander at Pompeii
Volume IV: The Silver Treasure


e.

[ejds]

Ce que l’on peut avoir pris, à première vue, comme une sorte de mystérieux Graal gaulois ne semble probablement qu’un simple vase provenant d’un lot de vaissellerie de luxe appartenant à un riche notable alésien et perdu lors du sac d’Alésia en 52.

On retrouvera certainement une grande partie de ce butin de guerre gaulois lors des festivités données en l'honneur du vainqueur des Gaules, à Rome en 46 :

[…] Le triomphe de César dura quatre jours : le premier, on porta devant le vainqueur, pour célébrer la conquête des Gaules, les noms de trois cent peuples et de huit cent villes, des vases d’or et d’argent pour une valeur de 65,000 talents, sans compter les couronnes d’or données en présent par les princes et les villes ; dix-huit cent vingt-deux de ces couronnes pesaient ensemble quinze mille trente-trois livres.

Tous ces trésors suffirent non seulement pour payer la solde arriérée des troupes de César, mais pour donner à chaque soldat une gratification de 3.600 fr., et une autre de valeur double pour chaque centurion. En outre César fit distribuer au peuple des vivres et de l’argent à raison de dix boisseaux de blé, de dix mesures d’huile, et de 400 deniers par tête ; il lui donna un repas où il y eut vingt-deux mille tables servies, et qui fut suivi de combats et de jeux magnifiques. Voyez l’Abrégé de l’histoire universelle, par Gatterer.

ANTIQUITES ROMAINES,
ou tableau des mœurs, usages et institutions des Romains;
Par Alexandre ADAM, Chez Verdière, 1826. Seconde édition, Tome second, p. 520.

Envoyé dans les prisons de Rome après la chute d’Alésia, Vercingétorix n'en sortit qu'enchaîné derrière le char de César. On l'étrangla le soir même du défilé.

Quant au butin de guerre gaulois que devint-il ? Revendu au poids aux ferrailleurs/refondeurs tous métaux, à la sauvette sur les étals des marchés de souvenirs de guerre ou bien à l’encan aux « antiquaires » ou riches collectionneurs romains …?!

e.

[Adcanaunos]

Hmm... Le triomphe décrit par ce M. Adam m'a tout l'air d'une extrapolation du texte de Plutarque, Vie de César XV, 1, où il n'est nulle part fait mention de "vases en or et en argent".
De tels récipients, les fouilles n'ont d'ailleurs jamais livré la moindre trace antérieure à la conquête, ni en territoire éduen ni dans d'autres régions de la Gaule indépendante.
En revanche, les riches familles patriciennes ou équestres de la fin de la République romaine faisaient un large usage de ces canthares et autres skyphoi en métaux précieux, dignes du meilleur Falerne millésimé...
Bref, il y a tout lieu de voir dans le "Graal d'Alésia" une vaisselle perdue non pas par un notable local, mais par un soldat (officier ?) qui l'avait emmenée parmi ses impedimenta.
Une telle marque de luxe ne doit pas surprendre dans un contexte de bataille : il suffit de rappeler que, selon Suétone, César en campagne faisait paver sa tente de carrelages et de... mosaïques transportés avec ses bagages !

[ejds]

Hmm... Le triomphe décrit par ce M. Adam m'a tout l'air d'une extrapolation du texte de Plutarque, Vie de César XV, 1, où il n'est nulle part fait mention de "vases en or et en argent".

Plutarque (v. 50 – 125 ap J.-C.), puisant lui-même dans diverses biographies ou archives militaires (mais sans citer ses sources) pour écrire sa Vie de César, indique effectivement :

XV I. Voilà les actions de sa vie qui précédèrent son commandement dans les Gaules. Les guerres qu'il fit depuis, ces expéditions fameuses dans lesquelles il soumit les Gaules, lui ouvrirent une route toute différente, et commencèrent, en quelque sorte, pour lui une seconde vie ; c'est dans cette nouvelle carrière qu'il se montre à nous aussi grand homme de guerre, aussi habile capitaine qu'aucun des généraux qui se sont fait le plus admirer, et ont acquis le plus de gloire par leurs exploits. Soit qu'on lui compare les Fabius, les Métellus, les Scipions, ou les autres généraux ses contemporains, ou ceux qui ont vécu peu de temps avant lui, tels que les Sylla, les Marius, les Lucullus, et Pompée lui-même,

Dont la gloire et le nom s'élèvent jusqu'aux cieux ;

en quelque genre de succès militaire que ce soit, on reconnaîtra que les exploits de César le mettent au-dessus de tous ces grands capitaines. Il a surpassé l'un par la difficulté des lieux où il a fait la guerre ; l'autre, par l'étendue des pays qu'il a subjugués ; celui-ci, par le nombre et la force des ennemis qu'il a vaincus ; celui-là, par la férocité et la perfidie des nations qu'il a soumises ; l'un, par sa douceur et sa clémence envers les prisonniers ; un autre, par les présents et les bienfaits dont il a comblé ses troupes ; enfin, il a été supérieur à tous ses grands hommes, par le nombre de batailles qu'il a livrées, et par la multitude incroyable d'ennemis qu'il a fait périr. En moins de dix ans qu'a duré sa guerre dans les Gaules, il a pris d'assaut plus de huit cents villes, il a soumis trois cents nations différentes, et combattu, en plusieurs batailles rangées, contre trois millions d'ennemis, dont il en a tué un million, et fait autant de prisonniers.

mais on lira aussi quelques chapitres plus loin :

XXX. Le plus grand nombre de ceux qui s'étaient sauvés par la fuite se renfermèrent avec leur roi dans la ville d'Alésia. César alla sur-le-champ l'assiéger, quoique la hauteur de ses murailles et la multitude des troupes qui la défendaient la fissent regarder comme imprenable. Pendant ce siége, il se vit dans un danger dont on ne saurait donner une juste idée. Ce qu'il y avait de plus brave parmi toutes les nations de la Gaule, s'étant rassemblé au nombre de trois cent mille hommes, vint en armes au secours de la ville ; ceux qui étaient renfermés dans Alésia ne montaient pas à moins de soixante-dix mille. César, ainsi enfermé et assiégé entre deux armées si puissantes, fut obligé de se fortifier de deux murailles, l'une contre ceux de la place, l'autre contre les troupes qui étaient venues au secours des assiégés : si ces deux armées avaient réuni leurs forces, c'en était fait de César. Aussi le péril extrême auquel il fut exposé devant Alésia lui acquit, à plus d'un titre, la gloire la mieux méritée : c'est de tous ses exploits celui où il montra le plus d'audace et le plus d'habileté. Mais ce qui doit singulièrement surprendre, c'est que les assiégés n'aient été instruits du combat qu'il livra à tant de milliers d'hommes qu'après qu'il les eut défaits ; et ce qui est plus étonnant encore, les Romains qui gardaient la muraille que César avait tirée contre la ville, n'apprirent sa victoire que par les cris des habitants d'Alésia et par les lamentations de leurs femmes, qui virent, des différents quartiers de la ville, les soldats romains emporter dans leur camp une immense quantité de boucliers garnis d'or et d'argent, des cuirasses souillées de sang, de la vaisselle et des pavillons gaulois. Toute cette puissance formidable se dissipa et s'évanouit avec la rapidité d'un fantôme ou d'un songe, car ils périrent presque tous dans le combat. Les assiégés après avoir donné bien du mal à César et en avoir beaucoup souffert eux-mêmes, finirent par se rendre. [...]

e.

[Adcanaunos]

une immense quantité de boucliers garnis d'or et d'argent, des cuirasses souillées de sang, de la vaisselle et des pavillons gaulois.[/b] Toute cette puissance formidable se dissipa et s'évanouit avec la rapidité d'un fantôme ou d'un songe, car ils périrent presque tous dans le combat. Les assiégés après avoir donné bien du mal à César et en avoir beaucoup souffert eux-mêmes, finirent par se rendre. [...]

Re-Mmmh... Navré d'insister, mais s'il est question de boucliers (arvernes !) dorés ou argentés, la phrase de Plutarque établit précisément la distinction avec la vaisselle et les "pavillons gaulois". La juxtaposition des vaisselles et des carnyx, désormais bien attestés pour cette époque par les dépôts de Tintignac, suggère a contrario qu'elle était en bronze. Pour le reste, ces détails correspondent de toute évidence à une enjolivure à valeur topique. Sa "source" principale, à savoir le texte de César (VII, 45-50), n'en fait pas mention.
Quoi qu'il en soit, la lecture des textes ne peut pallier la réalité archéologique : aucun vase en or ni même en argent n'est attesté, à ma connaissance (!), dans les territoires celtiques d'Europe tempérée à la fin du second âge du Fer. Cette situation contraste avec les nombreuses coupes en or connues pour des époques antérieures, aussi bien au premier âge du Fer (tombe de Hochdorf) qu'à la fin de l'âge du Bronze (Zurich Altstetten). Le "chaudron" de Gundestrup constitue une exception, mais à plus d'un titre : découvert dans une tourbière de Germanie libre, son origine gauloise est loin d'être évidente d'un point de vue technologique et stylistique.
Il n'est donc pas surprenant que le premier "vase" en argent attesté en Gaule soit d'origine romaine. Son lieu de découverte laisse, pour une fois, peu de doutes sur ce point : foulé aux pieds par des légions de Romains, qui y ont laissé quelques milliers de clous de caligae, il se caractérise précisément par la présence de nombreux objets importés, inconnus dans la Gaule d'avant la Conquête...
Sur ce, re-bonnes fêtes à tous.

[DT]

Salut,

Autre trésor d'argenterie:

http://gallica.bnf.fr/Anthologie/surprise.php?t=4&i=1

A+